La Presse Bisontine 57 - Juillet-Août 2005

UN VI LLAGE À L’HONNEUR

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A GRICULTURE 20 tonnes de gruyère par an

La fromagerie est une affaire de famille Il y a des histoires qui méritent qu’on en fasse tout un froma- ge. Celle de la famille Rognon en fait partie. Pour diversifier leur activité, ces agriculteurs producteurs de lait ont créé leur propre fromagerie pour transformer cette matière première.

S i c’était à refaire, Rémy, Clotilde, Sébastien et Christel Rognon se lan- ceraient à nouveau dans l’aventure. Pourtant, le pari est osé quand à la fin des années 90 cette famille d’agri- culteurs décide de créer sa

Comme toute nouvelle société qui lance son activité, les débuts sont durs. Tout d’abord il a fal- lu attendre 6 mois avant de commercialiser les premiers gruyères, le temps qu’ils s’af- finent en cave. À ce moment- là, à raison de deux après-midi par semaine, les jumeaux font du porte-à-porte à Tarcenay et dans les villages alentour pour vendre aux particuliers les pro- duits de la ferme. C’est un bon moyen pour se faire connaître. La petite équipe a tenu bon. Quatre ans après, à force de patience et de persévérance dans le travail, les résultats sont là. “On produit par an envi- ron 20 tonnes de gruyère, 5 à 6 tonnes de yaourts, 3 à 4 tonnes de fromage blanc, 3 tonnes de beurre et 2 tonnes de crème” indique Christel Rognon. Les œufs et la charcuterie sont venus étayer le petit magasin. La clientèle vient parfois de loin pour se fournir à la fro- magerie ouverte tous les jours de la semaine. “Il arrive qu’on expédie des produits jusqu’en Bretagne” ajoute Clotilde. La maîtrise de toute la chaîne de production, de l’élevage des vaches laitières à la fabrica- T arcenay devrait occuper une place prépondéran- te dans le développement économique de la com- munauté de communes du Pays d’Ornans. Avec L’Hôpi- tal-du-Grosbois et Ornans, ce village est un des trois sites retenus par la collectivité pour accueillir une zone économique intercommunale. Pour l’ins- tant, le chantier est à l’état embryonnaire. Ni le lieu, ni la surface du futur pôle d’activi- té ne sont encore arrêtés. Ces facteurs sont conditionnés par la révision en cours du plan local d’urbanisme qui sera vali- dé “à la fin de l’année 2005 ou début 2006” indique le maire Daniel Cuinet. En revanche, ce qui n’est pas discutable pour les élus, c’est la position stratégique de Tar- cenay dans une communauté de communes traversée par la vallée de la Loue. Cette carac- téristique géologique est certes un atout touristique, mais c’est aussi une enclave et un frein à l’essor économique. C’est sur le plateau, dans des villages comme celui-ci, que s’ouvrent

vendre le litre. À partir de là, débrouillez-vous pour faire tour- ner votre boutique” dit-il. Pour la première fois en 30 ans, ces exploitants ont la possibi- lité de prendre en main leur destin professionnel. Avec une pointe d’audace, de la bonne

volonté et en utili- sant les compétences de chacun, l’affaire devait s’avérer viable. Les rôles sont dis- tribués. Diplômé de l’E.N.I.L. de Mami- rolle (École nationa- le de l’industrie lai- tière), Christel occupera le poste de

propre fromagerie. D’un autre côté la nécessité de diversi- fier l’activité de la fer- me s’impose à Rémy et Clotilde à une époque où leurs deux enfants, des frères jumeaux, envisagent de rejoindre l’exploi- tation. “L’arrivée de nos fils nous a pous-

“Notre fromagerie est alimentée par le lait de notre troupeau.”

fromager. Quant à Sébastien, titulaire d’un B.T.S. d’analyse de système de gestion agrico- le, il épaulera Rémy dans la conduite de l’exploitation. Clo- tilde se chargera de la comp- tabilité et de la vente au détail des produits. En 2001, après deux ans de démarches administratives et de travaux, la fromagerie “que nous avons construite nous- mêmes” ouvre ses portes au lieu-dit “la Baraque aux vio- lons” juste à côté de la ferme.

sés à trouver d’autres sources de revenus pour pouvoir assu- rer les salaires. Alors nous avons décidé de transformer nous- mêmes le lait et de vendre direc- tement les produits au consom- mateur” raconte le père. L’idée est osée. Mais pour Rémy Rognon, c’est aussi une oppor- tunité à saisir pour accéder à l’indépendance totale en sor- tant d’un système agricole “où on vous fixe à la fois la quanti- té de lait que vous devez pro- duire et le prix auquel vous allez

