Journal C'est à Dire 88 - Avril 2004

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É C O N O M I E

Énergie Éric Labroue : “C’est un challenge à relever” Le délégué régional de Gaz de France s’expri- me au moment où l’entreprise négocie une pério- de-charnière de son existence avec l’ouverture prévue de son capital. Pendant que les syndicats et les 260 salariés francs-comtois se font entendre, Éric Labroue se veut confiant.

C’ est à dire : Les salariés de Gaz de France, au même titre que leurs col- lègues d’E.D.F., sont des- cendus dans la rue mani- fester leurs craintes d’une privatisation de ces entre- prises publiques. Qu’en sera- t-il vraiment ? Éric Labroue : Il n’y a pas de privatisation de Gaz de Fran- ce et il n’y en aura pas. En revanche, Gaz de France chan- gera de statut pour lui per- mettre d’aborder la période d’ou- verture à la concurrence déci- dée par la Commission Euro- péenne. Càd : C’est un changement de statut pour l’entreprise mais les salariés craignent que leur statut change aussi ? É.L. : Le changement de statut ne concerne que la structure juri- É.L. : La directive européenne de 1998, transposée en France en 2003, a décidé que le mar- ché du gaz (comme celui de l’électricité) allait être ouvert à la concurrence. Pour l’instant, Gaz de France est une entre- prise publique à caractère industriel et commercial (E.P.I.C.), un statut qui nous impose un principe de spécia- lité. Or, dès que la concurren- ce sera possible (dès juillet pro- chain pour 70 % du marché du gaz), nous aurons des concur- rents qui vendent de l’énergie, et pas seulement du gaz. Il fau- dra bien pouvoir répondre à cet- te concurrence et si nous res- tons uniquement sur le créneau de la fourniture de gaz, nous risquerions de disparaître. C’est pour cela que nous passerons d’une E.P.I.C. à une S.A. Une E.P.I.C. ne nous permet pas de nous bagarrer à armes égales avec nos concurrents. Sinon, nous étions promis à une mort lente. Nous n’avons pas choi- si délibérément de changer de statut, c’est cette directive euro- péenne qui nous y contraint. Mais le capital restera bien entre les mains de l’État à hau- teur d’au moins 50 %. L’idée est d’aller chercher des ressources dique de Gaz de Fran- ce. Le statut des agents ne changera absolument pas. Càd : Qu’est-ce qui motive ce nouveau statut ?

nouvelles sur les marchés finan- ciers, tout en maintenant l’É- tat à plus de 50 % du capital. Ce n’est donc pas une privati- sation. Càd : Quel est le calendrier de l’ouverture à la concur- rence pour la fourniture de gaz ? É.L. : La directive européenne voulait que dès 2000, 20 % du marché soient ouverts à la concurrence. Nous avons joué le jeu dès cette date-là avec nos plus gros clients. Ensuite, depuis août 2003, 37 % de nos clients sont soumis à la concur- rence (ceux qui consomment plus de 80 millions de KW). À partir du 1 er juillet prochain, tous nos clients non domes- tiques seront sur un marché concurrentiel. Il s’agit notam- ment des artisans, des entre- prises, des collectivités locales… de la molécule de gaz, pas son acheminement et les réseaux qui restent de la responsabi- lité de Gaz de France. D’ailleurs, nous créerons une filiale pour la distribution. Càd : Les concurrents sont donc déjà là ? É.L. : Il est clair que des socié- tés vont en profiter. Il y aura des gens sérieux, il y en aura certainement d’autres qui le seront moins. Il faut savoir qu’un client, artisan ou entre- preneur, et plus tard un par- ticulier qui décide d’aller à la concurrence ne pourra pas ensuite revenir au tarif Gaz de France. Pour notre part, nous comptons sur notre expérien- ce. Cela fait 60 ans que nous faisons ce métier, nous sommes donc très sereins. Gaz de Fran- ce a de très bons résultats, un chiffre d’affaires de 16 milliards d’euros, un résultat net de 9 %. Notre ambition est de rester leader gazier en Europe. Càd : Qui sont déjà vos prin- cipaux concurrents ? É.L. : Des sociétés comme Total qui ont la matière première, Distrigaz (groupe Lyonnaise des Eaux qui a notamment rache- Concernant les par- ticuliers, l’ouvertu- re à la concurren- ce se fera en juillet 2007. Précisons que ce qui est en concurrence, c’est la fourniture

“13 millions d’euros d’investissement en Franche- Comté.”

