Journal C'est à Dire 92 - Septembre 2004

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D O S S I E R

Entretien

Législation Ce que dit la loi du 9 décembre 1905 Depuis la promulgation de ce texte législatif relatif à la séparation de l’Église et de l’État, il apparaît que les communes sont propriétaires des édifices construits avant cette date. Ceux bâtis après 1905 sont proprié- tés de l’Église.

Depuis la loi de 1905, l’entretien des églises construites avant cette date est confié aux muni- cipalités qui n’ont pas toujours les moyens de financer des travaux de rénovation. Un patrimoine à la charge des communes

Édifiée au XVI ème siècle, l’église du Bizot est réputée pour sa qua- lité architecturale. Ce bâtiment classé retient l’attention des communes du Bizot, du Narbief et de la Bosse qui en supportent l’entretien. À chaque opération de travaux, les trois mairies se partagent les frais à hauteur de “ 25 % pour Le Narbief, 25 % La Bosse et 50 % Le Bizot. Les trois conseils se concertent dès qu’il y a à intervenir sur cet édi- fice” indique Claude Donnet, maire du Bizot. Dans ce schéma, chacun règle

sa part de l’addition. Depuis une dizaine d’années, il n’y a plus de travaux de gros œuvre à pré- voir. “La toiture a été refaite il y a 10 ans en trois phases. Main- tenant, on se charge de l’entre- tien courant. Cette fois-ci, on va refaire les chéneaux en bois de sapin.” Le coût de cette opéra- tion est de 2 600 euros. Comme l’édifice est classé, la plupart des travaux de rénovation sont subventionnés, ce qui soulage l’investissement communal sur- tout lorsqu’il s’agit de gros œuvre. !

C’ est une des condi- tions de la loi de 1905. L’entretien des édifices cultuels construits avant cette date est à la charge des communes. Pour les autres, c’est à l’Église d’en assurer la conservation. L’ad- dition est souvent salée dès qu’il s’agit de remettre en état ces bâtiments qui ont parfois plu- sieurs siècles d’histoire. Cer- taines petites municipalités se

partie de notre histoire.” Tout comme cette église monu- mentale construite en 1867 qui trône au centre du village. Un édifice sur lequel la municipa- lité intervient régulièrement. “Nous avons déjà changé le sys- tème de chauffage. Cette année, nous avons refait les chéneaux. Nous avons également changé les abat-son du clocher et rem- placé des vitraux. Cette église n’est pas en excellent état”

1 - Presque tous les édifices consacrés au culte construits avant la promulgation, appar- tiennent soit à l’État, soit au département, soit surtout à une commune. Il convient toutefois de préciser que les édifices anté- rieurs à la loi du 18 germinal an X et qui, en vertu de cette loi servaient à l’exercice du cul- te, sont et demeurent proprié- té de l’État, des départements et des communes. C’est ainsi que, dans l’ensemble, les cathé- drales appartiennent à l’État, les églises paroissiales et autres aux communes. 2 - Les objets mobiliers qui gar- nissaient ces édifices au moment où ils ont été remis aux communes suivent le même sort que ces immeubles. 3 - Les communes peuvent engager les dépenses néces- saires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte qui sont leur propriété. Les collectivités publiques pro-

priétaires d’un édifice du culte peuvent donc légalement enga- ger les dépenses qui sont ren- dues nécessaires par le mau- vais état de l’édifice, et ont, par suite, pour objet la conserva- tion d’un élément de leur patri- moine. 4 - Les mots “conservation et entretien” doivent être pris dans un sens restrictif et ne concernent que le maintien des édifices tels qu’ils existent, sans amélioration, extension ni embellissement. Sont donc autorisées toutes les dépenses concernant le gros œuvre, la charpente et la toiture. Pour les questions d’éclairage et de chauffage, les communes peuvent participer aux dépenses d’installation de l’éclairage électrique dans les édifices cultuels leur apparte- nant dans la mesure seulement où cette installation a pour but d’assurer la conservation des- dits édifices ou la sécurité publique. !

retrouvent à entretenir des édifices religieux importants qui grèvent leur budget dès le moindre chantier. La mairie du Russey est particulièrement attentive à ce patri-

constate Gilles Robert. La façade exposée à la pluie se dégrade. La pierre calcaire et géli- ve a tendance à s’éro- der. “D’ailleurs, dès le début du siècle, on retrouve dans les comp-

“La toiture a été refaite il y a 10 ans

en trois phases.”

moine qu’elle traite “à égalité avec le reste du patrimoine, sans distinction” remarque le mai- re Gilles Robert. La commune s’est engagée dans une opéra- tion de valorisation de la pla- ce Dominique Parrenin. Elle a commencé par restaurer sur cet- te place la fontaine, qui repré- sente ce missionnaire vêtu d’un costume de mandarin. “Ce prêtre a été enterré à Pékin. Cela fait

te-rendus de conseils munici- paux les inquiétudes des élus à ce sujet. Aujourd’hui, nous vou- lons nous pencher sur cette ques- tion. Les anciens vitraux lais- sent passer l’humidité, qui dété- riore l’intérieur du porche. Pour l’instant, nous n’avons pas de solutions.” Après avoir rénové le bâtiment de la mairie, la municipalité s’attaquera pro- bablement à l’église. !

