sic! 06/2017

Sevan Antreasyan 

aa) Produits Une interprétation extensive de la no- tion de produit a été proposée de ma- nière à y inclure les biens virtuels 34 . Partant, il faut déterminer la façon d’intégrer ce nouveau type de produits dans le système de la Classification de Nice. À notre sens, la meilleure méthode de classification serait d’inscrire tous les biens virtuels en classe 9 dans la mesure où ils sont de nature semblable aux logi- ciels (terme qui figure dans l’intitulé de la classe 9) 35 . Du point de vue pratique, le type de biens virtuels devrait être précisé- ment décrit, à l’instar de ce que semblent avoir institué (intentionnellement ou non) les États-Unis. En effet, l’USPTO a admis le produit suivant dans sa liste des produits approuvés : « [d]own­ loadable virtual goods, namely, computer programs featuring [specify nature, type, e.g. articles of clothing] for use in online virtual worlds ». La terminologie utilisée pourrait s’avérer problématique si cette formu- lation servait de base pour décrire les biens virtuels. Plus précisément, les termes « téléchargeables » et « pro- grammes d’ordinateur » sont mal choi- sis. Le premier terme ne semble pas nécessaire pour définir les biens virtuels et, plus important, il aurait pour consé- quence d’exclure de cette définition tous ceux qui ne sont pas téléchar- geables 36 . Ce qualificatif ne devrait ainsi pas être utilisé. La référence aux « pro- grammes d’ordinateur » ne devrait pas 34 Supra, II.2. 35 Pour une discussion plus approfondie de la classification des biens virtuels, cf. Antrea- syan (n. 3), 165 ss. Une autre option aurait été de créer une nouvelle classe pour les biens virtuels; cette option a cependant été écartée pour des raisons pratiques. 36 Il est nécessaire de noter que, dans certains cas, les biens virtuels des utilisateurs ne sont jamais stockés de manière permanente sur leur équipement informatique mais sont stockés sur des serveurs distants.

non plus figurer dans cette formulation dans la mesure où les biens virtuels ne sont pas nécessairement des logiciels. La formulation suivante, adaptée de la précédente, devrait ainsi être uti- lisée pour décrire, au sein de la classe 9, les biens virtuels : « les biens virtuels [type spécifier (e.g. des stickers ou des vêtements virtuels)] qui sont destinés être utilisés dans [type de service (e.g. réseau social, monde virtuel, service de messagerie)] ». L’indication claire du type de bien virtuel dans la description du produit visé par l’enregistrement est critique dans la mesure où, si toutes les marques virtuelles étaient enregistrées en classe 9 sous la même dénomination quel que soit le type de biens virtuels visés, cela pourrait avoir pour consé- quence de soustraire les biens virtuels au principe de spécialité. En effet, si un signe virtuel était enregistré à titre de marque sans précision de son type (en classe 9), tous les types de biens virtuels risqueraient d’être considérés comme identiques ou au moins similaires. En effet, l’élément de comparaison déter- minant ne porterait pas sur les types de biens virtuels concernés mais plutôt sur le simple fait qu’il s’agit de biens vir- tuels. De plus, bien que la Classification de Nice ne soit pas déterminante dans l’appréciation de l’identité ou de la simi- larité des produits ou services 37 , celle-ci constitue tout de même un indice pris en compte dans la jurisprudence 38 . Un tribunal admettrait ainsi probablement la similarité des produits si les produits en question se trouvent non seulement dans la même classe mais également sous la même dénomination 39 . 37 Cherpillod (n. 21), 12 ; Marbach (n. 23), 132 et 246 ss. 38 Cf. notamment Städeli /Brauchbar Birk­ häuser (n. 23), MSchG 3 N 125 s. et les réfé- rences citées. 39 À titre d’exemple, la CREPI, dans une décision du 30 juin 2005 (CREPI, sic! 2005, 753), a jugé que les services d’organisation de loterie sont similaires aux services de divertisse-

En conséquence – si le principe de spécialité n’était pas respecté dans un contexte virtuel – les marques désignant des biens virtuels obtiendraient, dès leur enregistrement, une protection analogue aux marques de haute renom- mée au sein des services concernés. À titre d’exemple, on pourrait imaginer que l’utilisateur d’un monde virtuel, qui fait du commerce de vêtements virtuels sous le signe X – et qui obtient la protec- tion de ce signe à titre de marque dans la classe 9 pour des « biens virtuels » – pourra empêcher un autre utilisateur de faire usage de ce signe en relation avec tous les types de biens virtuels, par exemple avec des stickers. Ceci confére- rait de facto un statut de quasi marque de haute renommée – limitée aux mondes virtuels – au signe X. Les biens virtuels doivent ainsi être inscrits en classe 9 et être décrits de manière spécifique (tel que proposé ci-dessus) au risque de ne pas être consi- dérés comme étant suffisamment pré- cis. bb) Services Comme il a été discuté plus haut 40 , il n’est pas acquis que les biens virtuels soient considérés comme des produits au sens de la LPM. Ceci entraîne une insécurité quant à la possibilité d’enre- gistrer, en tant que marque de com- merce, un signe utilisé pour distinguer des biens virtuels. ment : « [e]n ce qui concerne les services de la classe 41 des deux marques en présence, jugés par l’instance précédente dans sa déci- sion attaquée comme étant similaires, la majorité de la Commission de recours est d’avis qu’il convient en effet de considérer que, malgré leur spécificité, relevée par la recourante dans son mémoire du 28 no- vembre 2003, les services revendiqués par la marque attaquée, à savoir ‹organisation de loterie› sont bien compris dans les services de divertissement (‹Unterhaltung›) de la marque opposante. » 40 Supra, II.1; cf. toutefois la définition souhai- table que nous proposons (supra, II.2).

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