Journal C'est à Dire 186 - Mars 2013

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H I S T O I R E

Edgar Faure en dates Une longue, très longue carrière politique

1946 : il entame sa carrière politique en étant élu député radical-socialiste du Jura. 1949, 1950, 1951 : il est nommé secré- taire dʼÉtat aux finances puis ministre du Bud- get. 1951 : Edgar Faure est nommé ministre de la Justice dans le cabinet Pleven. 1952 : Il est pour la première fois prési- dent du Conseil (notre actuel premier ministre). Mais son gouvernement ne durera que 40 jours, entre le 20 janvier et le 28 février. 1952-1953 : il est président de la com- mission des Affaires étrangères de lʼAssemblée nationale.

1953 : ministre des Finances et des Affaires sociales dans le cabinet Laniel. 1954 : ministre des Finances et des Affaires sociales et du Plan dans le cabinet Men- dès-France. 1955 : ministre des Affaires étrangères. 1955-1956 : il dirige pour la seconde fois le gouvernement. 1958 : ministre des Finances dans le cabi- net Pflimlin. 1963 : après son retour au pouvoir, le Géné- ral De Gaulle charge Edgar Faure de prépa- rer la reconnaissance de la Chine de Mao Tsé- Toung, il est envoyé en mission en Chine.

1966-1968 : ministre de lʼAgriculture dans le cabinet Pompidou. 1968 : après les événements de Mai-68, il est ministre de lʼÉducation nationale, en charge de réformer lʼUniversité. 1972-1973 : ministre des Affaires sociales dans le gouvernement Messmer. 1973-1976 : président de lʼAssemblée natio- nale. 1978 : il est élu à lʼAcadémie française. 1979 : élection à lʼassemblée des com- munautés européennes. 1985 : Edgar Faure fonde le conseil des régions dʼEurope.

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SES MANDATS EN FRANCHE-COMTÉ

MAIRE 1947-1970 : maire de Port-Lesney (Jura). 1971-1977 : maire de Pontarlier. 1983-1988 : maire de Port-Lesney.

CONSEILLER RÉGIONAL 1974-1981 : président de lʼétablissement public régional. 1981-1988 : président du Conseil régional de Franche-Comté.

CONSEILLER GÉNÉRAL 1949-1967 : président du Conseil général du Jura. 1967-1979 : conseiller général du canton de Pontarlier.

DÉPUTÉ 1946-1958 : député du Jura. 1967-1980 : député du Doubs. SÉNATEUR 1959-1966 : sénateur du Jura. 1980-1988 : sénateur du Doubs réglementation sur le bout des doigts, c’était lui. Mais en même temps, ce n’était pas un labo- rieux. C’est-à-dire qu’il lui arri- vait de découvrir certains dos- siers en séance, des dossiers de subventions par exemple. S’il sentait le moindre problème, il le retirait carrément. Je ne le vivais pas forcément mal. Càd : Quels élus considé- raient-ils en Franche-Comté ? M.P. : S’il avait un alter ego , c’était Chevènement pour qui il avait une considération très for- te. Il avait plus de difficultés avec

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Souvenirs “Son intention était de faire de la Région un creuset des réformes”

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Marcel Pochard, originaire de La Longeville dans le Sau- geais, était un jeune énarque quand il a croisé le che- min d’Edgar Faure. Le haut fonctionnaire a terminé sa carrière comme conseiller d’État.

losophie, sa vision des gens et son approche des personnes. Càd : S’est-il bien impliqué pour les affaires régionales ? M.P. : Sincèrement il adorait la Région et était très intéressé par la représentativité des Régions. Son intention était de faire de la Région un creuset des réformes et il était très attiré par le réseau