La mairie du Russey envisage d’entreprendre des travaux de rénovation de l’église.

Commentaire

Jean-Michel Blanchot : “Nous sommes en pleine déshérence culturelle”

Historien et auteur du livre “Pages d’histoire de la Franche Montagne”, Jean-Michel Blanchot s’inquiète de l’état de décré- pitude du patrimoine religieux. Il tire la sonnette d’alarme.

C’ est à dire : Quel état des lieux faites-vous du patri- moine religieux dans le Haut-Doubs ? Jean-Michel Blanchot : Le problè- me est que jusque-là on a vécu dans l’habitude qu’il y avait un prêtre par village. Ce n’est plus vrai aujourd’hui. La question qui se pose est de savoir ce qu’il va advenir de ces bâtiments à moyen et long terme. Je constate qu’ac- tuellement, rien n’est fait au niveau des municipalités du secteur pour entre- tenir ce patrimoine qui ne se résume pas seulement à un édifice mais englo- be aussi tout le mobilier intérieur aux églises. La situation va devenir alar- mante et il n’y a aucune prise de conscience politique alors que les pou- voirs publics ont été alertés à de nom- breuses reprises, comme en 1999 où laquelle siégeaient plusieurs res- ponsables politiques et culturels ? J.-M.B. : La proposition avait été fai- te de créer un lieu où il était possible d’entreposer en sécurité des objets d’égli- se sans en priver leurs utilisateurs, afin de les protéger des dégradations. Il y a eu des opportunités de locaux, mais ça ne s’est jamais concrétisé. Je crois finalement que la question n’in- téresse personne. Nous sommes en plei- ne déshérence culturelle. C’est une catastrophe en termes d’histoire et d’ethnologie. Entre construire une sal- le des fêtes, réhabiliter un stade de foot, et sauver le patrimoine d’une église, les municipalités préfèrent choisir entre les deux premières options. Pour les élus, le patrimoine coûte toujours trop cher. une table ronde était orga- nisée à Maîche pour faire le point sur ce sujet. Càd : Qu’était-il ressor- ti de cette réunion à

Càd : Pourtant, certaines communes investissent parfois lourdement dans la rénovation de leur église ? J.-M.B. : En effet, dans certaines com- munes, on ne peut pas nier qu’il y a un effort de fait. Mais une fois encore, l’en- tretien du patrimoine ne se résume pas à changer des tuiles. Il faut se sou- cier de l’intérieur des édifices qui recè- lent des pièces rares. Ce n’est pas par- ce qu’on s’occupe du gros œuvre qu’on prend soin du patrimoine. Par exemple, est-ce qu’on trouve normal que le che- min de croix d’Orchamps-Vennes ne soit pas classé aux monuments histo- riques ? Selon moi, il y a une véritable réflexion à conduire en partenariat avec la commission diocésaine d’art sacré pour définir les mesures à prendre. menace est réelle sur le mobilier. Je me demande ce que va devenir un édi- fice comme celui de Laval-le-Prieuré qui est un témoignage remarquable de l’histoire, alors que la municipalité n’a pas les moyens de l’entretenir. Il y a quelques années, le Pays Horloger avait lancé une entreprise intéressante, sur la création d’un itinéraire sur lequel figuraient plusieurs églises à visiter. Mais ce n’est pas suffisant, il faut aller au-delà. Il est temps de mener une poli- tique de fond sur ce patrimoine en réunissant les acteurs de l’Église, le monde associatif, les élus et en consul- tant la population qui a son mot à dire sur ce type de dossier. ! Càd : Selon vous, il y a danger ? J.-M.B. : Je peux faire la lis- te dans le Haut-Doubs des églises qui sont menacées en termes de patrimoine. La

“La menace est réelle sur le mobilier.”

Propos recueillis par T.C.

Jean-Michel Blanchot : “La question n’intéresse personne. C’est une catastrophe en termes d’histoire et d’ethnologie.” (photo archive Càd).

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