Journal C'est à Dire 107 - Janvier 2006

É C O N O M I E

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Dédouanement Agence Henriot : “On réalise 80% de notre activité avec la Suisse” L’entreprise Henriot est une des trois agences en douane pré- sentes à Morteau. Depuis le déclin de l’horlogerie, cette socié- té a dû trouver de nouvelles ressources pour étoffer son activi- té. Le point avec Pierre Vaufrey, responsable du service des douanes, et Jean-Pierre Henriot, P.D.G. de l’entreprise.

Toute l’équipe de

vous présente ses meilleurs vœux 2006

C’ est à dire : Sou- vent l’amalgame est fait entre les agences en doua- ne et l’administration des douanes françaises. Quel est votre statut ? Pierre Vaufrey : Nous ne sommes pas les douanes, mais une entreprise du secteur concur- rentiel et privé. Notre spécifi- cité est d’établir les documents douaniers, tant pour l’exporta- tion que pour l’importation de produits, pour le compte de socié- tés qui nous mandatent pour cela. L’agence en douane est fina- lement un intermédiaire entre une entreprise et le service des douanes. C’est à dire : Une société com- me Henriot ne s’occupe que des formalités douanières ou propose-t-elle d’autres ser- vices ? Jean-Pierre Henriot : En fait, il y a deux sortes d’agences. D’un côté, il y a celles qui ne font que de la douane. De l’autre, on retrouve des agences dont l’ac- tivité douanière n’est qu’une partie de l’offre de service glo- bale qu’elles proposent au client. C’est notre cas puisque nous sommes en mesure d’assurer en plus des formalités douanières, le transport des marchandises du client partout en France et en Europe. Càd : Nous sommes aux portes de la Suisse. Est-ce pour autant le pays avec lequel vous commercez le plus ? P.V. : En effet, nous travaillons principalement avec la Suisse. Mais nous avons aussi accès au

marché mondial par l’intermé- diaire des aéroports de Bâle et Zurich qui nous permettent d’en- voyer et recevoir du fret. Càd : Cela signifie qu’ac- tuellement les clients qui vous sollicitent pour des opéra- tions de dédouanement et de transport sont suisses ? P.V. : En fait, c’est nous qui allons chercher des clients en Suisse car le tissu industriel est fort et dynamique. C’est le cas dans les cantons de Neuchâtel, de Vaud et dans le secteur de Bienne. La Suisse est aujourd’hui notre par- tenaire privilégié. On réalise 80% de notre activité avec ce pays. Notre implantation a Càd : La proximité géogra- phique n’est donc pas seul argument des liens écono- miques étroits que vous tis- sez avec la Suisse ? J.-P.H. : Nous nous tournons vers la Suisse pour différentes raisons. Tout d’abord, le pro- blème des Suisses est qu’ils sont contraints d’exporter leurs pro- ductions car leur marché est très étroit, mais ils ne sont pas dans le marché commun européen. L’idée pour nous est donc de leur proposer des procédures de dédouanement simplifiées et un soutien logistique pour leur ouvrir les portes de ce marché commun. Ensuite, nous allons chercher en Suisse des clients qui travaillent sur des produits d’ailleurs été renfor- cée sur ce territoire par le rachat de la société helvétique Henri Grandjean Transport.

à forte valeur ajoutée.

Càd : À l’inverse, peut-on dire que les entreprises n’ont pas besoin de faire appel aux ser- vices des agences en douanes. Si oui, pourquoi ? J.-P.H. : En France, les services des douanes proposent désor- mais aux entreprises des pro- cédures de dédouanement sim- plifiées et informatisées. Elles font donc moins appel à des intermédiaires tels que nous. Plus précisément, dans le Val de Morteau cette fois, une des industries-phares était l’horlo- gerie. Aujourd’hui, la plupart des entreprises horlogères ont disparu. Il y a une quinzaine donc été contraints à un moment donné de trouver de nouvelles pistes de développement pour compenser la perte de l’horlo- gerie. Càd : Quels types de produits convoyez-vous ? P.V. : À une certaine époque, nous étions spécialisés dans les produits horlogers. Mais aujour- d’hui, nous convoyons tous les produits, de l’alimentaire à la micromécanique. Par contre, ils ont tous une forte valeur ajou- tée et demandent des schémas logistiques pointus pour les ache- miner d’un point à un autre. C’est le cas par exemple lors- qu’un client nous demande de diffuser ses marchandises dans une multitude de points de ven- d’années encore, l’horlogerie locale représentait 60% de notre activité. Actuel- lement, c’est moins de 10%. Nous avons

“La douane est un métier en pleine mutation.”

Pierre Vaufrey responsable du service des douanes et Jean-Pierre Henriot, P.D.G. de l’entreprise.

