Journal C'est à Dire 257 - Septembre 2019

P L A T E A U D E M A Î C H E

Quelles pistes pour l’avenir du cheval comtois ? Économie La transition énergétique pourrait devenir une opportunité pour la race. Adopter la traction animale dans le milieu agricole revient au goût du jour.

Filière

LE PLATEAU DE MAÎCHE, L’AUTRE PAYS DU CHEVAL Ambassadeur emblématique de la région, le cheval de trait comtois s’ouvre à de nouveaux horizons en ce centième anniversaire du concours national.

mation locale. “Il s’agit d’une viande exceptionnelle, tendre, riche en fer et offrant des pro- téines diversifiées.” De quoi convaincre les locavores ? Un site Internet de vente verra le jour prochainement avec des produits conditionnés enHaute- Saône (conserves, rillettes, ter- rines…). L’A.N.C.T.C. s’est dotée d’un véhicule permettant de faire goûter à cette viande ainsi qu’aux produits dérivés du lait de jument sur diverses mani- festations. Le prix au kilo du cheval est extrêmement varia- ble depuis des années et peut décourager les éleveurs. Pour Étienne Garret, le futur du che- val comtois passe par une sta- dans sa propre exploitation pour un pâturage mixte où les che- vaux côtoient les vaches. Il exhorte les éleveurs de bovins à perpétuer l’élevage de chevaux de la région. Avocat de la race comtoise depuis longtemps, il conclut : “Nous avons besoin que les pouvoirs publics mettent en place un plan de relance. Si on ne met pas le cheval en avant, c’est une partie du monde agri- cole qui disparaît.” n bilisation du prix de vente : “Un minimum de 2,50 euros le kilo per- met de rentabiliser l’éle- vage.” Il milite égale- ment comme il le fait

Maîche

S es origines connues remontent à l’époque romaine. On cite alors la présence d’un cheval petit, rustique et de bon caractère dans les montagnes de Séquanie (actuelle Franche-Comté).Au temps des grandes invasions barbares (IV ème siècle), les Burgondes envahissent la région. Ils croisent alors leurs chevaux avec les juments de notre terroir. Tout au long du moyen-âge, le cheval comtois participe aux joutes. Lors de la quatrième croisade, ils transportent les croisés bourguignons jusqu’au sud de la Grèce. En 1544, l’empereur Charles Quint fixe des règles pour l’élevage des chevaux. Il considère que notre cheval comtois peut améliorer les races de son empire. Sous Louis XIV et jusqu’à la période napoléonienne, il devient un cheval de guerre, utilisé par la cavalerie et pour tirer artillerie et voitures. Puis suite à des croisements inopportuns, la race comtoise est menacée. Eugène Peugeot, élu départemental et fervent défenseur de la race constatait en 1884 : “Le cheval de Maîche est le seul apprécié dans nos montagnes où aucune autre race ne peut le remplacer.” Au début du XX ème siècle, des éleveurs passionnés, tenaces et convaincus ont œuvré à sa renaissance. Le premier concours a eu lieu à Maîche en 1910. Puis vient la première guerremondiale. Le cheval comtois est à nouveau mis à contribution par l’armée. 900 000 chevaux de toutes races périrent en France pendant ces années de guerre. En 1919, le Syndicat du Cheval Comtois et le stud- book (registre généalogique) de la race sont créés. L’Association Nationale du Cheval de Trait Comtois (A.N.C.T.C.) fête cette année son centième anniversaire. L’histoire de cette race n’est pas un long fleuve tranquille. La grand-messe des professionnels de l’élevage

É ric André à Pont-de- Poitte dans le Jura offre à quinzaine de vignerons ses services pour le labourage des terrains et l’entretien des vignes. Quand on lui fait remar- quer qu’il travaille à l’ancienne, il répond : “Non, nous tra- vaillons pour l’avenir.” Julien Dugois, jeune éleveur du Jura travaille avec ses chevaux pour la ville de Dole. Ramassage des poubelles sèches et arrosage des massifs de fleurs le matin, puis promenades en calèche pour les touristes l’après-midi rythment ses journées déjà bien remplies. Vincent Lechevalier exerce son activité de débardage avec ses chevaux comtois dans le Cantal. Il précise : “Le travail avec les chevaux ne fait pas de dégâts au sol ni sur les arbres et permet de travailler dans des zones naturelles sensibles.” Le tourisme équestre et le loisir sportif sont aussi des domaines d’activité en développement. Thomas Duchêne de Longco- chon dans le Jura s’est spécialisé dans la location de roulottes. Mickaël Robert à Nancray se dédie au débourrage de chevaux comtois destinés à l’attelage. Quand on parle de cheval, il est toujours plus délicat d’aborder le sujet de la production de viande équine. Et pourtant pour Étienne Garret de Fouchecourt en Haute-Saône, l’avenir passe par la commercialisation de cette viande. “Il y a déjà dix ans, nous avions essayé de vendre de la viande de poulain au Japon et les réglementations

sanitaires trop contraignantes ont bloqué ce projet.” Pourtant, il y a quelques mois, la société Équid’export a exporté au Japon plusieurs dizaines de poulains originaires de l’ouest de la

