Journal C'est à Dire 196 - Mars 2014

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P O L I T I Q U E

Redécoupage cantonal Élus des villes

contre élus des champs Après une présentation pour le moins technocratique du nouveau redécou- page cantonal par le préfet du Doubs, le débat autour de cette question a fait apparaître deux mondes bien distincts : la ville et la campagne. Ambiance.

I ls étaient venus nom- breux les maires ruraux, notamment une belle délégation d’élus saugets, assister au débat organisé au Conseil général du Doubs le 27 jan- vier dernier. Sagement ins- tallés à la tribune, ils n’ont pas manqué de réagir à la présentation par le préfet Sté-

peut-être ?” Rappelons que l’actuel canton de Montbenoît sera phagocyté dans un immen- se canton qui regroupera avec Montbenoît les actuels cantons de Levier, Ornans et Amancey. Pour Claude Jeannerot, le pré- sident du Conseil général, “il n’y a pas de carte électorale idéa- le. Ne cherchez pas, elle n’existe pas.” “Si, la nôtre !” rétorque

fontaine et Montferrand-le-Châ- teau), la réforme a été adop- tée à la majorité. Au grand dam des élus d’opposition qui y sont tous allés de leur petit refrain contre cette carte cantonale qu’ils se sont tous accordés à qualifier d’absurde. “Et dire qu’on est au pays de Descartes…” a soupiré Christian Coutal en fin de séance. J.-F.H.

phane Fratacci de ce qui sera le contour des futurs cantons - ils seront au nombre de 19 contre 35 aujourd’hui - à partir de 2015.

Alain Marguet, le conseiller général de Montbenoît en réfé- rence à la proposition de redécoupage que la droite avait pro-

Le 27 janvier, la séance fut riche en débats.

“Alors supprimez les cantons !”

Ils ont dit…

Jean-François Longeot, conseiller général d’Ornans :

Jean-Pierre Gurtner, conseiller général de Levier :

posée à la majorité, proposition restée lettre morte. Les réac- tions se sont faites plus viru- lentes en tribune quand Clau- de Jeannerot pose la question : “Est-ce que le canton est enco- re aujourd’hui un espace de pro- jet ? Vous savez bien que non. Ce sont les intercommunali- tés qui sont devenues aujour- d’hui les espaces de projets.” “Alors supprimez les cantons !” commente le maire de Pontar- lier Patrick Genre venu lui aus- si suivre les débats. Malgré les quatre amendements adoptés (la commune de Bavans réintégrée à la communauté d’agglomération de Montbéliard, le rattachement du secteur Entre Doubs et Barbèche à Maîche, la réunion de Franois et de Serre-les-Sapins dans le même canton et celle de Grand-

Un des principes de la réforme est le rééquilibrage démogra- phique afin de supprimer des aberrations comme ce rapport de 1 à 9 entre le canton d’Amancey (3 797 habitants) et celui de Pontarlier (34 216 habi- tants). Selon le préfet du Doubs, “chaque canton s’inscrira dans un écart de 20 % à la moyen- ne départementale de 27 777 habitants.” Mais déjà un can- ton fait exception à la règle : celui de Frasne (qui couvrira également l’actuel canton de Mouthe) ne comptera que 19 306 habitants. Le préfet jus- tifie cette exception par “la topo- graphie montagneuse du Haut- Doubs.” Remarque immédiate de Christian Coutal, l’élu sau- get : “Et le secteur de Montbe- noît, ce n’est pas montagneux

“N ous assis- tons ni plus ni moins qu’à une délo- calisation, la déloca- lisation de la commu- nauté de communes de Montbenoît et d’Altitude 800. Cette nouvelle carte déra- cine l’histoire et quand on déracine l’histoire, ce sont d’autres qui vont l’écrire. Ce qui est aberrant dans ce nou- veau canton, c’est qu’il couvrira deux S.C.O.T. différents et qu’il s’étalera sur deux ter- ritoires de santé.”

