La Presse Bisontine 66 - Mai 2006

31

Imitateur de Régis Laspalès Ce soir, la salle, celle de la Cartonnerie, à Reims, avec ses quelque 600 spectateurs pré- vus est nettement plus petite. Qu’importe. La veille, l’ensemble de la troupe - Aldebert et ses sept musiciens, Nicolas le régisseur et les techniciens - étaient à Béthune, dans le Nord. Couché à quatre heures du matin, levé huit heures pour faire les 200 km jusqu’à la cité champenoise. “On ne dort pas beaucoup. L’ambiance de la tournée, c’est celle d’une ban- de de mecs. Après les concerts, il y a forcé- ment un after . Alors dès qu’on arrive ici, on décharge le camion, on mange, on répète et on fait la sieste” , explique le chanteur. L’équipe au complet, on les a retrouvés à 14 heures un peu passées, à Reims. La trou- pe est arrivée deux heures plus tôt. Sur la scène, les musiciens ont déjà presque ache- vé de mettre en place le décor et les instru- ments sortis de leurs caisses noires. Dans sa loge aux murs étoilés, Guillaume Aldebert est en grande conversation avec deux jour-

Dans sa loge avant les répétitions, Guillaume Aldebert se lance dans une imitation de Vincent Delerm sur l’une de ses dernières chansons, “natation syn- chronisée”.

nalistes locaux venus l’interviewer. Les répé- titions doivent être terminées dans moins de deux heures. Aldebert, lui, est loin de la pres- sion. Amène, volontiers farceur. Il parle volon- tiers de son prochain album, moins réaliste, plus onirique que le précédent, promet-il. De sa rencontre avec Renaud, une de ses idoles - il a chanté au concert en faveur de la libé- ration d’Ingrid Bétancourt. “Quand tu as écrit une chanson comme “Mistral gagnant”, c’est bon, après tu peux mourir” , dit-il, les yeux pétillants. De ses talents d’imitateurs aussi, surtout quand il s’agit de reproduire le timbre de Régis Laspalès. Pour le prouver, il prend son ukulélé, dont il apprend à jouer depuis peu, et entonne “natation synchronisée” avec la voix de Vincent Delerm. La liste des chan- sons du soir sous le bras, Nicolas le régisseur a fait irruption dans la loge. Une quinzaine de titres à trancher dans le répertoire, avant de commencer la répétition générale. La veille, une des chansons a eu un couac. “Si on n’a pas le temps de la répéter cet après-midi, on ne la fait pas” , demande GuillaumeAldebert.

Séance de dédicace à la fin du concert. En coulisses, musiciens et techniciens ont déjà commencé à ranger le décor dans la camionnette du groupe.

Colonie de vacances dans les coulisses

La tournée a des ambiances de colonies de vacances. Autour de la grande table instal- lée dans les coulisses, ça chahute et ça blague gentiment entre musiciens. “Ils sont contents de nous voir, c’est nous qui mettons de l’ani- mation” , s’amuse Sofiane, l’un des deux trom- pettistes. Selon les concerts, ils sont trois ou sept musiciens à accompagnerAldebert. Par- fois, ils ne sont que deux sur scène, le chan- teur et son violoncelliste pour l’accompagner. Le reste du temps, la plupart des musiciens sont profs dans des écoles de musique, tour- nent aussi avec d’autres groupes. “On fait 15 ou 20 dates par an. Mais pour nos élèves, c’est bien aussi d’avoir cette expérience de la scè- ne” , affirme Emmanuel, l’autre trompettis- te. TomPoisson passe en courant pour rejoindre la scène. La première partie vient de débu- ter. Et Aldebert quitte soudain son allure détendue. “Je n’aime pas ce moment. Ça me fait toujours stresser de monter sur scène, même pour les autres.”

Répétition générale sur la scène de la Cartonnerie. Sur scène, le chanteur aime faire le show. Il danse en

rythme avec sa guitare. S’arrête soudain au milieu d’une chanson pour improviser et jouer avec le public.

Un diable rouge sur scène Sur la scène, Guillaume Aldebert vient de fai- re son entrée en courant, comme un diable avec son éternel T-shirt rouge. Le chanteur aime le show et s’amuse sur scène, cela se sent. De son allure un peu dégingandée et enfantine, il sau- tille en rythme avec sa guitare. S’arrête sou- dain au milieu d’une chanson pour discuter avec le public, ou faire monter une des filles du pre- mier rang sur scène. Fait des sauts en trampo- line. Derrière, trompettistes et saxophoniste se dandinent sur une chorégraphie de leur cru. Devant lui, le public suit. L’ambiance monte. “On avait prévu une plus petite salle de 300 places. Mais tout était complet il y a plus de deux semaines. En dernière minute, on a changé de salle” , souffle l’organisateur du concert.

Fin de soirée chez une fan À 26 ans, Sébastien a déjà assisté à “13 ou 14 concerts” d’Aldebert en trois ans dans tout le Nord-Est de la France, “jamais pareil. Les enchaînements, les chansons sont différents d’une fois à l’autre. Dès qu’un concert est annoncé sur Paris, si tu ne réserves pas tout de suite, c’est vite complet.” Il a découvert le chanteur, un peu par hasard, mais “dès la première chanson, ça a fait tilt” , dit-il. Sur le forum, le Rémois a envoyé un mail il y a quelques jours. Pour proposer au groupe de pas- ser la fin de soirée chez une de ses amies. Ils sont partants. Pendant qu’Aldebert continue à signer les autographes, les musiciens ont réussi à ranger tant bien

Car Aldebert est un phénomène, qui a ses fans un peu partout en France. Réunis autour du forum internet du chanteur, ils se racontent en détail les concerts auxquels ils assistent, se don- nent rendez-vous avant ou après ,ceux-ci, par- tagent leur amour du chanteur. “Certains soirs, on reconnaît tous les gens du premier rang, par- ce qu’ils sont tous déjà venus plusieurs fois aux concerts” , s’amuseAldebert. Et certains les sui- vent sur la tournée. Comme ce fan bordelais qui a assisté à près de 70 dates et n’a pas hésité à traverser toute la France pour les voir jouer à Bruxelles. “C’est un peu dingue. Je comprends qu’on aime. Mais le côté idole, j’ai parfois du mal à comprendre” , s’étonne Sofiane, le trom- pettiste.

que mal le décor dans la camionnette et posé la carrosserie de la 2 CV en équi- libre précaire au sommet. Direction un appartement d’un quartier résidentiel rémois. Une demi-douzaine d’étudiants les attendent, bouteilles de champagne sur la table du salon. Tranquillement, Guillaume Aldebert fait la bise à tout le monde. On discute des études de chacun, des derniers concerts auxquels les uns ont assisté. Il est déjà plus de trois heures trente du matin. Demain, la troupe reprend la route pour Besançon.

Made with FlippingBook - Online magazine maker