Journal C'est à dire 225 - Octobre 2016

D O S S I E R

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La chaux qui respire Abandonnés au profit de produits synthétiques et d’ad- ditifs chimiques, les enduits à la chaux reviennent sur le devant de l’actualité. En témoigne Olivier Blanchard, artisan spécialisé dans ces techniques. Matériau

décor du patrimoine bâti. “Je me suis mis en micro-entrepri- se en janvier 2014” , explique l’artisan à la tête de l’entrepri- se Badigeons et Cie. Tout un programme. Son activité principale concer- ne la mise en œuvre d’enduits et de finitions traditionnels à la chaux sur les murs, en exté- rieur et en intérieur, pour des maisons en construction ou en rénovation. La chaux a été le principal liant de la construc- tion jusqu’à la révolution indus- trielle. Mélangée à du sable, elle sert à hourder les maçonneries et à dresser les parements. On l’emploie aussi à l’état pur pour lier des peintures et des badi- geons. Elle participe aussi par les enduits et leurs peintures

R ien ne le prédestinait à travailler à la truelle ces matériaux oubliés si ce n’est un penchant certain pour la préservation du patrimoine qu’il soit naturel ou humain. Ingénieur en environnement, Olivier Blanchard a d’abord mis ses compétences au service de projets d’aménagement éco-tou- ristiques : sentiers thématiques, livres…Venu du Nord s’instal-

ler à Communailles-en-Mon- tagne (Jura), ce Ch’ti a d’abord choisi de retaper une vieille fer- me pour lui-même en utilisant les techniques traditionnelles. C’est la naissance d’une recon- version. “J’ai eu le goût de la matière” , reconnaît celui qui va suivre une nouvelle formation à Avignon au centre de réhabi- litation du patrimoine bâti. Il en ressort artisan-peintre en

Olivier Blanchard rénove beaucoup de fermes et de chalets d’alpage.

au décor des vieux quartiers. La mise en œuvre de nouveaux matériaux de construction au lendemain de la seconde guer- re mondiale sonnera le glas de la chaux. Aujourd’hui, la plu- part des bâtiments modernes sont composés de matériaux imperméables comme le béton qui ne respirent pas et n’ont donc pas, à l’instar des enduits à la chaux, la capacité de régu- ler l’humidité intérieure et de la laisser passer à travers les parois. “95 % de l’activité relè- ve de la conception et de la pose d’enduits. Le volet décoratif constitue encore un patrimoine oublié. Les gens hésitent encore à revenir à ces pratiques.” Olivier Blanchard utilise les enduits en façades extérieures ou sur les murs intérieurs. Com- posés à base de lait de chaux, les badigeons servent à recou- vrir de peinture les surfaces en

lui donnant un aspect rustique, traditionnel. “Je réalise aussi des enduits plus fins comme des stucs ou du tadlack. C’est une forme d’enduit étanche utilisé dans les pays maghrébins pour faire des hammams.” L’artisan de Communailles est convaincu des bienfaits de la chaux. Pour lui, les habitations doivent redevenir des lieux sains. “On peut considérer le bâtiment comme notre troisiè- me peau, la première étant notre propre peau et la seconde nos vêtements. Un bâtiment recou- vert d’enduits naturels à la chaux respire comme notre peau.” L’engouement autour du bio, des matériaux naturels a remis au goût du jour l’utili- sation de la chaux. Olivier Blan- chard anime des stages d’ini- tiation à Nancray. “Cela repré- sente un cycle de 6 journées avec des groupes de 8 à 10 personnes.”

Le musée n’hésite d’ailleurs pas à le solliciter de temps en temps pour entretenir son patrimoine bâti. Le travail ne manque pas. Par le simple jeu du bouche-à-oreille, le façadier à l’ancienne a vite rempli son carnet de com- mandes. Restauration de fermes, de chalets d’alpage, le potentiel est grand dans le massif juras- sien. “Je rénove également du petit patrimoine rural : chapel- le, lavoirs, remises…” Olivier Blanchard fonctionne à mi- temps en travaillant essentiel- lement au printemps et à l’au- tomne. Pour des raisons pra- tiques car la chaux s’accommode mal du froid. Pour autant, il ne reste pas les bras croisés et tra- vail dans une auberge de mon- tagne en hiver et tient un alpa- ge avec sa compagne bergère en été. Rien que du naturel. n D.A.

Décor en trompe-l’œil réalisé à la chaux dans un gîte.

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