sic! 06/2017

Biens virtuels et droit des marques

Ce chapitre examinera les condi- tions, tant formelles que matérielles, devant être remplies afin de protéger un signe utilisé pour distinguer des biens virtuels. Ainsi, seront analysées en pre- mier lieu les conditions formelles d’en- registrement des marques (infra, 1) – dans la mesure où, pour être protégées par la LPM, celles-ci doivent être préa- lablement enregistrées (sous réserve de la protection des marques notoirement connues qui sont protégées sans enre- gistrement 24 ) – et l’obligation d’usage pour le maintien du droit à la marque (infra, 2). Dans le prolongement des ques- tions portant sur l’enregistrement et le maintien du droit à la marque, l’étendue de la protection d’un signe virtuel enre- gistré à titre de marque sera analysée (infra, 3). La procédure de dépôt de marques est régie par les articles 28 à 30 de la LPM et les articles 8 à 19 de l’OPM. L’art. 28 al. 1 LPM traite de la qua- lité pour déposer une marque (soit toute personne, morale ou physique, qui ex- ploite ou non une entreprise) 25 . L’art. 28 al. 2 LPM indique les pièces qui doivent être remises à l’IPI pour que le dépôt soit réputé effectué, notamment la liste des produits ou des services auxquels la marque est destinée (let. c). À ce titre, la question de savoir dans quelle(s) classe(s) les signes utilisés en relation avec des biens virtuels devraient être enregistrés sera examinée avec une 24 Art. 3 al. 2 let. b LPM. 25 FF 1991 I 30 ; voir également J. de Werra, Kunst und geistiges Eigentum, in: P. Mosi- mann/M.-A. Renold/A. F. G. Rascher (éds), Kultur, Kunst, Recht – Schweizerisches und internationales Recht, Bâle 2009, 507; L. Do- rigo, SHK, Markenschutzgesetz, MSchG 28 N 6 ss ; J. Poupinet, Commentaire romand, Propriété intellectuelle, LPM 28 N 3. 1. Procédure de dépôt d’un «signe virtuel » à titre de marque

attention particulière (infra, a). Enfin, une synthèse rappellera les pratiques souhaitables que l’IPI devrait adopter dans le cadre d’une demande d’enregis- trement d’un signe virtuel à titre de marque (infra, b). a) Liste des produits ou services auxquels la marque est destinée Mises à part l’indication du nom du déposant ou de son représentant (let. a) et la reproduction de la marque (let. b), qui ne soulèvent pas de questions par- ticulières dans le cadre de cette étude, l’art. 28 al. 2 LPMprévoit que – en vertu du principe de spécialité 26 – la demande d’enregistrement doit contenir la liste des produits et/ou des services auxquels la marque est destinée (let. c). En outre, l’OPM indique que les produits et les services doivent être répartis dans des groupes qui correspondent aux classes internationales selon la classification internationale de Nice (art. 11 al. 2 OPM), faute de quoi la demande d’enre- gistrement sera déclarée irrecevable par l’IPI (art. 30 al. 1 LPM). À ce titre, il est utile de préciser que divers outils d’aide à la classification sont disponibles 27 et, si la description exacte du produit n’existe pas, le demandeur peut en pro- poser une par analogie (enmentionnant la classe de la description analogue) 28 . La désignation claire de la nature virtuelle des produits ou services pour lesquels la marque est utilisée revêt une certaine importance. À défaut, cela pourrait conduire l’autorité compétente de certaines juridictions à refuser (ou invalider) la protection du droit des marques en raison d’un potentiel carac- tère trompeur de la marque 29 . Ce pour-

rait notamment être le cas si le signe est déposé en tant que marque communau- taire. En ce sens, une décision du Tri­ bunal de commerce de Bruxelles du 12 janvier 2011 30 a invalidé une marque parce qu’elle était de nature à tromper le public. Dans cette affaire, la Cour a considéré que la marque «Duff Beer » 31 était trompeuse dans la mesure où elle n’était pas utilisée en relation avec de la bière, mais seulement avec des verres à bière ou de la bière sans alcool. L’art. 7 al. 1 let. g du Règlement (CE) 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire 32 prévoit en effet que « [s]ont refusé[e]s à l’enregistrement […] les marques qui sont de nature tromper le public, par exemple sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ». En Suisse, les conséquences ne seraient probablement pas les mêmes, étant donné que seul le rapport trom- peur entre la marque et les produits ou services pour lesquels elle est utilisée est pertinent (art. 2 let. c LPM) 33 . En revanche, le titulaire d’une marque suisse qui n’utilise pas sa marque en relation avec les produits ou les services enregistrés pourrait être déchu du droit à sa marque en vertu des art. 11 et 12 LPM. Dans le cadre de ce chapitre, nous discuterons comment les signes virtuels doivent être désignés et décrits et dans quelle(s) classe(s) de produits (in- fra, aa) et/ou de services (infra, bb) il faut les ranger. demande (Directives IPI, 62); cf. également Cherpillod (n. 21), 93. 30 A.R. 2009/6122. 31 «Duff Beer » est la célèbre marque de bière consommée par Homer Simpson dans la série «The Simpsons ». Elle a été enregistrée par Twentieth Century Fox Film Corporation en tant que marque communautaire (n o 001341130). 32 Cette disposition n’a pas été modifiée par le Règlement (UE) 2015/2424 du 16 décembre 2015. 33 Cherpillod (n. 21), 94 s.

26 Marbach (n. 23), 131 et 240 s. 27 .

28 Voir les critères établis dans les Directives en matière de marques de l’IPI du 1 er janvier 2017 (Directives IPI), 63 s. 29 La pratique de l’IPI à cet égard est d’informer le déposant et de lui demander de préciser les produits ou services concernés par sa

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