La Presse Pontissalienne 245 - Mars 2020

PONTARLIER

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La Presse Pontissalienne n°245 - Mars 2020

ATHLÉTISME Il passe la main à D.S.A. Léon Sur… certain d’avoir œuvré toute sa vie au service Avec quatre médailles para-olympiques, deux meilleures performances mondiales au jave- lot, 56 titres nationaux, Léon Sur a collectionné les titres avant de s’investir sans compter dans le développement de l’athlétisme et le sport valide et handisport. Un monument.

“S ans mon handicap, je n’aurais certainement pas vu autant de choses, autant de pays différents” , note l’ancien athlète sans oublier de mentionner la rencontre avec sa future épouse Justyna dont il fit la connais- sance en 1985 lors d’un des nombreux stages d’entraînement effectués en Pologne. Une seconde patrie pour l’an- cien horloger toujours en contact avec

les athlètes polonais qu’il côtoie depuis les années soixante-dix. Son fils unique Alexandre est d’ailleurs né à Koszalin en 1987. Léon Sur n’est pas du genre rancunier. Pourtant, ceux qui sont devenus ses amis ne l’ont pas raté la veille d’une rencontre internationale d’athlétisme organisée à Cracovie en 1974. “J’ai eu la mauvaise idée de leur annoncer mon record personnel au javelot avec un jet

à 35 m qui constituait alors une per- formance de très haut niveau dans ma catégorie de handicap.” Ses concurrents n’ont pas manqué de fêter le champion à grandes rasades de vodka. “Je me suis réveillé soul comme un Polonais mais cela ne m’a pas empêché de pul- vériser mon record en envoyant le javelot à 37,56 m” , explique celui qui se rap- pelle encore son mal de crâne et cette victoire assez inattendue vu les cir- constances. Le sport est sa raison de vivre. Gamin, il s’employait déjà à faire du saut à la perche dans les vignes du Bas-Rhin où il passa toute sa jeunesse. Son destin bascule à l’âge de huit ans. Victime d’un accident de circulation, il tombe d’une charrette et sa jambe gauche se retrouve broyée par une roue. C’est l’amputation. Après son certificat d’études décroché en 1965 à Sélestat, cap sur Morteau et son C.E.T. pour suivre une formation d’horloger. “J’ai eu la chance de ren- contrer des profs de sport qui m’ont laissé pratiquer le hand au poste de gardien.” Acharné, il multiplie les entraînements le week-end et découvre la puissance de son bras. Très vite, il s’investit dans le club de hand de Mor- teau. Déjà un beau souvenir. “En 1968, on a reçu la visite de Nelson Paillou (alors président du Comité National Olympique) qui s’était déplacé à Mor- teau lors d’un match franco-suisse. On a juste échangé quelques mots. Je l’ai retrouvé 25 ans après à Micropolis lors une conférence sur l’olympisme. Il m’a reconnu et est venu me serrer la main.” En 1968 toujours, Léon Sur se lie d’ami- tié avec un autre mortuacien, Pierre Bobillier. Ce sportif qui souffre d’un même handicap que lui fait découvrir le monde du handisport. Il l’incite aussi

En quinze ans de carrière internationale, Léon Sur a décroché quatre médailles aux Jeux paralympiques.

à prendre une licence dans un club lyonnais auquel il restera fidèle jusqu’à la fin de sa carrière internationale en 1985. Et quelle carrière ! En quinze ans, il n’aura de cesse d’accumuler les titres dans les trois disciplines qu’il affectionne, d’abord le javelot mais aussi le disque et le poids. On ne compte plus les titres et les records. En 15 ans, il améliore de près de 7 m son record au javelot. En 1976, il termine second aux J.O. paralympiques de Toronto et par le plus grand des hasards décroche aussi une médaille d’or en bowling sur gazon avec son équipier Pierre Chas- sagne. “Comme on devait patienter une semaine avant les épreuves d’athlétisme, notre entraîneur Pierre Cochard nous avait inscrits dans cette discipline.” Bien lui en prit. La doublette française crée la surprise à la barbe des Japonais, Australiens, Sud-Africains et des Anglais pourtant favoris. Léon Sur participe à trois para-olym- piades. Il s’illustre aussi avec cinq titres aux Jeux Mondiaux et Euro- péens. Bien sûr dans le plus pur ama- teurisme. S’il prend quelques jours de congé pour les grosses compétitions, il est toujours le lundi matin au boulot. Un parcours professionnel partagé entre la France et la Suisse qui se terminera dans l’entreprise Petitjean en 2010. Sans regret, même si au fond de lui-même il rêvait d’enseigner le sport. À 35 ans, il décide de mettre un terme à sa carrière internationale. Vient le temps de la reconversion. “J’ai eu la chance de bénéficier d’un cadre. Il me semblait logique et naturel de rendre la monnaie de la pièce” , explique celui qui fonde en 1986 ce qui deviendra en 2002 le club handisport Pontar- lier-Morteau-Maîche. Son engagement va bien au-delà. Il s’investit aussi

chez les valides en prenant la prési- dence de la section mortuacienne du club Doubs Sud Athlétisme. “J’arrête cette année. Il faut savoir laisser la place aux jeunes même si je compte rester au bureau.” Pas du genre à fuir les responsabilités, il s’implique au niveau fédéral, olym- pique, Jeunesse et sport. Il passe aussi ses diplômes d’entraîneur de lancers, de tir à l’arc, d’athlétisme handisport. Son investissement se décline aussi dans l’organisation de nombreuses compétitions handisport en Franche- Comté. Tennis de table, athlétisme, haltérophilie en développé-couché, tout y passe. Pourquoi une telle débauche d’énergie ? “Je voulais montrer que les personnes en situation de handicap savent aussi se surpasser et peuvent rivaliser avec les valides. Ces compétitions attirent du public et cela permet aussi de pro- mouvoir les nombreuses disciplines

Léon Sur a été un

champion de javelot (entre autres sports) multimédaillé.

handisports qu’on les pratique en loisir ou en compétition.” Qu’il soit dans la peau d’un athlète de haut niveau, d’un dirigeant, ou d’un président de club, Léon Sur ne la joue jamais individuelle. “Prési- dent, champion c’est un titre mais sans les autres, on n’est rien. Il faut avant tout être bien entouré avec un secrétaire, un trésorier qui tiennent la route”, apprécie l’heureux sep- tuagénaire en concluant : “Le sport, c’est ma drogue.” n F.C.

On ne compte plus les titres et les records.

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