sic! 06/2017

Sevan Antreasyan 

a) Usage en relation avec les

la forme de l’usage et la marque enre- gistrée laissent la même impression d’ensemble sur les milieux concernés 48 . Tel est par exemple le cas d’une marque combinée qui est utilisée sans l’un de ses éléments, sauf si l’élément abandonné est caractéristique 49 . Cette condition ne pose pas de problème particulier eu égard aux marques relatives à des biens virtuels. L’usage sous une forme ne divergeant pas essentiellement de la marque enre- gistrée sera ainsi évalué selon les cri- tères « classiques ». c) Usage sérieux La notion d’usage de l’art. 11 LPM doit être interprétée de façon plus restrictive que dans le cadre de l’art. 13 LPM qui définit le droit exclusif d’utilisation de la marque par son titulaire 50 . Ainsi, on admettra plus difficilement l’usage pour le maintien du droit sur la marque que pour l’usage contrevenant aux droits exclusifs de son titulaire. Le caractère sérieux de l’usage implique que la marque soit utilisée dans le commerce 51 . Ceci doit être véri- fiable par des critères objectifs interpré- tés selon les circonstances du cas d’es- pèce 52 . Seront notamment pris en compte : le volume de ventes, l’étendue géographique et la durée 53 . 48 La pratique du Tribunal fédéral en la matière est restrictive (cf. notamment sic ! 2014, 81 ss, «M-Watch II » ; ATF 130 III 267 ss) . 49 ATF 130 III 267 ss (utilisation du seul élé- ment verbal); pour plus d’informations, voir également Meier (n. 47), 61 ss, et Wang (n. 47), MSchG 11 N 73 ss. 50 L. David, Kommentar Markenschutzgesetz / Muster- und Modellgesetz, MSchG 11 N 5 et MSchG 13 N 10 ; Meier (n. 47), 32. 51 Gilliéron (n. 47), 107; Meier (n. 47), 50 ss. 52 Gilliéron (n. 47), 107 ; Meier (n. 47), 50. Ainsi, ces critères ne seront pas interprétés de la même façon pour un produit de consom- mation usuel ( e.g. des boissons) que pour un produit rare ( e.g. un bijou). Dans ce dernier cas, le volume de vente exigé ne saurait être aussi élevé que pour le premier. 53 Meier (n. 47), 51 s.

Ainsi, une mise à disposition de biens virtuels à titre gratuit ne sera pas suffisante pour que l’usage de la marque virtuelle y relative soit considéré comme sérieux. Le critère du volume de ventes devra également être interprété au cas par cas selon le type de bien virtuel en question. Dans la plupart des cas, la règle devrait être qu’un volume de vente important est exigé pour reconnaître un usage sérieux, dans la mesure où les biens virtuels n’ont en règle générale pas une grande valeur vénale et qu’ils sont donc généralement vendus en rela- tivement grand nombre. Le critère de la durée se posera au même titre que l’usage d’une marque enregistrée pour des produits réels, i.e. un usage régulier et pas uniquement des actes isolés 54 . Enfin, l’étendue géographique n’entre pas en ligne de compte dans la mesure où, en principe, la commercialisation des biens virtuels dépasse les fron- tières 55 . Par ailleurs, Meier, en se référant largement à la doctrine allemande, pré- cise que le caractère sérieux d’un usage publicitaire de la marque s’apprécie selon « la durée et l’étendue de la cam- pagne publicitaire, les possibilités de commander les produits, les mesures préparatoires à la fabrication ou à la commercialisation déjà réalisées » 56 . L’usage sérieux d’une marque – qui n’est pas nécessairement enregistrée en lien avec des biens virtuels – peut ainsi être reconnu lorsqu’il est effectué dans un but publicitaire en se servant de biens virtuels comme « support ». Ce sera le cas si les circonstances de l’utili- sation « permettent à l’acheteur d’établir immédiatement un lien entre la marque et l’origine des produits ou des services concernés » 57 . L’usage d’une marque en 54 Gilliéron (n. 47), 107 s.; Meier (n. 47), 52. 55 La question – différente – du rattachement de l’usage de la marque en Suisse sera analy- sée infra, III.2.d. 56 Meier (n. 47), 54 s. 57 Meier (n. 47), LPM 11 N 10; cf. également Marbach (n. 23), 388 s.

produits ou services enregistrés Le premier aspect de la notion d’usage est un exemple de mise en œuvre du principe de spécialité. La marque doit ainsi être utilisée en relation avec les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée (art. 11 al. 1 LPM). Cette exigence met en évidence l’importance de la classification des produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée. En effet, pour que le droit à la marque soit maintenu, l’utilisation doit porter précisément sur les produits ou services enregistrés, l’usage en relation avec un produit ou service similaire n’étant en principe pas suffisant 47 . L’usage doit également être effectué sous une forme ne divergeant pas essen- tiellement de la marque enregistrée (art. 11 al. 2 LPM). C’est le cas lorsque 47 Buri (n. 59), 175 ; E. Meier, L’obligation d’usage en droit des marques, Zurich 2005, 80. Cf. également P. Gilliéron, L’usage à titre de marque en droit suisse, sic! (édition spé- ciale) 2005, 105. Selon cet auteur, l’invoca- tion du non-usage de la marque en relation avec les produits ou services enregistrés « n’a d’intérêt qu’en dehors du principe de spécia- lité[,] le droit pour le titulaire d’exercer son droit exclusif à l’encontre de produits simi- laires [lui faisant] perdre […] son sens». Pour une présentation des divergences doc- trinales sur cette question – et plus générale- ment sur la question de savoir si l’usage d’une marque en relation avec un produit déter- miné d’une classe vaut usage pour tous les produits de la classe – voir M. Wang, SHK, Markenschutzgesetz, MSchG 11 N 33 ss et les références citées ; contra, et pour une inter- prétation littérale de l’art. 11 LPM, voir éga- lement E. Meier, Commentaire romand, Propriété intellectuelle, LPM11 N 25 ss et les références citées. Ce dernier auteur est d’avis que permettre d’étendre l’usage à des pro- duits similaires reviendrait à agrandir le champ de protection de la marque, en parti- culier lorsque la marque protégée est faible (Meier, LPM 11 N 30). b) Usage sous une forme ne divergeant pas essentiellement de la marque enregistrée

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