Journal C'est à Dire 169 - Septembre 2011

38

P A Y S D E P I E R R E F O N T A I N E

Interview de l’ancien sénateur Georges Gruillot : “Il faut poursuive la route des Microtechniques” Ancien sénateur et président du Conseil général, Georges Gruillot cou- le une retraite active entre Besançon et Vercel. L’homme politique retraité (U.M.P.) se confie sur le Grand canal, l’endettement du Dépar- tement, la ligne de chemin de fer et la route des Microtechniques.

Sénateur et chevalier de la légion d’honneur, Georges Gruillot vit l’été à Ver- cel,` le reste de l’année à Besançon.

D epuis trois ans et sa retraite d’homme publique, Georges Gruillot - 80 ans - est discret dans les médias. “Je suis comme un curé qui quitte sa paroisse : j’évite d’y revenir pour ne pas faire de l’ombre à mon successeur” dit-il. Pour C’est à dire, celui qui fut élevé au grade de chevalier de la Légion d’honneur en 2009 joue le jeu des questions-réponses. Il apporte sa vision éclairée sur des projets qu’il a pu mener à bien (route des Microtechniques par exemple) ou ceux qui ont capoté (Grand canal). Politique, économie, social, il parle sans langue de bois. C’est à dire : Depuis 2008, vous êtes retiré de la vie publique. Je constate que je ne touche pas terre et m’intéresse toujours à l’actualité en lisant deux heures par jour les jour- naux. Càd : Vous avez tout de même gardé des responsabilités nationales ! G.G. : Je suis en effet membre de la commission nationale d’aménagement commercial (C.N.A.C.), chargée de régler en appel les problèmes des gens mécontents des décisions des commissions départementales d’aménagement commercial. Cela concerne les implantations et extensions de grandes surfaces ou cinémas. Nous sommes 8 membres. Je représente le Sénat. Càd : Des dossiers locaux comme l’extension du ciné- ma de Besançon, de Pontar- lier ou d’hypermarchés sont sans doute passés sur votre bureau. Avez-vous voté ? G.G. : Nous avons une règle : lorsque l’on connaît un des thèmes, on s’abstient pour évi- ter les conflits d’intérêt. Càd : Vous rendez toujours visite à vos amis du Sénat à Paris. Envisagez-vous un retour sur la scène politique locale ? G.G. : Non. Càd : La politique dans le Doubs a - justement - évolué. À quoi attribuer le fait que deux sénateurs sur trois sont désormais de gauche dans le Doubs ? G.G. : On ne peut pas dire que publique et poli- tique. Que fait Georges Gruillot de ses journées ? Georges Gruillot : Je croyais que j’ennuierais car j’ai passé ma vie à 100 l’heure aussi bien professionnelle (1) que

le Doubs est une terre de droi- te. Cela fait longtemps que ça balance. Les postes de respon- sabilité sont en ce moment tenus par la gauche mais ce n’est pas irréversible. Càd : Que se passe-t-il avec l’U.M.P. dans le Doubs ? Jean- François Humbert tacle son camp (voire C’est à dire de septembre). Votre sentiment ? G.G. : Je suis toujours inscrit à l’U.M.P. Sous la houlette de Jean- Marie Binétruy et Michel Vie- net, l’U.M.P. fonctionne bien. Pour Jean-François Humbert, que je connais bien, il est un peu aigri. Càd : Vos prévisions pour la Présidentielle de 2012 ? G.G. : J’ai toujours pensé que publique et vie privée et quel- le vision avez-vous de l’affaire D.S.K. ? G.G. : Pour D.S.K., c’est inad- missible de ne pas être plus exemplaire. De mon côté, j’ai toujours évité les photographes et les journalistes. Là, je me lâche car je vieillis. Je prends du recul. Càd : Quel bilan tirez-vous des actions de Claude Jean- nerot, votre successeur au Département ? G.G. : Une satisfaction : Clau- de Jeannerot a gardé une conti- nuité dans les actions menées. Problème, l’argent est gaspillé. Càd : Le Doubs vit donc au- dessus de ses moyens. N’est- ce pas dû désengagement de l’État ? G.G. : C’est facile de dire que la faute est à l’État. Si je reprenais le Département, j’engagerais des économies sur des postes de dépense. À mon arrivée à la pré- sidence (1982), j’avais dénoncé tous les contrats d’assurances et ainsi divisé par deux la dépen- se en faisant valoir la concur- rence. J’avais également sup- primé toutes les subventions aux associations… On a choisi de soutenir celles qui avaient un impact sur la vie locale. Je diminuerais aussi d’autres postes de saupoudrage. Càd : Quelle est la consé- quence de ce déficit ? G.G. : Le Département est pen- du. Il fallait réserver les gros emprunts pour l’emploi. Emprunter pour la vie couran- te quand on a déjà une masse Nicolas Sarkozy serait réélu. Aujourd’hui, cela semble moins ridicule de dire ça qu’il y a un an. Càd : Comment avez- vous géré votre rap- port entre vie