Regroupés en G.A.E.C., Rémy, Clotilde, Christel et Sébastien Rognon ont ouvert la fromagerie familiale en 2001.

tion des produits laitiers est un gage de crédibilité vis-à-vis du client. En limitant les inter- médiaires, cette entreprise agri- cole arrive également à tenir des prix compétitifs. Mais au fait pourquoi parle-t- on ici de fabrication de gruyè- re alors que nous sommes sur une terre à comté ? “Les règles

prétendre fabriquer du com- té” mentionne Rémy Rognon. La ferme s’étend sur une cen- taine d’hectares et compte une soixantaine de vaches lai- tières. Une taille adaptée pour l’instant aux besoins de la fromagerie. O

de l’A.O.C. sont strictes pour fabriquer du comté. Il y a un critère qu’on ne remplit pas. Par tradition, le comté se fabrique avec du lait de mélan- ge, c’est-à-dire qu’il provient de plusieurs exploitations. Notre fromagerie est alimentée uni- quement par le lait de notre troupeau. On ne peut donc pas

A MÉNAGEMENT Une vingtaine d’hectares

Une zone d’activité économique est en réflexion Le village a été retenu par la communauté de communes du Pays d’Ornans pour accueillir une de ses trois zones économiques. Le projet est en réflexion. Il dépend de la révision en cours du plan local d’urbanisme.

vénient. D’abord la commune est à moins de 15 km de Besan- çon, et elle n’est pas dans un S.C.O.T. Elle ne peut sortir de cette impasse qu’à deux condi- tions : soit par intervention du préfet qui peut donner son accord au projet suite à un avis de la chambre d’Agriculture, soit en élaborant un S.C.O.T.

vingtaine d’hectares.” De part et d’autre, les élus veu- lent justement éviter les situa- tions de concurrence sur un Plateau de Saône dont le poten- tiel économique est en deve- nir. “Nous devons être com- plémentaires. Au-delà du S.C.O.T. qui regroupe 133 com- munes dont celles de la C.A.G.B., je crois que nous devons réfléchir à des aména- gements cohérents dans l’in- térêt de l’aire urbaine. Nous devons nous préserver de la concurrence” relève Raymond Reylé, chargé du S.C.O.T. à la communauté d’agglomération. Jean-François Longeot est lui aussi conciliant. “Il faut être cohérent. Si nous mettons en place notre propre S.C.O.T., je crois que nous devrons uni- formiser les prix des terrains avec la C.A.G.B.” L’enjeu est de taille pour la communauté de communes du Pays d’Ornans et plus parti- culièrement pour Tarcenay dont l’essor économique pour- rait pâtir de l’absence de zone économique proche des axes de communication. O

les perspectives économiques. Tarcenay est proche de la R.N. 57 et se situe aux portes de Besançon. “Quand la voie des Mercureaux sera terminée, ce village se trouvera à quelques minutes de la future gare T.G.V. L’Hôpital-du-Grosbois et Tar- cenay sont deux points d’an- crage sur un axe de commu-

Actuellement, les élus de la communauté de communes du Pays d’Ornans réfléchissent à la seconde hypothè- se. “Dans le cadre du

nication important” indique Jean-Fran- çois Longeot, maire d’Ornans et prési- dent de la commu- nauté de communes.

“Il faut être cohérent.”

Des atouts grâce auxquels la collectivité fera des yeux doux aux investisseurs. Mais des éléments extérieurs pourraient venir retarder, voi- re compromettre ce scénario idéal. Il s’agit de la loi S.R.U. (solidarité renouvellement urbain) qui interdit l’aména- gement d’une zone d’intérêt économique à moins de 15 km d’une agglomération de plus de 50 000 habitants si elle n’entre pas dans le cadre d’un schéma d’organisation du ter- ritoire (S.C.O.T.) Tarcenay a ce double incon-

Pays Loue-Lison qui regroupe les cantons d’Ornans, Aman- cey et Quingey, on se deman- de si nous n’avons pas intérêt à mettre en place un S.C.O.T. L’État semble d’accord sur le principe” annonce Jean-Fran- çois Longeot. À terme, sur le Plateau de Saô- ne, on risque d’assister à une concurrence entre les diffé- rentes zones économiques de Mamirolle, reconnue d’intérêt communautaire par la com- munauté d’agglomération du Grand Besançon, de Saône, et de Tarcenay “qui ferait une

Jean-François Longeot, président de la communauté de communes du Pays d’Ornans.

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