sic! 06/2017

Biens virtuels et droit des marques

b) Synthèse En l’état actuel du droit, le point de savoir si un signe désignant des biens virtuels peut faire l’objet d’un enregis- trement à titre de marque pour des pro- duits n’est pas clair. Cela étant, nous proposons d’admettre à l’enregistre- ment les marques désignant des biens virtuels en classe 9. Dans ce cadre, la pratique qui doit être recommandée à l’IPI concernant cette formalité est d’en- registrer les marques désignant des biens virtuels en classe 9, en spécifiant le type de biens virtuels dont il s’agit, selon le modèle proposé qui est adapté de la pratique américaine 43 . Cette pratique, même si elle n’était pas suivie par d’autres offices natio- naux, permettrait néanmoins aux titu- laires de marques virtuelles, dont le dépôt originaire a été effectué en Suisse, de bénéficier du système de Madrid et ainsi permettre l’extension de la protec- tion territoriale de leur marque. En effet, selon l’art. 5 al. 1 de l’Arrange- ment de Madrid et du Protocole de Madrid (qui renvoie à la clause « telle quelle » de l’art. 6 quinquies CUP), les offices nationaux doivent admettre la protec- tion « telle quelle » d’une marque vala- blement déposée ou enregistrée dans l’État de base. Ils ne peuvent refuser une extension territoriale que dans trois si- tuations 44 dont un éventuel conflit rela- 43 Supra, III.1.b.aa. 44 Art. 6 quinquies let. b CUP: lorsque les marques: « (1) […] sont de nature à porter atteinte à des droits acquis par des tiers dans le pays où la protection est réclamée; (2) sont dépour- vues de tout caractère distinctif, ou bien com- posées exclusivement de signes ou d’indica- tion pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine des produits ou l’époque de production, ou deve- nus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée; (3) sont contraires à la morale ou à l’ordre public et notamment de nature à tromper le pu- blic. Il est entendu qu’une marque ne pourra être considérée comme contraire à l’ordre public pour la seule raison qu’elle n’est pas

Un utilisateur de monde virtuel qui fait le commerce de tels biens pourrait alors tenter d’obtenir une protection à titre de marque de service afin de pro- téger (indirectement) sa marque utili- sée en relation avec des biens virtuels. Dès lors, il faut vérifier si le commerce de biens virtuels pourrait constituer un service au sens de la LPM. Une grande partie des biens vir- tuels sont utilisés, au moins partielle- ment, dans un but de divertissement ou comme complément d’un service de télécommunication. On pourrait alors imaginer que les signes utilisés en rela- tion avec l’offre de certains biens vir- tuels soient enregistrés en classe 41 (services de divertissement) ou en classe 42 (dans laquelle sont classés notamment les services de conception de logiciels ou de sites internet) 41 . À cet égard, il est intéressant de relever que, le 8 octobre 2009 l’USPTO a admis la description suivante dans sa liste des services approuvés en classe 41 : « [e]ntertainment services, namely, providing on-line, non-downloadable vir­ tual [indicate goods] for use in virtual environments created for entertainment purposes ». Il reste à mentionner que la des- cription de ce type de service doit être suffisamment précise. À ce titre, les développements dans le cadre de la pra- tique souhaitable pour l’enregistrement des marques désignant des biens vir- tuels en classe 9 sont également valables ici 42 .

tif à la classification des produits ou services ne fait pas partie 45 . En re- vanche, il est nécessaire que le titulaire désigne précisément les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée – et en indique ainsi claire- ment la nature – au risque de se voir refuser (ou invalider) la protection du droit des marques dans certaines juri- dictions en raison d’un potentiel carac- tère trompeur 46 . Par ailleurs, concernant l’enregis- trement des marques de services, leur classification ne sera pas probléma- tique, qu’elles soient utilisées en rela- tion avec l’offre de service dans un monde virtuel ou en relation avec le commerce de biens virtuels. 2. Obligation d’usage Les art. 11 et 12 LPM soumettent le maintien du droit à la marque à l’usage de celle-ci. L’usage est défini en premier lieu par la loi. De plus, les contours de cette notion ont été précisés par la juris- prudence et la doctrine. Plusieurs conditions doivent être remplies pour que l’usage soit valable : le signe doit être utilisé en relation avec les produits ou services enregistrés (infra, a), sous une forme similaire à la marque enregistrée (infra, b). Il doit être sérieux (infra, c) et avoir lieu en Suisse (infra, d). conforme à quelque disposition de la législa- tion sur les marques, sauf le cas où cette dis- position elle-même concerne l’ordre public». 45 L’OMPI précise d’ailleurs dans son Guide pour l’enregistrement international des marques en vertu de l’Arrangement de Madrid et du Pro- tocole de Madrid: «[u]n Office ne devrait pas non plus soulever des objections quant au classement des produits et services dans l’en- registrement international. Même si un Office conteste le classement (qui naturellement aura été approuve par le Bureau internatio- nal), une objection fondée sur ces motifs sera sans effet, dès lors que le classement dans le registre international demeure inchangé» (, N 17.06). 46 Supra, III.1.b.

41 A. Kotelnikov, Trade Marks and Visual Repli- cas of Branded Merchandise in Virtual Worlds, Intellectual Property Quarterly, 2008, 125 s. 42 Supra, III.1.b.aa.

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