Journal C'est à Dire 200 - Juin 2014

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V A L D E M O R T E A U

Réglementation

Le train des Horlogers risque

d’être bloqué à la frontière

C’est parce qu’ils ne répondent pas à toutes les exigences imposées par les autorités helvé- tiques en matière de sécurité que les trains régionaux français qui circulent entre Morteau et Le Locle ne pourront plus entrer en Suisse dès le 1 er janvier.

E ntre le discours politique et la réalité, il y a par- fois un monde. Les menaces qui pèsent sur l’avenir de la ligne des Horlogers (Besançon - Morteau - Le Locle) à court terme illustrent cedécalageentred’uncôtéles inten- tions de promouvoir le transport en commun et de l’autre, d’éviter la remise enquestion,pour des rai- sons techniques,d’un équipement ferroviaire sous-exploité qui attend

d’être modernisé. Car le 1er janvier 2015, les trains français qui vont jusqu’au nœud de correspondance de La Chaux- de-Fonds “ne pourront plus cir- culer sur les voies suisses au-delà du point frontière du Locle -Col- des-Roches” s’alarme Patrick Réal, vice-président de la F.N.A.U.T. Franche-Comté (fédé- ration nationale des associations d’usagers des transports) et membre de l’A.T.E. (association transport environnement suis-

se). La raison est que le maté- riel roulant français ne répond pas aux normes de sécurité exi- gées par l’Office Fédéral des Transports depuis la collision frontale de deux trains régio- naux helvétiques survenue le 29 juillet à Granges-Marnand. Suite à cet accident, les Suisses ont décidé de renforcer leur régle- mentation qui s’impose aussi aux trains francs-comtois qui effectuent des liaisons transfron- talières. Conséquence : dans six mois, le terminus du T.E.R. sera juste après le tunnel du Col-des- Roches, pour tous les voyageurs, y compris les frontaliers qui sont les premiers usagers de ce ser- vice, et donc les premiers péna- lisés par cette situation. “Pour que les passagers puissent pour- suivre le trajet, il faudra que les Suisses organisent des corres- pondances à partir de l’arrêt Locle-Col-des-Roches, ce qui n’est pas acté” observe Patrick Réal. Il espère que les autorités hel- vétiques accorderont une déro- gation aux trains français pour qu’ils puissent circuler au moins jusqu’à la gare Locle-Ville. Et encore, si les Suisses devaient faire preuve de bienveillance, ce ne serait qu’à l’égard des quatre malheureuses rames équipées du système de sécurité Signum (technologie qui permet, par exemple, l’arrêt automatique d’urgence du train). Toutefois, les autorités helvétiques peu- ral des Transports Suisses dans l’espoir de trouver une solu- tion qui permettent aux T.E.R. francs-comtois de continuer à circuler jusqu’au Locle, au-delà du 1 er janvier 2015, date à par- tir de laquelle seuls les trains équipés du système de sécu- rité Signum seront autorisés à rouler en Suisse, ce qui n’est pas le cas de tout le matériel roulant français. La réglemen- tation se durcira encore à par- tir de 2017 puisque tous les trains qui utiliseront le réseau devront être dotés du système européen E.T.C.S. Aucun des T.E.R. ne le sera. Les échéances imposées par les Suisses sont intenables. “La meilleure hypo- thèse serait que les Suisses nous accordent une dérogation. On ne résout pas les problèmes, mais les trains seraient auto- risés à circuler. Ce délai sup- plémentaire nous permettrait de poursuivre les discussions” remarque Alain Fousseret, vice- président Vert du Conseil régio- nal, en charge des transports. Mais l’élu qui a pris acte des obligations imposées par les autorisés suisses leur renvoie la balle avec une proposition L e Conseil régional de Franche-Comté est en dis- cussion avec l’Office Fédé-

