Journal C'est à Dire 108 - Février 2006

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“Le plombier polonais” débarque dans le Haut-Doubs Témoignage Deux entreprises de bâtiment du Haut-Doubs avouent - sous couvert d’anonymat - avoir recours à de la main d’œuvre polonaise. L’intérêt est humain et financier.

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Embaucher d’accord, mais suivant la loi française De plus en plus, les artisans se tournent vers les Pays de l’Est pour trouver de la main d’œuvre. La tentation est de l’employer à des tarifs défiant toute concurrence.

L e secteur du bâtiment souffre de la pénurie de main d’œuvre. À l’échel- le nationale, on estime qu’entre 50 000 et 60 000 postes sont à pourvoir. En France, les entreprises désespèrent donc de trouver des bras pour hono- rer les chantiers. “À titre d’exemple, parmi nos adhérents, il y en a un qui a dépensé près de 3 000 euros dans des petites annonces pour tenter de recru- ter un collaborateur chauffa- giste compétent. En vain. Il a donc arrêté de chercher” explique Didier Tattu, secrétaire géné- ral de la chambre des artisans préjugés. “Le salaire moyen aujourd’hui dans le bâtiment c’est 1 500 euros nets par mois. C’est parfois plus encore dans le Haut-Doubs” affirme-t-il, en ajoutant que ces professions se sont aussi modernisées avec l’apparition d’un matériel tech- nique performant qui accom- pagne le professionnel dans ses opérations de manutention. Tou- jours est-il qu’il y a problème qui ne se résoudra pas du jour au lendemain. Rien d’étonnant donc à ce que les sociétés se tournent vers les Pays de l’Est, en particulier pour trouver une main d’œuvre enco- re disposée à s’investir dans ces métiers. À condition que l’em- ploi de ces personnels sur le sol français se fasse dans le respect des règles du code du travail national et non sur les bases des conventions en vigueur dans leur pays d’origine. Sur ce point, la situation n’est pas totalement clarifiée à l’échelle européenne. C’est d’ailleurs une des raisons du débat autour de la directive Bolkestein. Des sociétés auraient tendan- et des petites entreprises du bâtiment du Doubs (C.A.P.E.B.). Pourquoi un tel désintérêt pour ces métiers ? Question de salaire, ou de dureté du travail peut-être. Pour le représentant de la C.A.P.E.B., ce sont des

Tous les métiers du bâtiment sont susceptibles d’employer cette main d’œuvre étrangère.

L es entreprises du bâtiment qui emploient de la main d’œuvre étrangère ne s’en vantent pas en général. “Tout cela commence à tourner à la polémique” lâche un artisan du Haut-Doubs qui a recours au procédé “en toute légalité” s’em- presse-t-il de rectifier. Il a sou- haité préserver l’anonymat, pour éviter d’avoir à faire à de nouvelles séries de critiques qui le taxent, notamment, d’entretenir le chô- mage en France. Or, le même hom- me rappelle qu’actuellement il n’a “pas le choix” que celui de recourir à ces ouvriers polonais dans son cas. “Je vous affirme qu’ils sont bons dans leur métier. Si on ne les avait pas, je ne sais pas com- ment nous ferions aujourd’hui pour hono-

ce à profiter de ce flou, pour recruter à l’Est de la main d’œuvre bon marché et sous- payée une fois sur le sol fran- çais. Selon nos sources, une entreprise de Haute-Saône aurait été inquiétée par la Poli- ce aux Frontières à ce sujet. Elle recrutait des travailleurs polo- nais payés 40 euros la journée et proposait ensuite cette main d’œuvre à des entreprises arti- sanales locales qui pouvait dis- poser d’un ouvrier pour 15 euros de l’heure. C’est pour éviter ce genre de dérives qui génèrent non seu- lement des situations d’exploi- que les sociétés embauchent du personnel étranger, mais sur le principe du droit français. Sans cela, ce serait trop facile” rap- pelle Didier Tattu. Cela signi- fie que l’employeur paiera le cas échéant les charges salariales imposées dans la réglementa- tion française et pratiquera un tarif horaire au moins égale à celui du S.M.I.C. Par contre, la C.A.P.E.B. met en garde les sociétés qui auraient l’intention de travailler en sous-traitance avec des entre- prises polonaises par exemple. L’association peut dériver selon cet organisme sur du “faux sala- riat. Car on se retrouve dans des situations où des gens tra- vaillent sur un site imposé par un donneur d’ordres, avec des matériaux qu’il fournit. Tout cela n’a rien d’une situation de sous-traitance.” Il semble que les services de l’U.R.S.S.A.F. commencent à réagir. Ils traquent les entre- prises qui chercheraient par un tour de passe-passe à travailler avec une main d’œuvre bon mar- ché. ■ tation de la personne, mais aussi un phéno- mène de concurrence déloyale, que les ins- tances des métiers du bâtiment attendent que l’Europe clarifie le cadre juridique. “Nous sommes d’accord pour