financière, ce n’est pas un bon point. Mais je ne suis pas idiot, ils (le Département) sont débor- dés par le financement des poli- tiques sociales. Càd : Avec le recul, quelles ont été vos plus belles réali- sations à la tête du Doubs ? G.G. : La création de la route des Microtechniques, même s’il faut la terminer jusqu’à Mor- teau et la poursuivre en Suisse. C’est faisable. Le maintien du chemin de fer entre Besançon, Valdahon et Morteau a été déter- minant dans le développement du Haut-Doubs. J’ai travaillé en collaboration avec le conseiller général de l’époque (Henri Cue- not, socialiste) pour maintenir cette ligne aujourd’hui très uti- lisée. J’ai eu aussi l’opportunité d’acheter les terrains de la Croix de Pierre à Étalans. Les gens ont dit : “Gruillot est fou.”Aujour- d’hui, la zone est attractive. Pon- tarlier doit avoir de son côté son contournement… mais je pen- se que les élus locaux n’ont pas assez de poids. Càd : Vous avez milité pour le Grand Canal, projet aujourd’hui abandonné. C’est un échec personnel ? G.G. : Je me suis battu toute ma vie pour le canal. Il ne s’est jamais fait mais il reviendra. C’est une erreur monumenta- le car E.D.F., via une astuce, était prêt à payer tous les inves- tissements en vendant l’électricité. Nous n’aurions rien payé…mais Dominique Voynet est arrivée, ça a capoté. Ce fut un coup politique. Aujourd’hui, il serait terminé. Cela aurait généré de l’implantation indus- trielle et moins de camions sur nos routes. Càd : Avoir donné tant pour si peu : c’est une leçon… G.G. : On ne perd jamais de voix en gardant de cap même si on se trompe. On perd beaucoup lorsque l’on change son com- portement. Càd : Vous avez acheté les bâtiments accueillant l’actuel Musée Courbet à Ornans. Que pensez-vous de cette réalisa- tion ? Faut-il mener une action en justice pour récu- pérer les tableaux ? G.G. : Bien qu’invité, je n’étais pas à l’inauguration pour éviter que ma présence soit interpré- tée par les uns ou les autres. Lorsque j’étais à la tête du Doubs, j’ai rencontré des diffi- cultés en voulant répertorier ces œuvres. Je ne suis jamais arri- vé au bout des conclusions de savoir quelles œuvres avaient été financées. Aujourd’hui, je ne sais pas si le Département est

arrivé à tout répertorier. Ceci dit, cette réalisation est un excel- lent point pour l’art. Càd : Vous vivez l’été à Ver- cel et l’autre partie de votre temps rue Pasteur à Besan- çon. Le Tramway à Besançon va-t-il révolutionner la ville ? G.G. : Je ne veux pas polémi- quer. Mais selon moi, le tram est une erreur. Besançon n’a ni les capacités ni la géographie pour l’accueillir et en plus, elle pos- sède un réseau de bus parmi les meilleurs de France. Je l’ai d’ailleurs dit à Jean-Louis Fous- seret, en tête à tête, car j’ai de très bonnes relations avec lui. Le patron : c’est lui. Il prend des décisions, je les respecte. En poli- tique, il faut savoir taper du poing sur la table. Mais Jean-Louis

Fousseret ne doit pas courir après François Rebsamen et Dijon. On ne peut pas copier Dijon. Càd : Le chômage, la violen- ce, l’insécurité, les banques qui s’écroulent… Que vous inspire notre génération ? G.G. : “La génération dorée” : c’est la faute à la nôtre, celle qui a connu le plein-emploi. Nous nous sommes défoncés et avons nivelé le terrain à nos enfants pour qu’ils ne se tordent pas les

chevilles. Nous n’avons pas don- né le goût à l’effort. En disant cela, j’ai l’impression de pas- ser pour un vieux rabat-joie (rires). C’est triste de voir des étudiants ne pouvant étudier dignement. J’avais proposé au Sénat une loi où l’État se por- tait garant pour financer les études. Lionel Jospin m’avait alors opposé un point de la constitution…

Propos recueillis par E.Ch.

En bref 1988-2008 : Sénateur du Doubs 1982-1999 : Président du conseil général du Doubs 1979-2004 : Conseiller général du Doubs 1977-2001 : Maire de Vercel-Villedieu-le-Camp

“Aujourd’hui, le Département est pendu financière- ment.”

Made with FlippingBook flipbook maker