vent avoir intérêt à transiger car elles savent aussi que beau- coup de riverains du Locle et de La Chaux-de-Fonds se plaignent du trafic routier frontalier. Péna- liser cette ligne, même si elle est sous-exploitée nourrirait sans doute les animosités. L’échéance de 2015 n’est que le commencement des difficultés pour le Conseil régional qui gère les T.E.R., et la S.N.C.F. “Cette situation ne fait que préfigurer ce que nous vivrons en 2017 avec la généralisation sur le réseau suisse du système européen de signalisation (E.T.C.S.) qui va remplacer les systèmes actuels (Signum et Z.U.B.). À cette date, les trains régionaux de la S.N.C.F. ne pourront plus circuler sur les voies C.F.F. et cette fois sans déro- gation possible” prévient Patrick Réal. Le problème est qu’il n’est pas question pour l’instant en France d’équiper le matériel rou- lant de ce système européen, en tout cas pas avant 2025 selon la F.N.A.U.T. Il existe cependant une solution intermédiaire qui fonctionne dans le territoire fron- talier de Genève et qui pourrait être adaptée au réseau franc- comtois. En attendant, la situation devient

préoccupante pour le transport ferroviaire transfrontalier local compromis d’ici deux ans. Alors que la ligne des Horlogers devrait faire l’objet d’investissements pour la rendre plus attractive afin de l’imposer comme l’alternative à la voiture, il se produit tout le contraire. “On rend le train encore moins attractif. Il y a près de 11 000 passages par jour à la frontière du Col-des- Roches et aux Brenets. 90 % sont des frontaliers ! 300 passagers réguliers seulement prennent le train pour se rendre en Suisse. Mais on sait qu’un millier de per- sonnes se disent intéressées par ce moyen de locomotion si elles pouvaient bénéficier d’une offre plus ouverte” remarque Patrick Réal. Pour l’instant douze trains passent la frontière. Au problè- me capacitaire des rames s’ajoute également celui de la fréquen- ce insuffisante des navettes pour espérer faire baisser le trafic rou- tier qui encombre le Val de Mor- teau aux heures de pointe. Ce sera encore pire si les frontaliers ne voient plus l'intérêt de cette ligne.

Environ 300 passagers utilisent quotidiennement la liaison ferroviaire vers le Locle.

T.C.

Réaction La Région espère une dérogation Les décisions suisses contraignantes pour la ligne des horlogers préoccupent le Conseil régional. La collectivité espère qu’un terrain d’entente sera trouvé pour que les T.E.R. puissent continuer de circuler au-delà de 2015 en Suisse.

qui a peu de chance d’aboutir. “Pourquoi les Suisses n’équiperaient pas finalement ce petit tronçon de ligne de La Chaux-de-Fonds au Col-des- Roches, de notre système de sécu- rité K.V.B. ? Tous nos trains en sont équipés. Cela signifie qu’ils pourraient tous passer la fron- tière” poursuit Alain Fousse- ret. Dans l’absolu, cette solu- tion permettrait donc d’augmenter la capacité de transport des passagers. Mais voilà, la proposition restera dans les cartons “puisque l’Office Fédéral des Transports n’a pas l’intention d’investir dans le système français.” Si aucun terrain d’entente n’est trouvé dans les prochains mois, le Conseil régional doit se pré-

parer à ce que les T.E.R. n’aillent pas au-delà du Locle- Col-des-Roches. Les Suisses devront alors assurer la conti- nuité du transport. Le seul avantage à ce scénario qui engendre toutefois une ruptu- re de charge “est que comme le trajet est plus court, nous pour- rions peut-être ajouter quelques horaires supplémentaires aux heures de pointes depuis Mor- teau” annonce l’élu. En l’état, aucune décision n’est arrêtée. Cette année, la Région inves- tit 63 millions d’euros pour acquérir 9 trains “Régiolis” pro- duits par Alstom. Ces trains nouvelle génération sont dédiés à la ligne Dijon-Besançon-Bel- fort qui concentre 60 % des voyageurs francs-comtois.

Alain Fousseret, vice-président du Conseil régional de Franche- Comté.

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