Journal C'est à Dire 186 - Mars 2013

L E P O R T R A I T

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Aziz Djela, pour l’amour du foot À soixante ans, cet habitant de Villers-le-Lac vit une passion dévorante pour le football. Un sport dans lequel il aurait pu faire carrière en tant que joueur. Il n’est pas impossible qu’il y revienne d’une manière originale… Villers-le-Lac

S’ il avait eu le tempé- rament d’un opportu- niste, le destin d’Aziz Djela aurait pu être celui d’un joueur de haut niveau à qui le football a souri. Il a frôlé de la pointe des crampons ce rêve de ballon rond sans le pousser franchement au fond des filets. “Si j’avais pris les bonnes déci- sions au bon moment, les choses se seraient passées différemment sans doute” suppose-t-il en feuilletant avec soin le grand- livre de l’histoire du football- club La Chaux-de-Fonds. Maillot jaune, short bleu, il pose debout sur la photo page 65, avec l’équipe de Ligue National A sai- son 1971-1972. À l’époque, ce club glorieux qui avait longtemps brillé sur le championnat suis- se et dont la notoriété avait dépassé les frontières du pays, était encore une référence. Le F.C. La Chaux-de-Fonds, qui était venu chercher le jeune Fran- çais quelques années plus tôt,

n’aurait pu être qu’un passage pour Aziz Djela, un tremplin vers d’autres clubs comme il l’a été pour les meilleurs joueurs. En vain. Le footballeur ne saisira pas les opportunités qui se pré- senteront à lui. “Le cours de la vie tient parfois à peu de cho- se” observe-t-il. Une confidence dans laquelle l’aveu d’un regret est perceptible. “Un jour, on m’a aux États-Unis. Je ne m’y suis pas rendu car je n’ai pas osé demander de vacances à mon patron alors que nous sortions des congés d’été. C’est dommage, cela aurait pu être une belle expé- rience de vie” philosophe-t-il. On ne change pas une personnalité entière, un brin timide et qui a le sens des valeurs. Mais si c’était à refaire, sans doute aurait-il l’audace d’aller frapper à la por- proposé d’aller faire un stage de détection d’une semaine en Angleterre pour intégrer une équipe de Miami et aller jouer

te de son boss , comme il dirait “oui” à l’entraîneur venant lui demander, alors qu’il était enco- re junior, d’aller remplacer Daniel Jeandupeux sur un match de 1 ère division qui se jouait à Luga- no. “J’avais 18 ans. J’ai dit non, tout simplement parce que je vou- lais rester fidèle aux juniors. Je ne voulais pas “trahir” mon équi- pe.” Dans le foot, un ticket com- lers-le-Lac ne cultive pas la nos- talgie autour de son parcours de sportif, truffé d’anecdotes, qui s’est arrêté à La Chaux-de-Fonds après sept années passées à jouer au haut niveau, et d’innombrables journées haras- santes. “J’étais crevé. Je partais à 6 heures le matin. Je faisais ma journée de boulot chez Sin- ger. Ensuite j’allais m’entraîner durement.” Le climat de La me celui-ci ne se refuse pas lorsqu’on est déter- miné à faire carrière. Le temps a passé. À 60 ans, cet habitant de Vil-

Aziz Djela se replonge parfois dans ses souvenirs de sportif de haut niveau en feuilletant ce livre sur l’histoire du club de La Chaux-de-Fonds.

Chaux-de-Fonds n’est pas celui de la Côte d’Azur ! “Je me sou- viens de la méthode de Gior- geadis, notre entraîneur, un Grec. Nous l’appelions Mister Dan. Il nous poussait avec sa voiture pour qu’on avance. Je rentrais à 22 h 30 quatre fois par semai- ne” raconte Aziz Djela. Le milieu du football n’était pas un busi- ness comme il l’est aujourd’hui. Les joueurs vivaient pour l’amour du maillot et du club, jonglant souvent entre un job et le ballon rond. “Aujourd’hui, l’argent a pris trop de place. Ce qui s’est passé en Afrique du Sud avec l’équipe de France lors de la dernière coupe du Monde, c’est pire que tout ! Je ne suis même pas certain que les joueurs ont mesuré l’impact de leur com- portement auprès des jeunes et du public” déplore l’ancien foot- balleur.

Aziz Djela a finalement délais- sé les terrains pour la sous-trai- tance horlogère, gérant pendant quinze ans avec son beau-frère la P.M.E. Aubry Gravure à La Chaux-de-Fonds qu’il a désor- mais quittée. “C’est un choix de vie, une fois de plus.” Mais sa pas- sion dévorante pour le foot héri- tée de son père Mohamed, est toujours bien vivace. Évidem- ment, il suit les championnats français et anglais à la télévi- sion. Mais si l’affiche en vaut la peine, il file à Sochaux. C’est toujours l’occasion pour lui de croiser d’anciens camarades de jeu de la sélection régionale Franche-Comté à laquelle il par- ticipait quand il était adolescent. “J’ai connu des bons joueurs com- me Vincent Diaz et Jacques San- tini qui est devenu plus tard sélec- tionneur de l’équipe de France.” Désormais, il n’est pas impos-

sible qu’Aziz Djela revienne dans le football d’une autre manière. Le sexagénaire a déposé le bre- vet d’un système qui permet d’améliorer le toucher de balle et la gestuelle du footballeur. Il ne veut pas en dire davanta- ge, mais selon lui, “c’est une idée toute simple” qu’il avait déjà ima- ginée lorsqu’il était enfant dans une Algérie en guerre, un pays qu’il a quitté vers l’âge de 12 ans pour rejoindre le Haut-Doubs où sa famille avait des attaches. “Ce système est peut-être la futu- re Swatch du football à condi- tion de trouver un équipemen- tier qui veuille le développer” annonce le passionné avec enthousiasme. S’il devait y avoir des royalties, il ferait une fon- dation. Cette fois-ci c’est sûr, si l’occasion se présente, il ne laissera pas passer sa chance. T.C.

“La future Swatch du football.”

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