Journal C'est à Dire 169 - Septembre 2011

L E P O R T R A I T

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Morteau

Colette, reine de la Métropole des bons copains Pas de chichis, pas de fioritures, ce qui compte c’est la bonne humeur et ce qu’il y a dans l’assiette. La cuisine comme à la maison ! Ainsi va la vie à La Métropole, le bar-restaurant de Colette et Maurice Bonnet qui est une institution à Morteau.

L e restaurant a retrouvé son cal- me. Les clients dumidi sont par- tis, la salle est propre, la vais- selle est faite. Il est 16 heures, Whisky, lamascotte de lamaison, un gros matou aux poils roux sommeille sur la caisse enregistreuse, sa place favorite. Assis à la table de la cuisine, l’esprit occu- pé par une série américaine qui passe à la télé,Colette etMauriceBonnet équeu- tent tranquillement une belle cagette de haricots verts. “Je ne travaille que les produits frais” annonce la tenancière imperturbable dans sa tâche. Les habi- tués qui pousseront demain à midi la porte de la maison retrouveront ces il n’y en a pas. Ici les clients ne savent jamais ce qu’ils mangent du jour au lendemain. Un menu unique, le même pour tout le monde, et ça fait 30 ans que ça dure. Bienvenue à La Métro- pole ! Sa devanture ne paie pas de mine et pourtant ce restaurant d’une quaran- taine de couverts de la rue Neuve est une institution dans le Val de Morteau. Il est ouvert tous les midis de la semai- ne, y compris le samedi et le dimanche, légumes dans leur assiette.Avec quel accompagnement, ça, Colette ne l’a pas encore déci- dé. Ce sera la surprise du chef. Inutile de chercher la carte,

et exceptionnellement le soir. Les arti- sans, les ouvriers, les commerciaux, beaucoup d’habitués, se retrouvent là assis autour des mêmes tables. On se salue, on cause, on trinque, ceux qui sont ici sont comme chez eux. C’est le rendez-vous des bons copains que chantait Brassens. “Ce n’est pas grand chez moi. Quand il y a en un qui racon- te une blague, tout le monde en profi- te” sourit Colette. Elle y est pour beaucoup dans cette ambiance familiale. Depuis le temps, elle les aime ses “cocos”, elle les mater- ne aussi en leur concoctant de bons petits plats chaque jour différents dans sa cui- que tu nous la refais” , je sais que ça leur a plu. Quand je les vois manger de bon appétit, je suis heureuse.” Si d’aventure l’un d’eux grimace en levant sa four- chette, elle a toujours sous la main de quoi lui préparer une petite assiette d’autre chose. Une vraie mère de famil- le. Le matin dès 6 h 30, Madame est là “pour les cafés et le rôti.” Elle s’affaire aux marmites afin d’être prête pour le coup de feu de midi. “Coco”, comme la surnomment affectueusement à leur sine au charme suranné. Sans hésiter, elle essaie de nouvelles recettes dont elle mesure la saveur à la réaction de ses hôtes. “S’ils me disent “quand est-ce

À 58 ans, Colette Bonnet gère son restaurant comme une mère de famille. Tant qu’il en reste dans les casseroles et que c’est chaud, on peut manger.

tour ses pensionnaires, pourra compter sur Maurice qui s’occupe du service en salle et du bar où viennent s’accouder des retraités au moment de l’apéritif. Chaque jour, c’est le même rituel. Colette Bonnet a repris La Métropo- le le 26 février 1976 à la suite d’un changement de parcours profession- nel. Elle était avant cela salariée de l’entreprise horlogère Jual. “Je ne savais pas ce qu’était un bar” , confessant même qu’elle ne s’y connaissait guère plus en cuisine. Elle n’a pas tardé à prendre le rythme du métier et à se laisser piquer par la passion de la restauration. Mais à 58 ans, elle avoue commencer à fatiguer. Elle semble prête mainte- nant à rendre son tablier. “Dans deux ans, je remettrai l’affaire et j’écrirai un livre.” Un livre ? “ J’ai passé trop de moments magnifiques ici. C’est dans

Car la restauratrice a sous sa toque deux recettes qui assurent à elles seules la notoriété de l’établissement bien au- delà des frontières du Haut-Doubs. On vient de loin, de Suisse, de Besançon pour manger les tripes ou la tête de veau qu’elle cuisine, en général (sauf demande particulière) uniquement les jours de foire. Il faut réserver à l’avance pour faire partie des privilégiés qui goûteront à ce plat le midi ou le soir. Il n’y a plus de classe sociale qui tien- ne, dans ces moments-là, c’est la véri- té du palais qui parle. Que les amateurs se rassurent, Colet- te Bonnet pense qu’elle laissera une trace de ses secrets de fabrication avant de tirer une dernière fois le rideau de La Métropole. T.C.

un bar qu’on apprend à connaître véri- tablement les gens” estime la tenan- cière qui a été la confidente de beau- coup de ses clients. Mais ce ne sont pas ces confidences qu’elle veut raconter mais plutôt la vie de ce vrai bar de quartier vecteur de lien social. Ce sont les soirées baby-foot du vendredi dans les années quatre-vingt qui se termi- naient par un joyeux “Colette tu nous fais à souper !” C’est à cette époque qu’elle sortait un tourne-disque pour les papys et mamies de la maison de retraite qui venaient se distraire. Jus- qu’en 1992, les conscrits de Morteau venaient manger là. C’était le temps du juke-box et des joueurs de belote, des rires, et des verres levés… des his- toires de bar. Autre temps, autre époque. Beaucoup de clients redoutent le moment où Colette fermera le bistrot.

Tripes et tête de veau.

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