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48 RÉGAL EN BRETAGNE

MARS AVRIL 2018 RÉGAL N° 82 www.regal.fr

HERVÉ BOURDON LA NATURE ET LE GESTE «J e n’ai fait de la cuisine qu’ici et je n’en ferai jamais ailleurs», avoue Hervé Bourdon. Et de poursuivre : «Cuisiner ailleurs, ce serait tout recommencer.» Ici, c’est Portivy, un village de pêcheur anachronique face à l’océan Atlantique. C’est la presqu’île de Quiberon et ses rivages dunaires. C’est le Petit Hôtel du Grand Large où, à une autre époque, on aurait peut-être croisé Monsieur Hulot. En attendant le premier plat, on fait tourner un verre de vin blanc sur la table vernie, fabriquée avec les planches d’un vieux bateau, comme ceux qui se dandinent sur le clapotis des vagues, juste derrière la fenêtre. La lumière couchante nous cajole. Ce paysage magnétique nourrit Hervé Bourdon depuis près de douze ans. Sa cuisine est un projet philosophique et artistique (10 à 15 heures par jour!). Pour qui se prend- t-il? «Pas un chef, ça c’est sûr! , réplique l’homme avec un sourire franc, je suis arrivé ici avec un rêve de gosse, celui de cuisiner et tout s’est construit lentement, en relation étroite avec cet environnement.» Le cuisinier est au diapason de la nature. «Cela va vous sembler curieux, mais je ne me considère pas supérieur à ce que pourrait être un ormeau, une carotte ou une langoustine. Je fais juste partie d’un tout et je suis au service des autres. J’ai la chance d’avoir accès à tous ces produits et je suis animé par l’envie de les faire goûter à ceux qui viennent chez nous. Et quand ils repartent, j’espère qu’ils ont partagé un peu ce que je ressens quand je suis ici.» Du produit brut à l’émotion, il y a aussi le geste. Chez Hervé Bourdon, il est magistral. On l’observe fileter un poisson et l’on mesure combien il y met de précision, de délicatesse et de respect. Ses bras disparaissent sous les tatouages irezumi (signe d’appartenance aux yakusas, la mafia japonaise). «Je n’en suis pas! Mais je me sens proche des Japonais car chez eux le geste conduit à la beauté. En cuisine, quand tu as la chance de trouver le beau geste, c’est merveilleux, tu es sûr qu’il y a du plaisir dans l’assiette.»

LA MER QUI ROULE SES SAVEURS Les coques (à droite) sont une juste illustration de la cuisine d’Hervé Bourdon, un plat qui se concentre sur l’iode et ne se perd pas dans un dédale de saveurs. Jamais de dressage géométrique, il est fortuit ou accidentel ! Ci-dessous : l’équipe en cuisine. L’ambiance est tout sauf caporaliste, humour et concentration pendant le coup de feu font aussi partie du projet.

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