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MON BÉBÉ / Monhistoire

Je l’ai vécu...

« Nous ne cessions de nous interroger sur ses réactions lorsqu'il serait équipé. En m'entendant pour la première fois, il m'a regardée, comme pour me dire “C'est toi maman?”. Et j'ai fondu en larmes. » “Notre fils est malentendant.”

fants. Raphaël fait désormais les gestes du bain. Il peut aussi dire “merci”, “chat” ou “coucou”. L’orthophoniste est pleinement rassurée. Sur- tout, l’ORLnous aaffirmédès ledébut qu’il par- lerait. La surdité sévèren’est pas encore le stade ultime de cette infirmité, celui qui est associé à la mutité: notre fils ne sera pas différent des autres enfants, il sera simplement appareillé. Pour s’adapter à la vie d’un bébé, le dis- positif doit être extrêmement solide. Lorsque les gens le remarquent, c’est presque toujours avec émerveillement: «Oh, le pauvre », bien sûr, mais aussi «Quelle chance » ou «C’est génial ». Il m’arrive d’expliquer à certains en- fants que ses appareils permettent à Raphaël d’entendre normalement, ce qui désamorce les éventuelles moqueries. Quand nous avons ap- pris qu’il était atteint de surdité sévère, j’ai dû cesser de travailler. Les absences nécessaires ne sont pas compatibles avec une activité pro- fessionnelle: ORL une fois par mois jusqu’à ses 8mois.Orthophoniste tous lesquinze jours, puis une fois par semaine. Prothésiste de Bergerac, tous les troismois pour le nettoyage. Prothésiste dePérigueux, tous les quatre ou cinqmois. Et un autreORL tous les troismois pour les bouchons qui se forment dans ses oreilles. Raphaël passe ses journées chez une nounou. En cherchant une place en crèche, nous avons senti que nos interlocuteurs étaient démunis. Ils craignaient qu’il supportemal le bruit des autres enfants. Et toutesnepratiquentpas le langagedes signes. Je dois reconnaître que les deux ou trois premiers mois ont été éprouvants pour notre couple. Nous avions du mal à accepter et on se renvoyait la balle : «Çanepeut venir que de ton côté, parce que, du mien, tout le monde entend bien. » Pourtant, on n'était sûr de rien pour nos ancêtres. J’ai pris les devants et nous

Aujourd’hui, dans les maternités, les bé- bés de trois jours sont soumis à un test auditif. Dans notre cas, les résultats étaient négatifs. On nous a d’abord expliqué qu’après le bain, ses oreilles étaient pleines d’eau. Ils ont refait le test à trois reprises, sans amélioration, et une sage-femme nous a parlé avec franchise: «Vous savez, quand ça nemarche pas, c’est qu’il y a quelque chose ». En Dordogne, où nous ha- bitons, nousmanquons de spécialistes. Onnous a donné les coordonnées d’un médecin borde- lais, qui a pratiqué de nouveaux tests à 3 mois. Il a fallu les refaire plusieurs fois, car Raphaël, épuisé par le voyage à Bordeaux, était endormi lors des premiers tests. On l’équipait de cap- teurs et on l’exposait à différents sons, il fallait doncqu’il soit enétat de réagir. Lediagnosticest tombé un mois plus tard: surdité sévère. Notre enfant n’entend qu’à partir de 80 décibels, ce qui correspond au bruit d’une perceuse ou d’un marteaumartelant une plaque de fer. Le ciel nous est tombé sur la tête, même si, depuis les premiers jours, j’avais la certitude d’un problème. Mon conjoint, lui, n’avait jamais perdu espoir et le choc a été d’autant plus rude. Quel parent ne souhaite pas que son bébé soit parfait? On nous a expli- qué qu’il fallait l’appareiller. J’ai eu la chance de trouver une prothésiste à Périgueux et une autre à Bergerac. Et dès ses 4 mois, il a été sui- vi par une orthophoniste. Bien sûr, nous ne cessions de nous interroger sur ses réactions lorsqu’il serait équipé. En fait, en m’entendant pour la première fois, il m’a regardée, comme pour me dire: «C’est toi maman? » Et j’ai fon- du en larmes. L’orthophoniste vérifiait s’il était observateur, s’il gazouillait. Je suis éducatrice et j’avais appris les rudiments de la langue des signes, utiles dansmonmétier. Il en existe deux versions: une pour bébés et une parents-en-

“Notre enfant n'entend qu'à partir de 80 décibels, ce qui correspond au bruit d'une perceuse ou d'un marteau martelant une plaque de fer.”

66 PARENTS Janvier-Février 2019

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