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CAHIER CONNAISSANCE L ' É P O P É E D E S M A Ç O N S D E L A C R E U S E

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Beaucoup de maçons de la Creuse trouvaient à se loger à Paris rue de la Mortellerie (devenue la rue de l’Hôtel-de- Ville), près des quais. Gravure de 1867.

LA VIE EN VILLE Même s’ils sont faibles, les salaires des maçons sont

légèrement supérieurs à ceux des autres travailleurs. En 1830, un compagnon gagne en moyenne 3,50 francs par jour pour 12 heures de travail – du lundi au samedi. Les conditions de vie et de travail sont rudes. Pour économiser (ils rapportent l’argent dans leur famille), les ouvriers logent dans des «garnis» tenus par des femmes de maçons, où ils s’entassent par dizaines dans des quartiers insalubres. L’alimentation

Coll.LesMaçonsde laCreuse

MARTIN NADAUD Martin Nadaud (1815-1898) est le plus célèbre des maçons creusois. Né au hameau de la Martinèche, à Soubrebost dans une famille de paysans maçons, il part dès l’âge de 14 ans avec son père à Paris. Autodidacte, il fréquente de nombreuses années durant les cours du soir. Attiré par les idées des théoriciens socialistes et notamment d’Étienne Cabet, Louis Blanc et Pierre Leroux, il devient un porte-parole des ouvriers creusois à Paris. Républicain convaincu, il est élu représentant du peuple pour la Creuse en 1849 avant un long exil imposé en Angleterre tout au long du Second Empire. À son retour, successivement préfet de la Creuse, conseiller municipal de Paris, puis député à plusieurs reprises, il sera de toutes les questions sociales de l’époque (instauration d’une retraite ouvrière, proposition de lois sur les accidents du travail visant à indemniser l’employé s’il n’est pas responsable…) et l’un des promoteurs de la construction du métro parisien. EN SAVOIR PLUS Association Les Maçons de la Creuse, 2, petite rue du Clocher, 23500 Felletin. 0555669081 et 0555668637. Courriel : contact@macons-creuse.com. Village de Masgot. Association Les amis de la pierre de Masgot, 23480 Fransèches. 0555669888. www.masgot.fr. Entrée libre. Maison Martin-Nadaud, La Martinèche, 23250 Soubrebost. 0555642515. www.martinadaud-martineche.com. Plein tarif : 6 €.

Coll.particulière

insuffisante (le pain constitue la principale denrée), les conditions d’hygiène souvent déplorables sont propices au développement des maladies infectieuses telles que la tuberculose ou le choléra. Fatigue, absence de sécurité sur les échafaudages, charges trop lourdes à porter, bagarres… les accidents de travail sont nombreux, si bien que la mortalité des maçons creusois est élevée. L’espérance de vie d’un ouvrier est estimée au xix e siècle à… 22 ans.

Une légende accompagne ce dessin, paru dans Leçons et conseils, Boxe, 1839, Gavarni : «Laisse jamais un homme marcher sur toi : coupe-le dans la marche… Souviens-toi de ta quatrième division : rompez, parez, ripostez! Chaud! Tu y casses une patte, ça l’écœure, bon… le bas abîmé, tu travailles dans le dessus !…

Coll.LesMaçonsde laCreuse

RACISME ET SELF-DÉFENSE Selon l’historien Maurice Agulhon, «le maçon creusois est le premier modèle du travailleur immigré en France» . Méprisés et moqués, notamment pour leur accoutrement ou le fait qu’ils parlent patois, ils sont des exclus dans la ville où ils travaillent. «Comme nous avions très peu d’instruction et d’éducation, à la moindre insulte nous regimbions comme de vigoureux mulets», témoignait Martin Nadaud, le maçon devenu député. Guère étonnant que les maçons aient développé la pratique de la boxe française! Pour améliorer leurs qualités de bagarreurs, nombre d’ouvriers se retrouvent le soir pour cette pratique. «Lorsque nous voulions mettre les pieds dans les bals, on nous recevait partout avec tant de dédain que le besoin que nous avions de nous faire respecter nous rendait batailleurs, écrit Martin Nadaud. Cette disposition ne fut pas étrangère à l’ouverture d’un grand nombre de "salles de chausson" dans notre quartier.»

www.detoursenfrance.fr / avril 2016 / numēro 190

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