Journal C'est à Dire 169 - Septembre 2011

SAMEDI 22 OCTOBRE 2011 La mairie des Gras a le grand plaisir de vous convier à la MATINÉE PORTES OUVERTES où seront présentés les travaux réalisés dans les bâtiments communaux rénovés : Ecole Local pompiers Atelier communal Appartement témoin (au dessus de l’école) Vestiaire du foot à partir de 9h30, vous serez accueillis dans ces locaux par les élus Pour clôturer la matinée, unapé ritif vous sera offert par la Municipalité devant le magasin dès 11h30

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Nathalie Roffet est en poste depuis début septembre à l’école mater-

nelle des Vieilles- Perrières.

élèves âgés de trois et quatre ans ? N.R. : Avec eux, je parlais tout le temps, je les obli- geais toujours à me regarder pour ne pas qu’ils voient ce qui se passait à côté. C’est bien simple : j’ai fait le “clown” pendant quatre heures et demie, je jouais un jeu. Il suffisait qu’il y en ait un qui pleure et c’était la catastrophe. C’est pour cela que j’ai fait sortir les plus inquiets en premier. Càd : En voulez-vous aujourd’hui à ce jeune forcené ? N.R. : Ce n’est pas forcément à lui que j’en veux le plus. Plutôt à tous ceux autour de lui qui l’ont lais- sé faire ça, que ses problèmes n’aient pas été détec- tés avant. Je sais qu’aux yeux des parents des élèves, je l’excuse trop. Certaines familles avaient des mots très violents à son encontre et je ne pouvais pas entendre ça. Tout cela a fait que je n’ai pas pu rester longtemps à l’école après cet événement. Càd : Les choses ne se sont donc pas apaisées après le départ des caméras et des micros ? N.R. : Pas du tout. Je pensais naïvement qu’au retour des fêtes de fin d’année, on serait passé à autre chose. Mais c’était encore pire : l’inquiétude des parents était encore plus vive à la rentrée de janvier. Bien vite, je ne me suis plus du tout sen- tie à ma place, j’avais l’impression que le regard

des gens sur moi avait changé. Et aujourd’hui enco- re je sens parfois que les gens ne me regardent plus pareil. Je suis encore à dire aux gens : “Oui, c’est moi l’instit de la prise d’otages.” Au bout de trois semaines, j’ai donc quitté Planoise et j’ai été remplaçante pour le reste de l’année. Je ne pou- vais plus gérer ma classe, les parents étaient deve- nus trop envahissants. Je n’étais plus une ensei- gnante, il fallait que je sois avocate, psychologue, traductrice… ça ne pouvait plus durer. Même si j’adore ces familles, je ne me reconnaissais plus dans ce scénario. À un moment donné, il fallait me laisser tranquille. Càd : Qu’attendez-vous aujourd’hui ? N.R. : J’attends surtout que les familles, celles qui ont porté plainte notamment, voient que la jus- tice va passer. Il faut que les familles entendent que ce gamin a dérapé, qu’elles puissent aussi pas- ser à autre chose. Mais être témoin dans une telle affaire, je ne m’y suis pas préparée non plus, je redoute cet instant forcément. J’ai hâte que tout cela soit classé. Càd : Quand la ville ou le préfet vous ont déco- rées, vous et Samia qui était également pré- sente dans la classe, vous avez joué profil bas. Pourquoi ?

N.R. : Parce que nous remettre une médaille c’était encore une fois nous mettre “en tête de gondole” et on ne le voulait pas. Des paroles auraient suf- fi mais des médailles, pourquoi ? J’avais aussi peur de la récupération politique. Càd : Et la pression des médias, comment l’avez-vous subie ? N.R. : C’était l’horreur. Certains m’ont pistée jusqu’en bas de chez moi alors que je n’avais pas encore revu mes proches. Cette affaire a pris une tournure disproportionnée. Toute ma famille savait que c’était moi à l’intérieur de la classe alors que pendant ce temps-là j’étais juste l’instit qui essayait de gérer ce truc bizarre. La pression était déjà énorme, alors heureusement que ça s’est bien fini cette histoire. Càd : Quelles réactions ont eu les gens à votre égard ? N.R. : J’ai reçu plus de 200 courriers et mails de

