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JURISPRUDENCE

Comment choisir la disposition à appliquer dans ce contexte? Comme le rappelle le Tribunal fédéral, une par­ tie de la doctrine, à la suite de Heine (Heine, Straftäter Un­ ternehmen: das Spannungsfeld von StGB, Verwaltungsstra­ frecht und Steuerstrafrecht, recht 2005, 1 ss.; Forster, Die strafrechtliche Verantwortlichkeit des Unternehmens nach Art. 102 StGB, th. St-Gall, Berne 2006) propose une appli­ cation alternative automatique des art. 102 al. 1 CP et 7 DPA. Dans cette approche, l’art. 7 DPA n’entrerait en ligne de compte qu’en matière de contraventions (l’art. 102 CP ne s’appliquant pas aux infractions de degré contravention­ nel), l’entreprise devant toujours répondre selon l’art. 102 al. 1 CP s’agissant des crimes et des délits. Cette opinion peine cependant à convaincre. L’art. 7 DPA est en effet clairement une lex specialis par rapport aux normes du code pénal. La possibilité ouverte par l’art. 7 DPA de rechercher l’entreprise dans les cas où la sanc­ tion envisagée in concreto (et non la peine menace) ne dé­ passe pas 5000 francs (ou 100 000 francs dans le contex­ te de l’art. 87 LTVA et de l’art. 125 LD; ou encore 50 000 francs en application du futur art. 49 LFINMA) et que la mise en évidence d’une responsabilité pénale individuelle comporterait des efforts disproportionnés constitue en ef­ fet une particularité de cette loi qui exclut l’application des dispositions générales du code pénal, conformément d’ailleurs aux art. 2 DPA et 333 al. 1 CP. Or il n’a jamais été dans l’intention du législateur de paralyser, par l’adop­ tion de la nouvelle partie générale du code pénal, la légis­ lation accessoire de la Confédération, en particulier le DPA. Ainsi, l’art. 7 DPA pourra toujours être appliqué lorsque, dans le contexte d’infractions de degré délictuel relevant en principe du DPA, les conditions de mise en œuvre de l’art. 102 al. 1 CP seront également remplies (Moreillon, La responsabilité pénale du chef d’entrepri­ se et de l’entreprise, in: Assurance sociale, responsabilité de l’employeur, assurance privée, Kahil-Wolff/Wyler (éd.), Berne 2005, 97 ss.; Macaluso, La responsabilité pé­ nale de l’entreprise, principes et commentaire des art. 100 quater et 100 quinquies CP, éd. Schulthess, Genève Bâle Zu­ rich 2004, N 1121; Schmid, Strafbarkeit des Unterneh­ mens: die prozessuale Seite, recht 2003, 223). En matière délictuelle, c’est donc bien un choix entre l’art. 102 al. 1 CP et l’art. 7 DPA qui s’offre à l’autorité de pour­ suite dans les cas de (relativement) peu de gravité. Malgré la teneur ambiguë du Message sur ce point, il faut retenir que si le choix est fait de poursuivre l’entreprise selon l’art. 102 al. 1 CP, il n’est alors pas envisageable de punir concurrem­ ment l’entreprise en application de l’art. 7 DPA. Comme le souligne le Tribunal fédéral dans l’arrêt re­ produit ci-dessus, l’art. 7 DPA n’autorise pas l’autorité de poursuite à renoncer à tout acte d’enquête permettant de mettre en évidence une ou des responsabilités individuelles. Là où des investigations simples permettront d’identifier un auteur individuel (ou, comme le suggère le Tribunal fédéral

dans l’arrêt reproduit ci-dessus, d’aller rechercher la respon­ sabilité de garant du chef d’entreprise), l’autorité de pour­ suite devra y procéder avant que d’envisager de punir l’en­ treprise. Naturellement, l’obligation de rechercher par priorité un auteur individuel à l’infraction est beaucoup plus forte dans le contexte de l’application de l’art. 102 al. 1 CP. Le carac­ tère pénal, au sens formel, de la disposition et l’importance de la sanction possible (5000000 francs) font que l’autori­ té de poursuite ne saurait renoncer à tenter d’imputer l’in­ fraction à une personne physique déterminée au motif que, comme c’est le cas dans le contexte de l’art. 7 DPA, cela né­ cessiterait la mise en œuvre de moyens «hors de proportion avec la peine encourue» . L’art. 102 al. 1 CP ne connaît pas une telle condition. En ce sens, les efforts d’identification d’un auteur individuel requis de l’autorité de poursuite sont, ex lege , moins importants dans le contexte de l’art. 7 DPA que dans celui de l’art. 102 al. 1 CP. D’ailleurs la pratique utilisait assez extensivement la pos­ sibilité offerte par l’art. 7 DPA – les remarques formulées par l’administration à l’appui de son recours sur le nombre de cas liquidés de la sorte le démontrent. L’arrêt reproduit ci-dessus marque pourtant une évolu­ tion, sinon à proprement parler de la jurisprudence, du moins de l’approche des infractions relevant du droit pénal administratif: il paraît légitime aujourd’hui d’interpréter res­ trictivement, ou en tous les cas de manière différenciée se­ lon la peine concrètement encourue, la notion de «mesures d’instruction hors de proportion avec la peine encourue» . En effet, les normes renvoyant à l’art. 7 DPA sont toujours plus nombreuses et, surtout, elles augmentent pour certai­ nes considérablement le plafond de 5000 francs prévu par le législateur de 1974 (100000 francs pour l’art. 87 LTVA, par exemple). Or, on ne saurait à l’évidence considérer com­ me un cas bagatelle celui que vient sanctionner une amen­ de de cette importance, dont le caractère pénal (selon les cri­ tères de la jurisprudence de la CEDH) est indiscutable. On doit donc retenir que, tendanciellement, les condi­ tions d’application de l’art. 7 DPA se rapprochent de celles, plus restrictives, de l’art. 102 al. 1 CP. Les difficultés de mise en œuvre de la responsabilité pé­ nale (ou administrative pénale) de l’entreprise qui en résul­ te pose un certain nombre de problèmes. L’un des arguments soulevé par l’administration à l’appui de son recours le dé­ montre. L’administration a en effet mis en avant le fait que la personne physique qui pourrait être recherchée selon l’art. 6 DPA n’est parfois pas l’unique, ni même le principal res­ ponsable de l’infraction commise. En affirmant cela, l’OFT indique qu’elle n’envisage pas (ou plus?) seulement l’art. 7 DPA comme une norme d’opportunité, facilitant la pour­ suite et le prononcé d’une sanction. En ce sens également, la pratique marque peut-être une évolution. Cette percep­ tion de l’administration traduit la prise de conscience d’une réalité, la dilution des mécanismes de décision et d’action

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