PAR_584__BasseDef

MA TRIBU / LebilletdeJulienBlanc-Gras

Comment

Julien Blanc-Gras est journaliste et écrivain. Son nouveau roman, “Comme à la guerre” (éd. Stock, parution le 2 janvier), est une chronique de la paternité.

le papa...

... gère l’Enfant qui ne veut pas dormir Je garde un souvenir ému de la période de l’allaitement. Le tout début de la vie demon fils. Ce moment de suspension du réel où un être totalement dépourvu d’autonomie bouleverse deux vies pour créer un foyer. Cemoment où le père peut encore dormir.

J’adorerais pouvoir t’aider, ma chérie, je sais que c’est dur de se réveiller trois fois dans la nuit, mais que veux-tu, j’ai beau presser sur mes seins, je n’arrive pas à tirer la moindre goutte de lait. La nature nous offre une excuse idéale pour ronfler peinard. Seulement voilà, l’allaitement ça ne dure pas si longtemps que ça. Rapidement, la mère reprend le travail et on passe aux biberons. Plus d’excuse. C’est ainsi que l’Enfer a commencé… L’Enfant refusait d’aller se coucher le soir. Il s’endormait tard, très tard. Il se réveillait dans la nuit. Il sautait sur le lit parental dès les premières lueurs de l’aube en claironnant « debout papa et maman ». Bébé, il manifestait son point de vue en hurlant. Plus tard, en répétant « Je veux pas faire dodo ». Nous avons tout essayé : les quatre tétines, les huit doudous, Tchoupi ne veut pas dormir, les veilleuses musicales, le réveil-lapin lumineux, la porte fermée, la porte ouverte.

Que faire ? Appeler un exorciste ? Le gaver de Lexomil ? Le sangler sur le matelas ? (Ce sont des exemples rhétoriques, ne faites pas ça.) Nous avons consulté des spécialistes du sommeil. Diagnostic : «Vous avez unpetit dormeur ».Merci pour le scoop. Efficacité : zéro. «Je veux pas faire dodo.» Le chemin de croix a duré trois ans. Ça s’est calmé petit à petit, avec le temps. L’Enfant a fini par accepter l’idée que la nuit n’était pas seulement synonyme de séparation, qu’elle était aussi le temps du repos et de l’apaisement. Aujourd’hui, il s’endort à des heures raisonnables

« Je veux pas faire dodo.» Nous avons tenté la menace, la raison, les pots-de-vin, butant toujours sur unmur d’entêtements et de psychodrames nocturnes. « Je veux pas faire dodo.» Nous nous sommes humiliés en suppliant un enfant. « S’il te plaît, papa etmaman sont très très très fatigués, il faut te coucher maintenantmonpetit amour. » «Je veux pas faire dodo.» J’ai eu envie de m’inscrire au Krav-maga, simplement pour assommer les gens qui déclarent « Oh, le nôtre il faisait ses nuits en trois semaines ». Et je n’ai pas encore parlé des terreurs nocturnes. On se tromperait lourdement en imaginant qu’il s’agit de simples cauchemars. Imaginez plutôt un enfant assis sur son lit, yeux révulsés et bave aux lèvres, qui éructe «NOOOON» avec une voix de chanteur de death- metal tout en vous pointant du doigt quand vous vous approchez pour tenter de le calmer.

et ne se relève (presque) plus. Certes, il aime toujours lit à 6 heures le dimanche matin.Mais il nous réveille avec des bisous. débarquer dans notre

Cette chronique est dédiée à tous les

parents qui ont des cernes sous les yeux. Ne perdez jamais espoir. Le bout du tunnel n’est peut-être pas si loin.

PARENTS Janvier-Février 2019 111

Made with FlippingBook - Online magazine maker