J.-P.H. : Nos principaux concur- rents, ce sont surtout les inté- grateurs comme D.H.L., T.N.T. ou U.P.S. Ce sont de grands groupes de taille mondiale. La politique de ces structures est de casser les prix du marché. Face à ces gens-là, ce qui nous sau- ve, c’est la confiance que nous accordent les clients et nos délais fiables. Il y a quatre ans, nous nous battions aussi sur les prix. Désormais, par rapport aux pro- duits que l’on transporte, nos don- neurs d’ordres sont davantage sensibles à la qualité du servi- ce qu’aux tarifs pratiqués. Càd : Quels sont les enjeux pour entreprise comme Hen- riot dans les années à venir ? J.-P.H. : Il y a un double enjeu. Le premier est d’assurer la péren- nité de l’entreprise. La douane est unmétier en pleine mutation. Par le biais de l’outil informa- Le second objectif pour les années à venir est de garder toujours un temps d’avance sur les concur- rents. Càd : On parle beaucoup de la délocalisation des entre- prises en Asie. Comment réagissez-vous par rapport à des donneurs d’ordres qui délocalisent ? J.-P.H. : La concurrence sur le marché asiatique est très dure. C’est dans cette partie du mon- de que se battent les plus grands groupes mondiaux. Pour nous, l’Asie est donc moins intéressante en terme de développement que la Suisse. Néanmoins, nous avons un correspondant à Hong-Kong qui gère un réseau sur l’ensemble de la Chine. ■ Propos recueillis par T.C. tique, les opérations de dédouanement sont dématérialisées. C’est notre rôle que d’adapter l’entrepri- se à ces nouvelles méthodes de travail.

te en Europe dans les meilleurs délais. Càd : Justement, comment avez-vous vécu l’ouverture des frontières en Europe qui s’est accompagnée d’une levée des barrières douanières ? J.-P.H. : En effet, il n’y a plus de douanes. Mais les entreprises restent soumises à des obliga- tions déclaratives. Elles doivent déclarer leurs flux de mar- chandises. Toutefois, les termi- nologies ont changé. On ne par- le plus en Europe d’exportation mais d’expédition, ni d’impor- tation mais d’acquisition. Je dirais que nous n’avons pas per- du de parts de marché. Au contraire, nous en avons gagné. Car une fois encore, dans ce sys- tème, il y a la Suisse qui n’est pas dans le marché commun, mais qui exporte dans toute l’Eu- rope. Elle a besoin en appui logis- tique d’une entreprise comme Henriot pour établir les forma- lités douanières et transporter les produits. Càd : Comment s’organise un réseau logistique ? P.V. : Le centre névralgique de l’entreprise est à Morteau. À par- tir de là, on s’appuie sur un réseau de correspondants partout en Europe qui nous servent de relais pour acheminer les marchandises à l’adresse souhaitée. C àd : Vous n’avez pas de véhi- cules estampillés Henriot qui circulent. Cela signifie que vous travaillez en réseau avec des transporteurs partout dans le monde ? P.V. : Nous travaillons en sous- traitance avec des transporteurs. En aucun cas, nous nous équi- perons d’une flotte de camions. C’est un business trop aléatoire compte tenu de la fluctuation des taxes qui frappent notamment le carburant. Il est préférable pour nous de travailler avec des transporteurs indépendants qui

sont de véritables partenaires sur des destinations précises. Càd : La société est présente à Morteau et à La Ferrière- sous-Jougne. Y a-t-il d’autres sites ? J.-P.H. : Aujourd’hui, nous sommes présents à Morteau, La Ferrière-sous-Jougne, mais aus- si en Suisse, au Locle et à La Chaux-de-Fonds où sont instal- lées les deux antennes de notre filiale helvétique Grandjean Transport. Au total, l’entrepri- se emploie 25 personnes. Càd : Quelle est l’activité du bureau de La Ferrière-sous- Jougne ? J.-P.H. : La Ferrière-sous-Jougne est un poste particulier. Il se situe sur un axe routier important qu’est la R..N. 57. Il est de plus en plus emprunté par les trans- porteurs qui cherchent à rouler agence à Vallorbe depuis cinq ans. L’essentiel de notre activité là-bas, c’est le dédouanement et pas le transport. Càd : Votre activité est-elle très concurrencée ? P.V. : La concurrence est très rude. La principale difficulté à laquelle nous sommes confron- tés quand nous allons prospec- ter de nouveaux clients est de parvenir à vendre une prestation de service qui n’est pas palpable. On doit constamment apporter la preuve de notre crédibilité pour convaincre de nouveaux clients. C’est pour cette raison que notre métier repose essentiellement sur la confiance. Càd : Vos concurrents, ce sont les autres agences en doua- ne ? le moins possible en Suisse compte tenu des taxes sur la pol- lution générée par les camions. Cela explique le fort déve- loppement de notre

“Premier enjeu : assurer la

pérennité de l’entreprise.”

L’agence Henriot est présente sur deux sites : à Morteau et à la douane franco-suisse de La Ferrière-sous-Jougne.

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