sic! 06/2017

Sevan Antreasyan 

liste des produits de l’USPTO comprend une référence aux biens virtuels. Ainsi, à teneur de la pratique actuelle, il n’est pas certain qu’un bien virtuel soit ac- cepté, en Suisse, en tant que produit. 2. Définition souhaitable Il ressort de ce qui précède que la défi- nition légale du produit n’est plus en adéquation avec la pratique, au moins depuis que les logiciels et les livres élec- troniques qui ne sont pas fixés sur un support physique peuvent être valable- ment désignés dans un enregistrement de marque. La caractéristique maté- rielle qui ressort de l’analyse littérale de l’art. 1 al. 1 LPM – en français, mais spécialement en allemand – ne devrait pas avoir pour conséquence d’empêcher que la notion de produit soit interprétée largement. Ainsi, la notion de produit, au sens de la LPM, doit englober non seulement les biens matériels, mais éga- lement les biens virtuels. De plus, cette définition du produit élargie aux biens virtuels se justifie également en raison de la fonction de la marque. Selon l’art. 1 al. 1 LPM, la marque a une fonction distinctive ( i.e. elle sert à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises). Elle a également une fonction «d’indication de prove- nance » qui permet aux consommateurs d’identifier la source d’un produit ou d’un service 20 (soit l’entreprise qui l’offre ou, en cas de licence, sous le contrôle de laquelle il est offert) 21 . Par- tant, il est légitime que cette fonction soit remplie également dans un contexte dématérialisé : une entreprise qui offre des biens virtuels devrait pouvoir béné- ficier de l’identification de ces biens virtuels au même titre que si elle offrait des biens matériels.

Il faut ainsi retenir que la notion de produit, au sens de la LPM, doit être étendue et englober tant les biens maté- riels que les biens virtuels.

computer game software and virtual rea­ lity software » (classe 42). Ces dénomi- nations visent en particulier les logiciels des opérateurs de monde virtuels ou de jeux vidéo multi-joueurs en ligne (MMORPGs). En revanche, la liste des produits approuvés 18 pour la classe 9 de la Clas- sification de Nice du United States Patent and Trademark Office (USPTO) com- prend en particulier l’entrée suivante (admise le 9 avril 2009) : « [d]own­ loadable virtual goods, namely, computer programs featuring [specify nature, type, e.g. articles of clothing] for use in online virtual worlds » 19 . En outre, toutes les listes de pro- duits susmentionnées prévoient que les logiciels et les livres électroniques peuvent être enregistrés en tant que marque désignant un produit (en classe 9 de la Classification de Nice), même s’ils ne sont pas fixés sur un support phy- sique mais téléchargeables sur Internet. Il est donc nécessaire de mettre en pers- pective la notion « classique » de produit en ce qu’elle a déjà été étendue pour prendre en compte un type de bien immatériel. Une interprétation selon laquelle des biens virtuels peuvent être considé- rés comme des produits, au sens de la LPM, ne peut ainsi pas être exclue d’em- blée. En définitive, la nature des biens virtuels au sens de la LPM n’est pas évi- dente à déterminer. Selon la définition légale d’une part, ils ne devraient pas être considérés comme des produits. D’autre part, d’après les conclusions tirées de l’analyse empirique, seule la 18 Il est important de noter que la liste tenue par l’USPTO ainsi que celles tenues par l’OHMI et le JPO ne sont pas établies de façon abs- traite par les offices respectifs mais résultent des formulations utilisées par les déposants dans leurs demandes d’enregistrement de marque. 19 Cette formulation sera discutée plus en détail dans le chapitre concernant la procédure de dépôt d’un signe virtuel (infra, III.1.b).

III. Enregistrement et protection d’un «signe virtuel »

La question de l’enregistrement d’un signe virtuel se pose tant pour les per- sonnes qui souhaitent protéger un signe utilisé uniquement en lien avec des biens virtuels que pour des titu- laires de marques existantes qui sou- haitent s’assurer que leurs marques sont protégées également en lien avec leur utilisation « sur » des biens virtuels (en étendant l’enregistrement à de nouveaux produits ou en déposant des nouvelles marques) 22 . La LPM dispose que le droit à la marque prend naissance par l’enregis- trement (art. 5 LPM) et que ce droit appartient à celui qui la dépose en pre- mier (art. 6 LPM). Il en résulte que la protection d’un signe virtuel à titre de marque nécessite qu’il soit enregistré au préalable. Pour que cette protection soit effi- cace, il faut également que ce signe soit doté d’une force distinctive (art. 2 let. a LPM) – les questions relatives aux mo- tifs absolus d’exclusion de la protection d’un signe par la LPM se posant de la même façon indépendamment de la nature du bien (réel ou virtuel) 23 – et que la marque soit valablement utilisée. 22 En effet, nous verrons plus loin (infra, IV) que la protection d’une marque traditionnelle n’est pas très étendue lorsque celle-ci est uti- lisée en lien avec des biens virtuels. 23 Pour une présentation détaillée des motifs absolus d’exclusions en droit des marques, cf. en particulier Cherpillod (n. 21), 71 ss ; E. Meier/S. Fraefel, Commentaire romand, Propriété intellectuelle, LPM 2 N 1 ss ; M. Städeli/S. Brauchbar Birkhäuser, Bas- ler Kommentar, MSchG, 3 e éd., Bâle 2017, MSchG 2 N 1 ss ; E. Marbach, SIWR III/1, 2 e éd., Bâle 2009, 55 ss.

20 ATF 123 III 469 ss. 21 I. Cherpillod, Le droit suisse des marques, Lausanne 2007, 60.

330

sic!  6 | 2017

Made with FlippingBook - Online magazine maker