savoir la difficulté de trouver sur place du personnel qualifié pour intervenir sur des chantiers de maçonnerie. Alors il s’ap- prête à embaucher “trois Polonais. Il n’y a plus de maçons ici.” Pour lui, c’est un peu un pari. Car, premièrement il n’a jamais eu recours au procédé “et je ne sais pas sur quel genre d’employés je vais tomber. Je ne sais pas s’ils seront bons ou mauvais. Peut- être que ça ne marchera pas. C’est un peu l’inconnue” lâche-t-il. Ces hommes devraient rejoindre sa société au printemps pour une durée définie. “Pour l’instant, je continue à prendre des garanties. Quand j’aurai toutes les cartes en main, je fonce.” Dans les deux cas, ces employeurs avouent être en contact avec une société en Pologne. Le premier a signé un contrat de sous-trai- tance. Nous n’apprendrons rien sur les conditions de rémunération des interve- nants, ni sur les modalités du contrat, dont on ne sait pas de quelle législation, fran- çaise ou polonaise, il répond. Par contre, l’employeur attend que la réglementa- tion européenne liée à la directive Bolke- stein “tombe pour pouvoir m’y conformer.” Le second, du territoire du Pays de Pier- refontaine-Vercel, a accepté d’en dire un peu plus. “La société avec laquelle je suis en relation en Pologne va me facturer une prestation. En faisant mes calculs, je peux vous dire que si ça marche, je disposerai de deux employés polonais pour le prix d’un salarié français.” Par son propos, cet artisan avoue finale- ment que le recours aux ouvriers étrangers a aussi un intérêt financier. Il n’y a rien d’illégal à cela sur le marché européen de la libre circulation des personnes. “Il faut attendre six mois les autorisations de l’ad- ministration.” Cet employeur n’a pas encore rencontré ses nouveaux ouvriers, mais il ne regrette pas sa démarche. Ce professionnel n’a aucun scrupule à utiliser le système qui est en cours de modification à l’échelle euro- péenne. “J’ai le sentiment que plus per- sonne ne veut travailler en France. Pour moi, générer une situation de concurrence sur le marché de l’emploi peut se révéler être bénéfique. Après tout, si cela peu ame- ner les gens de nos régions à se poser des questions.” Expliquer le chômage par la fai- néantise est un raccourci dangereux. Cet ultra-libéralisme l’est tout autant, au regard des conditions dans lesquelles il s’applique. L’Europe ne doit pas être le terreau à ce type d’abus. ■

rer les chantiers. Vous savez, on parle beau- coup des Polonais, mais on oublie trop sou- vent d’évoquer les Portugais et les Espa- gnols qui arrivent également sur le marché à Besançon car il n’y a plus de carreleurs.” Cet artisan n’ira pas au-delà dans son com-

mentaire qui témoigne cependant de la pénurie de main d’œuvre caractéristique de la profession. “ Situés aux portes de la Suisse, com- me nous le sommes, je ne vous cache pas qu’il est bien difficile de gar- der ses ouvriers” déplore un chauf- fagiste.

“Deux Polonais pour le prix d’un Français.”

Un autre artisan a accepté d’en dire un peu plus sur ses intentions, mais là aussi, sous couvert d’anonymat. Il est implanté dans le secteur de Pierrefontaine-Vercel. Au départ, il y a toujours le même constat, à

“Le salaire moyen aujourd’hui dans le bâtiment c’est 1 500 euros.”

La Chambre des artisans et des petites entreprises du bâtiment met les entrepreneurs en garde contre ce type d’emplois.

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