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www.regal.fr RÉGAL N° 88 MARS AVRIL 2019

Chaque samedi, autour du marché fermier d'Union Square, les marchands de street food prennent leurs aises.

LE HOT-DOG, TOUTUNBUSINESS Les vendeurs ambulants de hot dogs jalonnent les rues de New York et font partie du paysage de la ville, au même titre que la statue de la Liberté. Le premier dogwagon serait apparu en 1890. Une saucisse type Francfort cuite à l’eau, un pain brioché chaud, des oignons, de la moutarde et du ketchup… le tout vendu pour environ 2 dollars. À ce tarif-là, il faut en vendre 400 par jour pour acquitter la redevance de 289500 dollars que la mairie réclame pour les quartiers très demandés, comme le croisement de la Cinquième et de la Soixante-deuxième avenue. Tous les cinq ans, la licence est remise en jeu dans un système d’enchères. Hot-dog is business !

au lait cru de Jersiaise voisinent avec des bouteilles de bourbon fermier, et les crevettes de rivière de Virginie avec les fleurs sauvages du Vermont. Sur la plupart des stands, le mot « organic » (bio) est brandi en étendard. Le marché déborde dans les rues alentour dans un festival de food-trucks où des cuisines de tous les continents concur- rencent le traditionnel lobster roll . Il en résulte une orgie de saveurs et de parfums plutôt déconcertante. Mais à rai- son de quatre dollars, par exemple, pour une laitue, les prix pratiqués n’attirent qu’une clientèle aisée. LA VILLE OÙ L'ON NE JEÛNE JAMAIS Le spectacle n’est plus vraiment du goût de Peter. Le «Dinosaur Jr », comme l’indique son T-shirt, a rageuse- ment rayé le mot organic de son étal où sont exposés des légumes trop bosselés pour être malhonnêtes. Son père, le vrai Dinosaur, que l’on imagine avoir été aux premières loges d'un concert de Janis Joplin à Woodstock, a gardé sa chevelure de hippie. Il est l'un des pionniers du mar- ché d’Union Square. C’était à l'époque, pas si lointaine, où ils n’étaient qu’une poignée à venir vendre les produits de leurs fermes aux New Yorkais, dans une indifférence polie. Aujourd’hui, c’est l'émeute ! «Nous avons renoncé au mot organic car, sur ce marché, il est trop galvaudé » , se lamente Peter, dont les yeux noisette trahissent un peu de mélancolie. Plus loin, chez un marchand de bretzels bio, la file s’allonge. Quand, pour nourrir la conversation, on lui dit que cette gourmandise est probablement née quelque part entre l’Alsace et l’Allemagne, il accueille la remarque avec des yeux ronds circonspects, sans doute convaincu que l’Amérique a inventé le Coca et le bretzel. Dans cette ville réglée comme une horloge, où le temps est une valeur indexée sur le dollar (à moins que ce soit l’inverse), il est toujours l'heure de manger. La nuit, les marchands de tripes régalent les chauffeurs de taxi fati- t

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