La Presse Bisontine 57 - Juillet-Août 2005

28 REPORTAGE

Récit Solène Davesne

Prêtre depuis 18 ans, Michel Jeanpierre exerce son ministè- re sur deux paroisses du Nord de l’agglomération bisontine. L’équivalent de 13 000 habitants répartis sur 21 communes dif- férentes. Un périmètre toujours plus grand qui oblige l’Église à s’adapter. Désormais, les laïcs sont de plus en plus intégrés à son fonctionnement, pour décharger un prêtre à l’emploi du temps de ministre.

24 HEURES AVEC… un curé de campagne

M ichel Jeanpierre est prêtre. Curé de cam- pagne. Sous sa char- ge, deux paroisses dif- férentes. Celle du Val des Salines et celle des rives de l’Ognon, à cheval entre Doubs et Haute-Saône, en tout près de 13 000 habitants et 21 villages dissémi- nés sur des kilomètres. La dimi- nution du nombre de prêtres a obli- gé l’Église à changer et à s’adapter à la nouvelle donne. “Avant, le curé était là pour le village. Là, on en a 20 à s’occuper et en plus, on est ponctuellement chargé de s’occu- per de tout un tas d’autres choses” , s’amuse le prêtre. À côté de la por- te du presbytère, àMiserey-Salines, un agenda annonce les différents rendez-vous, les lieux des deux messes du dimanche, une pour chaque paroisse, chaque semaine dans une église différente. “On a choisi de tourner, parce que com- me cela, on ramène un peu de vie dans certains villages isolés.” Installé depuis trois ans dans sa paroisse, il est prêtre depuis 18 ans. Ils étaient quatre à être ordon- nés cette année-là, “maintenant, c’est un tous les ans, et encore, le diocèse est privilégié. Il y a des endroits où ça fait cinq ans qu’ils n’ont eu personne.” Depuis, il a vu l’évolution de l’Église, “de plus en plus importante, de plus en plus rapide dans le partage des res- ponsabilités.” Pour lui, mainte- nant, “il faut réinventer le minis-

tère du prêtre, une nouvelle façon d’être. On ne peut plus tout faire.” Il travaille huit heures par jour, “comme tout le monde” , mais veut aussi préserver son temps libre “et mettre une barrière. Ce n’est pas parce que je suis prêtre que je n’ai pas ma vie à côté.” Dans le presbytère, une femme de la commune vient d’arriver, tarte aux pommes dans un panier. Ce midi, c’est elle qui exceptionnelle- ment prépare le repas. “Car cela fait longtemps qu’on n’a plus de bonne de cure” , s’amuse Michel Jeanpierre. Comme tous les mer- credis, tous les prêtres du doyen- né - cinq au total - se retrouvent dans le petit salon ouvert sur le jardin pour manger ensemble. Tous ont sorti leur bréviaire, entonnent une prière ensemble. Avant de dis- cuter des vacances de l’un dans le Sud, ou de l’organisation de la semaine de l’autre, “quatremariages samedi, il ne me manque plus qu’un enterrement et c’est comme dans le film.” Un moment de détente. “Quand tu as prévu toute ta semai- ne avec des réunions à droite à gauche et que tu as deux enterre- ments à faire en plus, il faut voir où sont les priorités. Ça ne va pas être possible d’être partout” , résu- me l’un d’eux. Ils exercent tous dans la grande banlieue de Besançon, se sentent privilégiés par rapport aux zones plus rurales. “Dans certains coins,

Chez Dominique, qui a des difficultés à se déplacer depuis des problèmes de santé, trois femmes se sont réunies. Le prêtre va célébrer la messe pour elles à domicile, en milieu de semaine.

glise” , se félicite le prêtre. Prépa- rations de mariage, de baptêmes, distribution des journaux parois- siaux, tenue des registres…, ils sont indispensables. Le bras droit du curé est débordé. En septembre, des équipes devraient progressi- vement prendre en charge toute l’organisation des enterrements, de la préparation à la cérémonie. “Mon boulot maintenant, c’est de mettre en relation les personnes, faire que les équipes soient formées, organisées” , reprend Michel Jean- pierre, à la façon d’un manager , avant de lancer dans un grand rire, “avoir l’impression de manier plus souvent Internet que le goupillon.” Ce soir-là, la réunion porte sur les journaux paroissiaux. Les res- ponsables de la distribution sont là, comparent les chiffres. À peine 20 % des habitants payent une coti- sation. Pas très brillant. “Et ce sont les plus vieux qui donnent. Même ceux qui baptisent leur enfant ne répondent pas.” On échafaude des nouvelles stratégies pour convaincre les ouailles, on élève la voix sur les améliorations à apporter à l’orga- nisation. “Les gens, surtout les jeunes, se disent chrétiens, mais c’est du ponctuel. Ils ne sont pas forcément là dans la durée, ajoute Michel Jeanpierre. Les familles sont demandeuses pour le baptê- me, puis le catéchisme. Mais on les voit rarement entre les deux.” O

l’isolement des prêtres se sent davan- tage. La géographie, ça joue. À Mouthe, le prêtre a une paroisse qui s’étend sur près de 50 kilomètres de long” , souffle un autre. Quand des cérémonies se superposent, les pères se remplacent mutuellement. Précipitamment, le plus jeune des prêtres quitte la table. Un enter- rement à 14 heures.

Michel Jeanpierre, lui, enchaîne sur une réunion de mariage. “Cet- te année, j’ai eu 39 mariages, au rythme de trois réunions de pré- paration à chaque fois, ça fait déjà presque 120 réunions” , s’amuse-t- il à calculer. Devant lui, Esther et Joël, des amis de longue date, ils se marient dans 10 jours. Ils ont déjà participé à tout un week-end de préparation organisé par une association catholique, “pour réflé- chir sur les grands sujets, le fond” , à des réunions avec des laïcs aus- si. Ne reste plus à régler que les détails de la cérémonie, les chants et les textes choisis par le couple. Car Esther a une idée précise de ce qu’elle veut, “quelque chose d’un peu original, personnel. En tout cas, pas ce qu’on voit à chaque mariage.” Dans sa pochette, elle a aussi appor- té les dernières pièces adminis- tratives, certificat de baptême et de mariage civil. Indispensables pour que le mariage religieux puis- se être inscrit au registre de la paroisse. Il est 20 h 30. Fin de la journée presque et réunion de l’équipe de laïcs qui secondent le prêtre. Majo- ritairement des femmes. Car l’adap- tation majeure de l’Église ces der- nières années, c’est la place de plus en plus grande réservée aux laïcs. “Comme aux premiers temps de l’É-

Réunion avec l’équipe de laïcs en charge de la diffusion du journal paroissial. Les laïcs sont de plus en plus impliqués par l’Église. Bientôt, ils pourront célébrer et accompagner seuls les enterrements.

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