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CAHIER CONNAISSANCE L ' É P O P É E D E S M A Ç O N S D E L A C R E U S E

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LA CREUSE, TERRE D’ÉMIGRATION

Philippe Roy / Détours en France

Tombe en granit sculpté par les maçons creusois, dans le cimetière du village de Gentioux.

UN PAYS DE BÂTISSEURS Encadrement de fenêtres en pierre de taille, chaînage d’angle, arc en plein cintre… Lorsque les maçons rentrent des chantiers, ils mettent à profit leurs techniques acquises en améliorant leur habitat. On estime ainsi que, sur le plateau de Millevaches, plus de 70% des maisons en pierre ont été bâties ou reconstruites dans la seconde moitié du xix e siècle. Ils pensaient aussi à leur ultime demeure en édifiant des tombes funéraires finement sculptées, quelquefois extravagantes, comme on peut le voir dans le cimetière de Gentioux. Sur la même commune, a été élevée, sur une colline, Notre- Dame-du-Bâtiment pour les maçons. C’est le Cercle des maçons, un mouvement catholique dont le but était d’attirer les maçons vers la religion, qui fut à l’origine de ce monument. Par ailleurs, à Felletin, se trouve un lycée des métiers du bâtiment. Fondée en 1911, née de la volonté des entrepreneurs et héritière de cette longue histoire des bâtisseurs limousins, cette « École pratique d’industrie », comme on l’appelait, est la plus ancienne formation en France entièrement dédiée aux métiers du bâtiment.

Fototeca/Leemage Chantiers à Saint-Denis pour la construction de 12 églises en honneur des 12 apôtres. Miniature tirée de la Vie de Très Noble Comte Gérard de Roussillon , 1448.

DES PAYSANS SE FONT MAÇONS Nombre d’habitants de la province de la Marche, devenue le département de la Creuse en 1790, prennent l’habitude, dès la fin du xv e siècle, de quitter leur région pour aller travailler temporairement sur les chantiers des grandes villes afin nourrir leur famille. Déjà habitués à manier les épais blocs de granit qui affleuraient dans les champs, ces paysans deviennent au fil du temps des «maçons» d’exception et forment une main-d’œuvre très recherchée. On trouve des traces des maçons de la Creuse dès le xv e siècle, à la basilique Saint-Denis notamment, puis au long du xvii e siècle lors de la construction de la digue de La Rochelle, au château de Vaux-le- Vicomte ou même à Versailles. L’un des leurs, Michel Villedo, maître général des œuvres de maçonnerie du roi, exécute les travaux de maçonnerie auprès de Le Vau à Vaux-le-Vicomte, et son beau-frère, Antoine Bergeron, contribue à la construction de Versailles. Ainsi le directeur des travaux du palais du Roi-Soleil écrit à Colbert dans l’hiver 1670 : «Tous nos ouvrages seront mieux établis après les fêtes parce que les Limousins seront de retour . »

numēro 190 / avril 2016 / www.detoursenfrance.fr

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