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RECHTSPRECHUNG

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Commentaire: Comme le souligne à juste titre le Tribunal fédéral dans son arrêt reproduit ci-dessus, la question de la relation entre l’art. 7 DPA et l’art. 102 CP ne se pose pas en matière de contravention. En effet, la responsabilité pénale de l’entre­ prise selon l’art. 102 CP ne peut jamais être recherchée pour les contraventions, comme en dispose désormais expressé­ ment l’art. 105 al. 1 CP. Bien qu’ayant à connaître d’une contravention, le Tri­ bunal fédéral a cependant saisi l’opportunité du recours qui lui était soumis pour souligner qu’il devra trancher un jour la question de l’articulation entre la norme administrative pénale (l’art. 7 DPA) et la norme pénale (l’art. 102 CP) et pour rappeler brièvement comment la doctrine envisage cet­ te articulation. L’arrêt reproduit ci-dessus est ainsi l’occa­ sion d’examiner la question plus en détail. Le Message à l’appui du projet de nouvelle partie géné­ rale du code pénal (FF 1999 II 1946) est particulièrement laconique s’agissant du rapport entre l’art. 102 CP et le droit pénal administratif. Il se limite en substance à indiquer que malgré l’introduction de la responsabilité pénale de l’entre­ prise, les sanctions administratives pénales à l’endroit des entreprises garderont tout leur sens et que celles-ci ne ren­ dront pas superflue l’ouverture à leur encontre d’une pro­ cédure pénale fondée sur l’art. 102 CP, ce qui constitue une formulation pour le moins ambiguë. I. Le chapitre III du DPA traite des «infractions commises dans une entreprise, par un mandataire, etc.» L’art. 6 DPA énonce dans ce contexte la «règle» , selon le titre de sa note marginale: l’art. 6 al. 1 DPA consacre le principe (d’applica­ tion générale) selon lequel, lorsqu’une infraction est commi­ se, notamment, dans la gestion d’une personne morale, d’une société en nom collectif ou en commandite, d’une entrepri­ se individuelle ou d’une collectivité sans personnalité juridi­ que, les dispositions pénales sont applicables aux personnes physiques qui ont commis l’acte; l’art. 6 al. 2 DPA dispose de la position de garant, en particulier du chef d’entreprise ou de l’employeur qui a omis de prévenir l’infraction com­ mise ou d’en supprimer les effets (c’est d’ailleurs à cette dis­ position que se réfère le Tribunal fédéral dans son arrêt rap­ pelé ci-dessus); l’art. 6 al. 3 DPA prévoit que lorsque ce chef d’entreprise ou cet employeur, notamment, est une person­ ne morale, une société en nom collectif ou en commandite, une entreprise individuelle ou une collectivité sans person­ nalité juridique, la position de garant instaurée à l’art. 6 al. 2 DPA est imputée aux organes et à leurs membres, aux as­ sociés gérants, dirigeants effectifs ou liquidateurs fautifs. L’art. 6 al. 3 DPA est une lex specialis par rapport à l’art. 29 CP et prime à ce titre cette dernière disposition qu’il ne recouvre au demeurant pas complètement. L’art. 6 al. 1 DPA (application des dispositions pénales à l’auteur physique de l’infraction), d’une part, et les art. 6 al. 2 et 6 al. 3 DPA (responsabilité de l’employeur ou du chef d’entreprise qui n’a pas prévenu l’infraction), d’autre

part, sont des normes qui peuvent trouver une application concurrente. L’art. 7 DPA, sous la note marginale «réglementation pour les amendes n’excédant pas 5000 francs» , permet de condamner la personne morale, la société en nom collectif ou en commandite, l’entreprise individuelle ou la collectivité sans personnalité juridique lorsque l’amende entrant en ligne de compte ne dépasse pas 5000 francs et que l’enquête rendrait nécessaire à l’égard des personnes punissables selon l’art. 6 DPA des mesures d’instruction hors de proportion avec la peine encourue. L’art. 7 DPA s’applique ainsi lorsque l’auto­ rité de poursuite n’entend pas, aux conditions posées dans la disposition, rechercher – de façon cumulative ou non – l’auteur individuel de l’infraction (art. 6 al. 1 DPA), l’em­ ployeur ou le chef d’entreprise garant (art. 6 al. 2 DPA) ou encore, en bref, l’organe devant répondre à la place de cet employeur ou de ce chef d’entreprise (art. 6 al. 3 DPA). Ce n’est que dans ce contexte relativement limité que l’entrepri­ se (selon la définition large qu’en donne l’art. 7 DPA) peut être poursuivie en lieu et place des personnes physiques. II. L’art. 102 al. 1 CP institue la responsabilité pénale subsidiaire de l’entreprise pour les crimes et les délits com­ mis en son sein, dans l’exercice d’activités commerciales conformes à son but; dans ce contexte, l’entreprise peut être recherchée pénalement si, en raison d’un défaut de son or­ ganisation, l’infraction commise ne peut pas être imputée à une personne physique déterminée. Ainsi, la question de l’articulation entre les art. 102 al. 1 CP et 7 DPA n’est pertinente qu’en l’absence d’imputa­ tion de l’infraction à une personne physique. En effet, si l’auteur physique de l’infraction s’est vu ap­ pliquer les dispositions pénales conformément à l’art. 6 al. 1 DPA, l’infraction a été imputée à une personne physique déterminée selon l’art. 102 al. 1 CP et l’entreprise n’en­ court aucune responsabilité subsidiaire au titre de cette dis­ position. Si l’auteur physique de l’infraction n’a pas été recherché aux termes de l’art. 6 al. 1 DPA, mais que l’employeur ou le chef d’entreprise ou leurs organes ont dû répondre de cette infraction au titre de leur position de garant selon l’art. 6 al. 2 ou 6 al. 3 DPA, l’infraction a également été imputée à une personne physique déterminée au sens de l’art. 102 al. 1 CP, ce qui exclut la responsabilité pénale de l’entreprise. La question du rapport entre l’art. 102 al. 1 CP et l’art. 7 DPA ne se pose ainsi que dans l’hypothèse où l’infraction n’est pas imputée à une personne physique aux termes de l’art. 6 al. 1 DPA et que de surcroît l’employeur ou le chef d’entreprise ou leurs organes ne sont pas appelés à en ré­ pondre selon l’art. 6 al. 2 ou 6 al. 3 DPA. Dans ce cas en ef­ fet, l’infraction n’aura pas été imputée à une personne phy­ sique déterminée et la responsabilité pénale de l’entreprise selon l’art. 102 al. 1 CP pourra en principe être engagée. Or, dans cette hypothèse, l’art. 7 DPA pourrait également s’appliquer.

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