La Presse Pontissalienne 188 - Juin 2015

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La Presse Pontissalienne n° 188 - Juin 2015

“On ne peut construire le futur que si on connaît bien son passé” Présent aux Verrières le 6 juin pour l’inauguration du parcours Bourbaki (voir l’article en page 38), l’ambassadeur René Roudaut commente sans détours les sujets d’actualité qui lient la Suisse à la France, loin du langage policé de la diplomatie… DIPLOMATIE - L’AMBASSADEUR DE FRANCE EN SUISSE

L a Presse Pontissalienne : Vous avez tenu à être présent aux Verrières le 6 juin pour inaugurer le “sentier Bour- baki” et ainsi commémorer la retraite de l’armée de l’Est en Suisse. Quelle impor- tance attachez-vous à cette journée ? René Roudaut : Cet épisode de l’histoire a marqué les esprits, notamment en Suisse. J’avais une connaissance livresque de cet évé- nement historique mais ce dont je n’étais pas conscient, c’est à quel point il a mar- qué les Suisses dans leur propre his- toire. Ces faits qui ont vu les citoyens suisses accueillir les soldats français en déroute ont été une sorte d’élément fondateur de l’action humanitaire. L.P.P. : Pour l’ambassadeur que vous êtes, vous déplacer sur ce genre de manifestations est plus qu’un symbole ? R.R. : Je ne vois pas ce déplacement uni- quement sous ses aspects formel et pro- tocolaire, cela fait partie intégrante de mon travail. Partout où il y a une coopé- ration bilatérale entre la France et la Suisse, je me dois d’y participer. Et des événements comme ceux-là, il n’y en a pas non plus toutes les semaines. Ce genre de commémorations permet de mesurer le poids de l’histoire, elles ont toujours une connotation particulière. J’étais par exemple à Soleure il y a quelques semaines pour l’installation de deux nouveaux chanoines. Cette pré- sence rappelle qu’avant 1792, Soleure abritait la résidence de “sa très chré- tienne majesté” l’ambassadeur de Fran- ce. En terme de diplomatie franco-suis- se, tout n’a donc pas commencé en 1792… Il y a beaucoup d’événements intéres- sants comme prochainement la com- mémoration du cinquième centenaire

de Marignan ou l’an prochain le 500 ème anniversaire du traité de paix de Fri- bourg signé entre la France de Fran- çois I er et la Confédération des 13 can- tons suisses. On ne peut construire le présent, bâtir le futur, que si on connaît bien son passé et tous les éléments qui constituent la mémoire. L.P.P. : Vous êtes ambassadeur de France en Suisse depuis quelques mois seulement (sep- tembre 2014). Qu’est-ce que cette fonction a de particulier par rapport aux autres postes diplomatiques que vous avez occupés ? R.R. : J’avais découvert la Suisse à plu- sieurs occasions déjà et notamment lors de mes tout premiers stages en préfec- ture pendant l’E.N.A., où j’avais passé un certain temps à Colmar à m’occuper de la coopération transfrontalière. J’y suis revenu plus tard en tant que chef de service de l’action humanitaire à Genève. Ce poste d’ambassadeur est forcément particulier parce qu’en Suis-

frontalières sur le plan économique ne se sont- elles pas refroidies depuis la votation du 9 février 2014 limitant la libre circulation des personnes ? R.R. : Cette votation a en effet créé une incertitude tout à fait perceptible dans la situation des frontaliers. Je l’entends souvent dire de la part des associations de frontaliers et des entreprises qui sont très préoccupées par ce sujet. Mais le Conseil fédéral a maintenant jusqu’en février 2017 pour mettre en œuvre les résultats de cette votation. On aura donc toute l’année 2016 pour trouver une voie étroite qui permette de rejoindre la philosophie de base de l’Europe qui est la libre circulation. La Suisse a com- pensé son refus d’entrer dans l’Europe en 1992 par les accords bilatéraux signés plus tard. On ne peut pas imaginer qu’il y ait une redéfinition unilatérale des règles du jeu. D’ailleurs, le résultat de cette votation était tellement serré qu’il a étonné tout le monde. En ce moment, je pense que les Suisses sont dans une phase de dégrisement et ils se deman- dent comment ils peuvent sortir de cet- te impasse. L.P.P. : Le populisme est-il en train de se pro- pager en Suisse ? R.R. : On ne peut pas généraliser le pro- pos à l’ensemble de la Suisse. Quelques communes frontalières du côté de Genè- ve ressentent particulièrement ce sen- timent. Mais du côté de Bâle, du Jura ou de Neuchâtel, les choses sont plutôt apaisées. Tout le monde a bien compris qu’il y a une complémentarité indis- pensable des deux côtés de la frontière. L.P.P. : Avec les bilatérales, la Suisse n’a plus que jamais aucun intérêt à intégrer l’Union Euro- péenne !

R.R. : L’adhésion de la Suis- se à l’U.E. faciliterait les relations, c’est clair. Mais je suis convaincu que si on faisait aujourd’hui un nouveau sondage, l’opinion suisse se dirait à moins de 20 % favorable à l’adhésion. L.P.P. : Qu’a apporté la visite de François Hollande à Berne mi-avril ? R.R. : La dernière visite d’État d’un président fran- çais en Suisse remontait à 1998 avec Jacques Chi- rac et plus tôt en 1983 avec François Mitterrand.

R.R. : Plus de 30 000 comptes en Suis- se sont en cours de régularisation avec Bercy. Et surtout la Suisse vient de signer les standards O.C.D.E. et G 20 sur la communication des données fis- cales. Les banquiers suisses sont désor- mais conscients que leur valeur ajou- tée n’est pas liée au secret bancaire. Par ailleurs, on observe que la plupart des titulaires de comptes “secrets” en Suisse ont décidé de laisser leur comp- te en Suisse une fois régularisé avec le fisc français. L’essentiel des dossiers contestataires est derrière nous. C’est pourquoi la visite de François Hollan- de a permis de travailler surtout sur les questions de recherche et dévelop- pement, de création d’entreprise, d’innovation, d’apprentissage, de for- mations duales… L.P.P. : Le président Hollande a pu constater sur pièces les clés de la réussite économique suisse ? À quoi est-elle due ? R.R. : Cette réussite est liée en grande partie à l’extrême déconcentration des décisions. Le système éducatif, très per- formant, est organisé par les cantons. Il explique les 3 % de chômage seule- ment. Et le modèle social suisse a été remarqué.

“Un patron suisse ne voit pas le C.D.I. comme une menace.”

se vivent plus de 160 000 Français, sans compter les plus de 170 000 frontaliers qui viennent travailler tous les jours en Suisse. La particularité de la Suis- se évidemment est d’être en dehors de l’Union Européenne, ce qui confère cette dimen- sion bilatérale très par- ticulière. Tout cela don- ne une densité tout à fait particulière au rôle d’ambassadeur de Fran- ce en Suisse.

“Je pense que les Suisses sont dans une phase de dégrisement.”

Il y a donc eu un long intervalle sans relations à haut niveau car beaucoup pensaient que la Suisse était si proche que les choses avançaient d’elles-mêmes. François Hollande est venu à unmoment opportun, avec des sujets d’importance comme les dossiers fiscaux et bancaires, l’avenir de l’aéroport de Bâle-Mulhou- se, etc. L.P.P. : Les choses vous semblent-elles réglées du côté du sensible dossier de l’évasion fiscale ?

L.P.P. : Les relations trans-

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