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C’ est à dire : Comment avez-vousconnuEdgar Faure ? Marcel Pochard : Je suis sor- ti de l’E.N.A. dans les années soixante-dix et c’est à cette époque-là qu’il m’a sollicité pour travailler pour lui. Parmi les pre- miers travaux que j’ai faits pour lui, il y avait des notes sur la filière comté. Puis en 1982 sont officiellement nées les Régions en tant que collectivités territo- riales autonomes. Edgar Faure cherchait un directeur général des services, il m’a demandé de venir le voir à Besançon. Quin- ze jours après, c’était fait, on a fait affaire tout de suite. J’ai tra- vaillé à ses côtés de 1982 à 1987. C’est une belle période ma vie. Càd : Quel “patron” était Edgar Faure ? M.P. : Un patron rêvé. Grosso modo , il fixait des objectifs et

ensuite il faisait une confiance absolue pour la mise en œuvre, mais pas une confiance aveugle pour autant. Il fallait des résul- tats. Il nous laissait une grande autonomie, mais donnait des directives très claires. Il y avait un autre grand avantage pour moi qui avais travaillé pendant six ans dans un cabinet minis- tériel. Chaque fois que le ministre se déplaçait, j’avais un discours à préparer. Avec Edgar, jamais. Il se débrouillait tout seul. D’ailleurs les gens n’attendaient pas Edgar Faure sur des discours techniques, mais avant tout sur sa vision de la politique et de la philosophie. Donc je lui don- nais un papier d’une ou deux pages, mais c’est le moment où le discours était le moins bon. Il improvisait magnifiquement. Quand je l’ai eu comme patron, il avait déjà 74 ans. Il avait alors plus envie de faire passer sa phi-

quitter une séance du Conseil régional si le sujet l’ennuyait. Sur le plan humain, Edgar Fau- re m’aura appris une chose : que dans tout homme il y a une lumière qui peut briller. Il aimait justement découvrir dans tout homme la lumière dont il était porteur. Le seul bémol que je peux mettre, c’est qu’il n’aimait pas l’échec.Alors quand ça n’allait pas, il n’insistait pas et chan- geait son fusil d’épaule. C’était peut-être un manque de cou- rage ou de constance, c’est ce qu’on pouvait regretter. Pour le reste, on a passé des moments tellement agréables à ses côtés. Notamment dans le Haut-Doubs à l’occasion des comices. Il fallait voir le bonheur qui était le sien quand les gens lui tapaient sur l’épaule avec res- pect, ils buvaient réellement ses paroles. Les gens du Haut-Doubs avaient un peu l’impression

d’avoir en face d’eux un prophète.

Càd : Que reste-t-il d’Edgar Faure 25 ans après sa dis- parition ? M.P. : Ce qu’il peut rester, c’est une forme de liberté, une phi- losophie de l’action par l’expérimentation ainsi qu’une générosité dans l’action. Pour lui, il n’y avait pas d’expérimentation inutile ou d’ a priori . Càd : Il a des héritiers sur le plan national ? M.P. : Pas vraiment. Peut-être quelqu’un comme Jean-Louis Borloo. Ce sont des gens qui détestent les affrontements de camps et qui sont intéressés par les résultats plus que par des proclamations. C’est peut-être ce qui fait aussi leur faiblesse.

des régions d’Europe qu’il avait beaucoup promu. Ce qui peut res- ter de lui à la Région, c’est l’image d’un grand homme d’État dévoué à la cause régionale. Son attachement à la

Raymond Forni qui était plus engagé politique- ment et Edgar Faure n’aimait pas les joutes politiques, il préférait les joutes intellectuelles. C’était un esprit uni- versaliste. Il faut recon-

“Les gens avaient l’impression d’avoir en face d’eux un prophète.”

notion de Région comme labo- ratoire d’innovation et de créa- tion était réel. Càd : Ses opposants le disaient tout de même un peu dilettante sur certains dos- siers ? M.P. : C’est vrai et faux à la fois. À cette époque par exemple, on mettait en place les quotas lai- tiers en France. S’il y avait bien une personne qui connaissait la

naître qu’à la Région il n’a pas été servi par de grands disciples. Pierre Chantelat était un dévot d’Edgar Faure, mais il n’avait pas son esprit. Quant à Jean- François Humbert, c’était un peu la taupinière face à l’Himalaya. Càd : Sur le plan plus per- sonnel, quel homme était-il ? M.P. : L’homme était extrême- ment séduisant. Il détestait s’ennuyer. Il pouvait très bien

Propos recueillis par J.-F.H.

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