Éric Labroue est le délégué régional de Gaz de France, une entreprise qui emploie 260 agents en Franche-Comté.

té le “Belge gazier” et la Com- pagnie Nationale du Rhône), l’allemand Ruhrgas, British Gas en Angleterre ou encore Rho- digaz, une filiale de Rhodia. Càd : Ces firmes vont ont déjà “piqué” des marchés ? É.L. : Sur les 37 % ouverts à la concurrence depuis août 2003, nous avons perdu 20 % de nos clients. Mais nous avons lar- gement compensé en gagnant le double sur le marché euro- péen, car l’avantage, c’est que le marché est désormais euro- péen. La part du gaz en Fran- ce, en matière d’énergie, est de 14 %, tout comme en Franche- Comté d’ailleurs. En Europe, cette part est de 22 %, il y a donc du potentiel pour nous. C’est un challenge à relever. Càd : Si vous vous ouvrez à d’autres énergies, vous allez être en concurrence avec E.D.F. C’est un peu para- doxal ? É.L. : Mais nous sommes déjà en concurrence avec E.D.F. Un client qui choisit comme mode

de chauffage le gaz au lieu de l’électricité fait jouer la concur- rence depuis longtemps. Càd : Les syndicats dénon- cent un risque de hausse des prix du gaz ? É.L. : Lorsqu’on s’ouvre à la concurrence, les prix sont cen-

tiers et le B.B.C.D. jusqu’au 30 avril, l’action entreprise avec 45 jeunes de Lure que nous avons emmenés à l’Open de ten- nis Gaz de France, etc. Enfin, sur le plan environne- mental, nous menons actuelle- ment un projet avec la fédé- ration française de randonnée pédestre et la G.T.J. Nous finan- çons le balisage d’un itinérai- re de randonnée le long de la Grande Traversée du Jura. Le parcours sera inauguré en juillet. Toujours en matière d’en- vironnement, nos 77 véhicules légers roulent au gaz naturel, 73 bus dont une quarantaine à Besançon, roulent au gaz natu- rel, nous préparons une expo- sition sur le développement durable, etc. Tout cela est dans notre culture, c’est aussi ce ser- vice public-là qu’on sait faire et qu’on veut continuer à faire. Malgré le nouveau statut, on continuera donc bien à parler du service public du gaz. !

Càd : Sur le plan écono- mique, quel est le poids de Gaz de France dans la région ? É.L. : En 2003, nous avons investi en Franche-Comté 11,8 millions d’euros dans le réseau de distribution. Cette

sés baisser. Le but de l’Europe est bien de faire bais- ser les prix.

année, nous avons prévu 13 millions d’investissement. En Franche-Comté, Gaz de France, ce sont aussi 561 000 euros

“Il n’y a pas de privatisation de Gaz de France.”

Càd : Que repré- sente Gaz de France en Franche-Comté ? É.L. : Ce sont 5 000 nouveaux clients en 2003, ce qui porte le total à 148 742 clients. 225 communes sont raccordées au réseau, soit 32 % de la popu- lation. Càd : D’où vient le gaz qui arrive de la région bisonti- ne ? É.L. : Il arrive par l’Est, ache- miné depuis la Russie ou la mer du Nord. À Besançon, c’est essentiellement du gaz qui vient de Russie.

de taxe professionnelle et fon- cière, 16 emplois-jeunes que nous avons contribué à finan- cer dans des associations qu’on aide, et bien sûr, 260 salariés et leurs familles. Càd : Gaz de France a d’autres missions dans la région ? É.L. : Nous menons des actions solidaires, avec par exemple l'opération “100 ceintures, 100 emplois” avec les clubs de judo de Montbéliard et bientôt Pon- tarlier, le “Street Tour” à Besan- çon avec les gamins des quar-

Propos recueillis par J.-F.H.

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