La Presse Bisontine 57 - Juillet-Août 2005

6 L’ÉVÉNEMENT ’

On se chamaille dans les transports scolaires

La Régie Départementale des Transports du Doubs livrerait une concurrence déloyale aux entrepreneurs de transports privés, jus- qu’à les mettre en difficulté. Le coup porté contre l’Établissement Public Industriel et Commercial créé par le Conseil général est sévère. Mais l’enjeu est de taille. Car il s’agit des transports scolaires grâce auxquels la plupart des sociétés privées de transport de voyageurs consolident leur chiffre d’affaires. Le problème est que depuis quelque temps, la Régie semble s’inscrire dans une démarche de monopole. Comme les autres sociétés, elle répond aux appels d’offres lancés par le Département qui attribuent ensuite les circuits. Petit à petit, elle décroche des mar- chés et gagne du terrain, mais dans quelles conditions ? La question est posée par des professionnels du transport. Ils tirent la son- nette d’alarme en se demandant si le Conseil général n’a pas l’intention de confier à ter- me la plupart des circuits scolaires à la Régie comme il est autorisé.

T RANSPORTS SCOLAIRES Une inégalité de traitement ? La régie départementale dans la ligne de mire

La R.D.T.D. serait avantagée sur le marché des transports scolaires. Des entrepreneurs privés parlent même de concurrence déloyale.

1995.” Quoi qu’il en soit, dans les deux cas, cela sous entend que la Régie, qualifiée d’être placée sur le même pied d’égalité que les trans- porteurs privés, aurait donc bien per- çu des subventions. De leur côté, des communes auraient

dent aux obligations de la F.N.T.V. (fédération nationale des transports de voyageurs). La différence se situe notamment au niveau de l’emploi des salariés. Selon nos sources, la R.D.T.D. ne se serait pas autorisée à employer des chauffeurs à temps partiel. Or, il s’avère que cette entreprise a déjà proposé “un C.D.I. intermittent sco- laire temps partiel” soit 1 300 heures par an. À l’inverse, dans les transports pri- vés, des accords ont été signés le 18 avril 2002, sur l’aménagement, l’or- ganisation, la réduction du temps de travail et la rémunération des per- sonnels. Ce sont des accords de moder- nisation sociale qui visent à mettre l’ensemble des transporteurs de voya- geurs sur le même pied d’égalité afin d’éviter le dumping salarial et l’em- ploi précaire des chauffeurs. Des accords reconnus comme “plus contrai- gnants” qui prévoient des contrats de 1 607 heures par an pour un temps plein. “Mais nous sommes autorisés, contrairement à la Régie, à proposer 1 200 heures à temps partiel. Ce qu’on évite de faire car c’est trop précaire pour la personne” indique un trans- porteur. Le traitement social différent des salariés entre la R.D.T.D. et les pri- vés “a un impact direct sur les charges

et forcément ensuite sur les adjudi- cations” constate Olivier Monier, membre de l’équipe animatrice de l’union fédérale route C.F.D.T. De facto , la Régie proposerait des tarifs plus avantageux lors des appels d’offres. C’est ainsi que cet établis-

L’ inquiétude est palpable dans certaines entreprises de trans- ports de voyageurs privées du Doubs. L’activité touristique ne fait plus recette. Aujourd’hui, pour une partie d’entre eux, leur chiffre d’affaires est bâti sur les transports scolaires qu’ils effectuent pour le compte du Conseil général. La col- lectivité consacre 17,8 millions d’eu- ros à ce service délégué “à 29 socié- tés de transport” par appel d’offres. Ainsi, 25 415 élèves sont véhiculés dans le département. Cela représente au total 600 circuits à l’échelle du Doubs. La procédure d’adjudication est claire. “On commence par envoyer des appels à candidatures. Tous les transporteurs qui le souhaitent peu- vent répondre” indique Catherine Goyllot, directrice adjointe de l’édu- cation et des loisirs au Conseil géné- ral du Doubs. Elle ajoute : “Chaque année, on remet un certain nombre de circuits en appel d’offres pour une durée moyenne de quatre ans. D’ailleurs, on s’apprête à en relancer

elles aussi contribué à entretenir cette société de transport. En 1996, des documents transmis par la C.A.D.A. (commission d’accès aux documents administratifs) mention- nent que la R.D.T.D. a per- çu 130 000 F des com-

sement occuperait désor- mais, selon une source proche du dossier, “21% des transports scolaires.” Plus important encore, des transporteurs privés n’hé- sitent pas à affirmer que compte tenu de son statut d’E.P.I.C., elle percevrait

une dizaine.” Chaque entreprise sera donc invitée à se positionner, la régie départe- mentale des transports aumême titre que les autres. C’est à ce stade des opérations que se situe le débat. Car la R.D.T.D. qui a été créée par le Conseil général en 1982, sous forme d’un établissement public à caractè- re industriel et commercial (E.P.I.C.) est taxée d’être avantagée par ses statuts sur un marché concurrentiel. Cela lui permettrait de décrocher de nouveaux circuits au jeu des appels d’offres, au détriment de ses concur- rents. Catherine Goyllot dément for- mellement. “La régie départementa- le est considérée au même titre que les autres transporteurs. Elle est sou- mise aux mêmes règles.” Pourtant, force est de constater qu’il y a bien une nuance. La R.D.T.D. et les entreprises privées ne répondent pas aux mêmes conventions collec- tives. La Régie est affiliée à la V.F.I.L. (voie ferrée d’intérêt local), alors que la majorité des transporteurs répon-

“Aucune subvention à la régie depuis 1992.”

munes. Selon la direction de la Régie, il s’agirait “d’une aide transmise en réponse à un service rendu de quali- té. Elle a été stoppée en 1999.” Pour- tant, un rapport d’activité de la Régie fournit par la C.A.D.A. stipule bien que la R.D.T.D. sollicitait des aides communales. Tous ces éléments viennent étayer l’amertume d’une poignée de trans- porteurs privés du Doubs qui ont du mal à croire en l’autonomie écono- mique et financière d’un établisse- ment dont le président, Michel Bour- geois, est aussi vice-président du Conseil général du Doubs. O T.C.

des “subventions de la part de la col- lectivité.” La Régie serait donc sous perfusion, ce que dément formelle- ment le Conseil général. “ C’est faux, cela voudrait dire qu’en percevant des subventions d’équilibre, la R.D.T.D. pourrait donc proposer des tarifs plus avantageux lors des appels d’offres” et dans ce cas, “il y aurait une situa- tion de concurrence déloyale.” Pourtant, selon nos sources, Claude Jeannerot a déclaré en 2004 “que le département du Doubs n’a versé aucu- ne subvention à la régie depuis 1992” , pour se contredire un peu plus tard, en indiquant que le “Conseil général n’a attribué aucune subvention d’équi- libre à l’établissement public depuis

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