toute la France, on appelait sans arrêt à la mai- son, j’étais assaillie de toutes parts. Tout cela m’a beaucoup touché mais à un moment donné, j’ai eu envie de quitter le pays. C’était beaucoup trop. Après tout cela, on est sur le qui-vive en per- manence. Cette mise en lumière sur moi, j’étais gênée par rapport au jeune homme et à sa famil- le. Je pense et j’espère que ça va enfin se tasser. Càd : Votre vocation d’enseignante n’a pas été ébranlée par cet épisode ? N.R. : Pas du tout. On est toujours amené à bou- ger dans notre métier. À Planoise, j’étais arrivée en bout de course et je suis cette année aux Vieilles- Perrières, ça me convient. Càd : Vous tournerez un jour la page ? N.R. : Ce sont des choses qu’on ne peut pas oublier. Ce n’est pas possible… C’est une matinée qui res- tera à jamais incroyable. Propos recueillis par J.-F.H

“Aujourd’hui, je suis très heureuse” Kelly Maitrepierre

C’ est à dire : Vous avez 24 ans, vous êtes maman de deux enfants, quel chemin par- couru en neuf ans ! Kelly Maitrepierre : J’ai un B.E.P. sanitaire et social. Pendant trois ans, j’ai travaillé aux côtés des personnes âgées. Puis je me suis dit que j’avais la capacité de faire autre chose. Alors j’ai quitté mon travail pour faire une formation et trouver un emploi dans le tertiaire avec des horaires un peu plus compatibles avec ma vie de famille. Ma formation arrive à terme. Dans trois mois, j’aurai un stage en entreprise à la suite duquel j’espère être embauchée. Càd : Êtes-vous heureuse mainte- nant ? K.M. : Oui je suis très heureuse avec mes deux petites filles de cinq ans et quinze mois, mon compagnon à qui je dois beaucoup. Cela fait quatre ans main- tenant que j’ai trouvé mon équilibre. Mon rêve est d’acheter une petite mai- son loin de la ville pour y vivre avec mes filles, d’avoir un travail. Je ne demande pas le luxe, mais de vivre normalement, modestement avec ma famille. Càd : Vous venez de terminer l’écriture d’un livre dans lequel vous racontez ce qui vous est arrivé. Pour- quoi ce livre maintenant ? Fait-il partir de votre processus de recons- truction ? K.M. : Il m’a fallu un an pour l’écrire. L’envie m’a pris comme ça, un soir, alors que j’étais devant la télévision. Je pen- se que je n’avais pas totalement tour- né la page sur mon histoire. Ce tra- vail d’écriture m’a fait beaucoup de bien. Je l’ai fait sans doute pour me libérer mais aussi dans l’espoir qu’il soit édi- té. Je veux que mon histoire soit ren- due publique. Je veux pouvoir la valo- riser, qu’elle devienne un atout pour

C’est une jeune femme de 24 ans, épanouie, souriante, mère de deux enfants qui s’est présentée à nous. Kelly Maitrepierre tente de tourner la page sur l’agression terrible dont elle a été victime à Saint-Vit en 2002. Elle vient d’écrire un livre dans lequel elle se raconte. Le rappel des faits Saint-Vit, le 16 mars 2002. Kelly, 14 ans, est torturée par deux de ses copines âgées de 13 et 14 ans dans une vielle bâtisse rue de la Libération que les trois filles avaient lʼhabitude de fréquenter. Elles boivent quelques bières. La plus âgée assomme Kelly, lui taillade de visage, la gorge et ten- te de lʼétrangler. Ses poignets sont cou- pés avec un couteau de cuisine. Kel- ly est alors traînée dans la cave du bâti- ment. À bout de force, elle réussira à sʼextraire des lieux après quʼune de ses tortionnaires soit revenue sur pla- ce avec son petit ami, laissant la por- te de la cave ouverte. Elle et son aco- lyte seront mises en examen pour “ ten- tative de meurtre avec actes de bar- barie et de torture.” Dans un état gra- ve, Kelly sera hospitalisée plusieurs jours. Elle a échappé de peu à la mort. La jalousie et le satanisme sont deux raisons qui ont été avancées pour ten- ter dʼexpliquer ce déchaînement de vio- lence. Ce fait-divers sordide est un des plus marquants de ces dernières années.

