sic! 06/2017

Biens virtuels et droit des marques

2. Identité / similarité des signes En ce qui concerne la plupart des types de marque – soit notamment les marques verbales, figuratives, holo- gramme ou de mouvement – ce point n’exige pas de développement parti­ culier puisque l’appréciation de l’iden- tité ou de la similarité des signes s’effec- tuera eu égard aux biens virtuels comme dans le cas de produits réels 93 , soit sur la base de l’impression d’ensemble lais- sée sur le consommateur par les élé- ments sonores, visuels ou sémantiques des signes en présence 94 . En revanche, on peut se demander si l’aspect graphique d’un bien virtuel pourrait être jugé identique ou similaire à une marque de forme. En effet, une telle marque – qui consiste en la forme du produit ou de son emballage 95 ou en une forme en trois dimensions 96 utilisée pour distinguer des produits ou des ser- vices 97 – est par essence liée à un produit réel. Dans un tel cas, la forme du bien virtuel ne doit pas être considérée comme identique à une marque de forme, ce qui a pour conséquence d’ex- clure l’application de l’art. 3 al. 1 let. a et b LPM. La similarité devra néanmoins être admise si l’aspect du bien virtuel laisse dans l’esprit des consommateurs concernés une impression d’ensemble 93 Dougherty/Lastowka (n. 71), 786; Ung (n. 77), 701 ; cf. également Kotelnikov (n. 41), 122, qui soulève que dans la mesure où les « virtual-world brand-holders apply quite traditional methods (only unusual for being in digital format), there should not be any problem with this criterion ». 94 Pour une présentation détaillée des critères applicables à l’examen de la similarité des signes, cf. R. Schlosser/C. Maradan, Com- mentaire romand, Propriété intellectuelle, LPM 3 N 26 ss. 95 Cherpillod (n. 21), 63 ; David (n. 50), MSchG 1 N 18 ; Marbach (n. 23), 151 ss. 96 Il est important de noter ici qu’une forme en trois dimensions n’équivaut pas à une repré- sentation graphique en trois dimensions (comme on peut en trouver par exemple dans les mondes virtuels) mais désigne la forme tridimensionnelle d’un bien matériel. 97 David (n. 50), MSchG 1 N 18.

similaire à la marque tridimension- nelle 98 , ouvrant ainsi la voie à l’analyse de l’identité ou de la similarité des pro- duits ou services et du risque de confu- sion.

jurisprudence et la doctrine suisses et étrangères seront analysées. Selon la doctrine et la jurispru- dence, deux produits sont similaires si les cercles des consommateurs intéres- sés peuvent être amenés à penser qu’ils proviennent de la même entreprise ou d’une entreprise liée (appartenant au même groupe ou par un contrat par exemple) 101 . De plus, ce critère s’appré- cie selon les indices suivant : «mêmes lieux de production, mêmes technolo- gies, même savoir-faire spécifique, même but général, domaines d’applica- tion proches, substituabilité, complé- mentarité, cercle de consommateurs semblable [et] canaux de distribution semblables » 102 . La classe des produits dans la Classification de Nice n’est par ailleurs pas déterminante – bien que la jurisprudence s’y réfère en tant qu’in- dice 103 – pour juger de l’identité ou de la similarité de deux produits 104 . Ainsi, le fait qu’un bien virtuel n’entre, de lege lata, dans aucune classe de produits de cette classification, n’empêche pas d’ad- mettre la similarité entre un bien virtuel et un bien matériel. Par ailleurs, l’argument selon le- quel un bien matériel ne pourrait pas être similaire à un bien virtuel en raison du caractère immatériel de ce dernier n’est pas pertinent car la similarité peut, en principe, être reconnue entre des produits et des services, lesquels sont immatériels par essence. Une applica- tion par analogie de la jurisprudence relative à la similarité des produits est par ailleurs délicate car très éloignée de 101 TAF du 4 février 2008, B-7485/2006 ; TAF du 17 novembre 2008, B-8105/2007; Cher- pillod (n. 21), 120 ; David, art. 3 N 35 ; Willi (n. 60), MSchG 3 N 28. 102 Cherpillod (n. 21), 120 ; David (n. 50), MSchG 3 N 36 ss. 103 Cf. notamment Städeli /Brauchbar Birk­ häuser (n. 23), MSchG 3 N 125 s. et les réfé- rences citées. 104 Cherpillod (n. 21), 121 ; Marbach (n. 23), 132 et 246 ss.

3. Identité / similarité des produits ou services

Au risque de répéter une évidence, la nature des biens virtuels et des biens matériels est totalement différente : les premiers étant immatériels et les se- conds matériels. Ainsi, l’identité des produits n’est pas envisageable. Des questions se posent néanmoins quant à la similarité entre produits (infra, a) et la similarité entre produits et services (infra, b). a) Similarité entre produits Comme vu plus haut, au stade de la réflexion portant sur la nature des biens virtuels à l’aune du droit des marques 99 , les biens virtuels ne devraient pas être considérés de lega lata comme des pro- duits au sens de l’art. 1 LPM. Même s’ils l’étaient, suivant ainsi la définition sou- haitable du produit exposée ci-des- sus 100 , la question de la similarité entre produits se poserait de la même façon. Cette question est particulière- ment difficile à aborder du fait que la nature (virtuelle/réelle) de ces biens est totalement différente. Ainsi, la question se pose de savoir dans quelle mesure la nature même des biens comparés in- fluence-t-elle l’examen de la similarité. Afin de répondre à cette question, la  98 Marbach (n. 23), 288 ; Willi (n. 60), MSchG 3 N 105 : «Das menschliche Vorstel­ lungsvermögen erlaubt es ohne weiteres, For­ men mit Bildern in Verbindung zu bringen ». Cette «imagination» (Vorstellungsvermögen) est encore facilitée par l’immersion dans un monde virtuel en trois dimensions, en parti- culier lorsqu’un casque de réalité virtuelle est utilisé.  99 Supra, II. 100 Supra, II.2.

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