“L e projet de réforme que le précédent gouver- nement avait pré- senté proposait de baisser le nombre d’élus de 13. Là, avec 2 élus par cantons, on se retrou- vera avec trois élus de plus qu’aujourd’hui. Le Conseil géné- ral passe à côté de 400 000 euros d’économie par an. Par ailleurs, cette réforme menée à la hus- sarde est une mise à mort du tissu rural : 12 élus sur 38 seront de Besançon. Je pense qu’il faut renvoyer à leurs chères études les énarques qui ont inventé ce machin ! Vous parlez d’égalité démographique mais quand ont voit la différence entre un dépar- tement du Territoire-de-Bel-

fort et ses 137 000 habitants et les Hauts-de-Seine avec 1,5 mil- lion d’habitants, elle est où l’égalité ?”

Marc Pétrement, conseiller général de Baume-les-Dames :

Jean-Marie Pobelle, conseiller général de Pierrefontaine -les-Varans :

Réaction Alain Marguet se dit prêt à

se présenter contre Claude Jeannerot Le conseiller général de Montbenoît, dont le canton est condamné, continue sa croi- sade anti-redécoupage. Il est prêt à défier le président du Conseil général. C’ est à dire : Pour aller jusqu’au bout de la contestation, vous vous dites prêts à défier Claude Jeannerot sur

“C omment comprendre cette branche qui s’échappe du tronc et qui va jus- qu’à Cussey-sur-l’Ognon, ainsi que le rejet du secteur de Clerval dans le futur can- ton de Baume-les-Dames ? Ce redécoupage est une négation du Doubs central que l’on bâtit depuis plus de 20 ans. Que faudra-t-il faire : recréer un nouveau pays, de nouveaux syndi- cats ? Ce redécoupage ne prend en compte la population que dans sa valeur numérique.” Patrick Ronot, conseiller général d’Amancey : “E t pourquoi onne calquerait pas le nombre d’élus au nombre de votants ? Je rap- pelle qu’aux dernières cantonales sur Amancey,nous avons enregistré près de 85%de par- ticipation. Dans un cantonde Besançon (N.D.L.R. : Besançon-Ouest où est éluClaude Jeannerot),la par- ticipation a à peine atteint 35,02 % des voix, c’est- à-dire que le conseiller général a été élu avec à pei- ne 1/3 des suffrages. Attention à ce que cette réfor- me ne se retourne pas contre ses instigateurs.” Frédéric Cartier, conseiller général de Clerval : “V ous mettez en avant la parité pour jus- tifier cette réforme en pensant peut- être que notre groupe politique est miso- gyne : mais proportionnellement, nous avons plus d’élues femmes que vous !”

“Q uel boucher technocrateabienpurelier dans un même canton le village des Alliés et le secteur d’Ornans dont des communes sont quasiment intégrées à l’agglomération bisontine ?”

son propre canton de Besançon en 2015 ? Alain Marguet : C’est une forme de défi que je lui lance en effet pour dire que nous les ruraux, on a certainement plus de poids qu’il ne le pré- tend. Ce serait une manière de sortir par la gran- de porte, de tirer une dernière fois un feu d’artifice. En bon Sauget, je suis tout à fait capable de le faire. Je n’ai plus rien à perdre, j’ai 65 ans. C’est peut-être une façon de montrer au président Jeannerot que rien n’est acquis dans la vie. Càd : Et d’ici là, quelle marge de manœuvre avez-vous ? A.M. : On s’apprête à déposer un recours devant le Conseil d’État pour contester ce projet de redé- coupage. On n’a pas l’intention de se laisser faire. Càd : Avec quels arguments ? A.M. : En septembre, on a offert sur un pla- teau une séance de rattrapage au président Jean- nerot qu’il n’a pas exploité. C’était une carte très cohérente, mais visiblement la démocratie par- ticipative est devenue le régime totalitaire. Il faut m’expliquer pourquoi la Saône-et-Loire avec 550 000 habitants compte 29 cantons et le Doubs 19, pourquoi l’Allier 19 avec 342 000 habitants ?

Alain Marguet, prêt à un baroud d’honneur.

Avec cette réforme, le président du Conseil géné- ral a bafoué les règles élémentaires de respect et de considération pour les élus, il a fait du tripatouillage électoral. Avec cette réforme, on va faire disparaître 2 000 chefs-lieux de cantons ruraux ainsi que toute la vie administrative et associative de ceux-ci. Cette réforme est indé- fendable et les électeurs sauront s’en souvenir. Propos recueillis par J.-F.H.

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