moi. Qui sait, ce livre pourra peut- être aussi m’aider à sortir de mes pro- blèmes financiers. Pour l’instant, il n’a pas de titre. J’en discuterai le cas échéant avec un éditeur. Càd : Les deux filles qui vous ont agressée sont libres aujourd’hui. Vous y pensez parfois ? K.M. : Je ne gâcherais pas toute ma vie de famille pour elles. Si je devais les croiser un jour, je passerais outre. Je fais tout aujourd’hui pour m’en sortir. Elles ont voulu me tuer, elles ont vou- lu m’achever, j’ai maintenant ma revanche à prendre sur la vie. J’ai des projets qui je l’espère se réaliseront com- me ce livre que j’aimerais voir éditer. Je crois en ma petite étoile… Càd : Pensez-vous que les gens se souviennent de votre histoire ? K.M. : Cela fait seulement neuf ans. Les gens n’ont pas oublié ce fait-divers qui a été très médiatisé. Beaucoup m’en parlent. Ils s’en souviennent comme si c’était hier. Càd : Et vous ? K.M. : J’ai tout en tête, les 21 coups de couteau, l’étranglement. J’étais mécon- naissable. Ce qui est curieux, c’est que je ne me souviens pas de la douleur. Le pire moment, c’était quand j’étais dans cette cave noire allongée dans la boue. Je me vidais de mon sang. Je connais- sais cette maison abandonnée et je savais que personne allait me retrouver là. Alors je me suis recroquevillée sur le sol en me disant “Kelly tu vas mourir”. Je voulais m’endormir pour ne pas me voir mourir. Cette cave est mon pire sou- venir. Si ces filles avaient eu de l’essence, elles m’auraient brûlée vive. Quand je raconte cela aux gens, ils sont trau- matisés. Je ne me rends pas compte à quel point ce que j’ai subi est grave.

Kelly Maitrepierre a retrouvé son équilibre à Cussey-sur- l’Ognon, vers Besançon.

Je raconte mon histoire comme si c’était celle de quelqu’un d’autre. Càd : On imagine que le trauma- tisme est encore profond en vous ? K.M. : J’ai une perte de sensibilité dans la main gauche. Je n’ai confiance en per- sonne. J’ai très peur du noir. Je m’endors avec la télévision. Franchement, j’ai la trouille de rester seule dans une mai- son. Parfois j’ai des pertes de mémoire, j’ai du mal à me concentrer. Càd : Avez-vous raconté votre his- toire à votre fille aînée ? K.M. : A l’aînée oui, je lui ai expliqué mais sans entrer dans les détails. Elle m’a bom- bardée de questions. Je lui raconterai plus tard ce qui m’est réellement arrivé. Càd : Vous évoquez des problèmes financiers. Pourtant vous avez été dédommagée. Qu’avez-vous fait de cet argent ? K.M. : En effet, j’ai perçu environ 100 000 euros de dommages et intérêts. À 18 ans, quand j’ai touché cette somme j’ai pété un plomb. J’étais naïve. J’ai beau- coup donné d’argent. J’ai déprimé dans l’alcool et la drogue, j’ai tout dépensé, j’ai fait des erreurs. Je voulais profiter. J’avais besoin d’exploser dans ma vie. Aujour- d’hui, je regrette cela évidemment. J’en ai tiré les leçons. Quand je suis tombée enceinte, j’ai décidé de garder mon enfant, c’était pour moi le seul moyen de sor- tir de tout cela. Et je m’en suis sortie.

Maintenant je sais où je vais.

Càd : Vous connaissez la véritable raison pour laquelle ces deux jeunes filles qui étaient vos amies vous ont agressée ? K.M. : Non je ne la connais pas. Nous n’avons rien appris au procès. Ce qui est certain, c’est qu’elles n’avaient aucu- ne pitié. C’était prémédité. Càd : Ce fait-divers sordide a été très médiatisé. Des médias vous ont- ils contactée ensuite pour que vous racontiez votre histoire ? K.M. : Oui, j’ai été contactée par deux émissions de télévision et en particu- lier par Jean-Luc Delarue. C’était il y a quelques années. J’ai refusé car je n’en voyais pas l’intérêt. Je voulais qu’on m’oublie. Je ne voulais plus entendre parler de cette histoire. Maintenant j’ai pris du recul, je suis adulte, je me sens prête à témoigner tout en sachant que j’aurais préféré qu’il ne m’arrive rien. Si cela peut m’apporter quelque chose de bénéfique et aider par la même occa- sion d’autres personnes qui se sont fait agresser, alors tant mieux. Càd : À la fin de votre livre vous vous adressez aux adolescents. Pourquoi ? K.M. : Je m’adresse aux jeunes. Je leur dis qu’il ne faut pas juger trop vite ses parents, car on ne sait pas toujours ce qu’ils ont vécu. Propos recueillis par T.C.

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