France dont plusieurs de race comtoise. Les poulains sont transpor- tés vivants, abattus et conditionnés au Japon. S’agissant pour les

“Nous avons besoin d’un plan de relance.”

autochtones d’un mets rare similaire à la chair de thon rouge maintenant interdite à la consommation, les prix peu- vent atteindre 600 à 1 000 euros le kilo. Il s’agit naturellement d’un marché de niche et Étienne Gar- ret souligne : “Nos principales exportations de viande de cheval vont vers l’Italie et dans une moindre mesure en Belgique.” Il milite aussi pour une consom-

Ce cheval de trait endurant, rustique et élégant est tellement associé à la région qu’on l’appelait le “Maîchard”. Emmanuel Perrin, président de l’association rappelle d’ailleurs “l’engagement des Maîchois Paul et Jean-Paul Bobillier qui assurèrent à eux deux la présidence de l’association pendant 55 ans.” C’est aujourd’hui la première race de cheval de trait en France avec plus de 3 600 élevages répar- tis dans toutes les régions françaises (Alpes, Auvergne, Grand Ouest, Pays Basque…) et même à l’étranger (Suisse et Belgique). La présence dans nos campagnes de cet animal de loisirs, compagnon de travail ou cheval de compétition, est familière et naturelle. Pourtant, L’A.N.C.T.C. engagée dans sa mission d’amélioration de la race, met en garde : “Assurer l’avenir du cheval comtois, c’est l’affaire de tous.” n Ph.D. Étalon comtois au concours national de Maîche en septembre dernier.

Développer le pâturage mixte pour perpétuer la race.

Le cheval comtois, source d’inspiration pour les artistes Art On connaît bien sûr les spectacles équestres de Guil- laume Mauvais. Ses “Comtois en folie” se produisent partout dans la région. D’autres artistes se sont éga- lement attelés au “Maîchard”.

des événements extérieurs.” Le trio de chevaux sur la photo intitulée “Liberté-Égalité-Fra- ternité” a été réalisé après l’at- tentat de Charlie-Hebdo.Marie- Jo réalise également de plus petites pièces dans l’esprit de ses doudous d’enfance qu’elle

tois, je l’ai réalisé en 1980 pour mon père.” Elle participe à sa première exposition thématique en 2007 à la Galerie Médicis à Besançon. Elle aborde également la faune spécifique de la région : lynx, renards, sangliers, blaireaux

mais aussi vaches montbéliardes ou ânes qu’elle croque au cours de ses nombreuses ballades. Elle ajoute : “J’ai toujours été imprégnée de l’esprit

possède toujours. Elle s’amuse : “Ce sont bien sûr des petits chevaux en tissu rembourrés de paille.” Son passé de professeur d’arts appliqués est toujours

U ne collaboration entre l’auteur Jean-Claude Barbeaux et le photo- graphe Jack Varlet aboutira à un beau livre sur la race com- toise en début d’année pro- chaine. Le Tour de France cet été a révélé le cheval comtois à des millions de téléspectateurs par une œuvre gigantesque de land-art supervisée par l’artiste Pierre Duc. La B.I.A.C.C. (Biennale Inter- nationale d’Art Contemporain) a fait découvrir à un large public

Son passé de professeur d’arts appliqués.

le travail de Marie-Jo Monnet. Sa famille est originaire du pla- teau de Maîche. Elle a une for- mation de tailleur de pierre et de bois. Ses sculptures sont réa- lisées en grès cérame cuites à 1 300 °C. Elle utilise des terres rouges, noire et blanche. Elle dessine également et passe des heures à observer les chevaux comtois : “Ils dégagent une force magistrale et tranquille et j’aime leurs couleurs flamboyantes” , s’enthousiasme-t-elle. “Mon pre- mier travail sur le cheval com-

présent. Elle prend le temps d’expliquer ses techniques et son mode de travail. Nul doute que les écoliers qui étaient les visiteurs privilégiés de la pre- mière journée de cette biennale ont pu profiter de ses explica- tions. “Les enseignants ont d’ail- leurs très bien préparé cette visite” , conclut-elle. n

de solidarité des Francs-Com- tois.” Elle mentionne Proudhon, Fourier, Ledoux et les expé- riences d’économie coopérative à Besançon où ses parents ont vécu et travaillé. “Mes sculptures rendent hommage à cet esprit et le cheval en fait partie.” Marie- Jo Monnet ajoute : “Mes produc- tions traduisent mon ressenti

Marie-Jo Monnet et ses “Chevaux volants”.

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