sic! 06/2017

Biens virtuels et droit des marques

tude entre les produits (notamment leur type, leur utilité ou leur substitua­ bilité) 122 . Le Tribunal fédéral est clair, bien que peu convaincant 123 , concer- nant le critère de diversification usuelle dans un secteur économique : celui-ci est à écarter. On peut alors se demander le sort qui est réservé aux autres critères « indirects » qui pourraient être utilisés pour apprécier la similarité des pro- duits, en particulier le cercle de consom- mateurs semblable. Une partie de la doctrine est d’avis que ce critère n’est pas décisif et ne suffit pas, à lui seul, à établir une similarité entre des pro- duits 124 . Cependant, tous les critères qui permettent d’établir une similarité, aussi faible soit-elle, doivent à notre sens être pris en compte à ce stade de l’analyse de l’art. 3 LPM. En effet, même si la similarité entre les produits est ju- gée faible – ce qui sera vraisemblable- ment le cas si le seul critère pertinent est le cercle des consommateurs ou la diversification usuelle dans un secteur de l’économie – un risque de confusion peut exister si la similarité des signes est grande ou si ceux-ci sont identiques 125 . b) Similarité entre produits et services Un produit peut être considéré comme similaire à un service et vice versa 126 . Par ailleurs, les indices applicables à l’appréciation de la similarité entre pro- duits le sont également à l’appréciation 122 CJUE du 29 septembre 1998, C39/97. 123 Pour plus d’informations, voir la note relative à l’arrêt du TF, sic ! 2010, 353. 124 Marbach (n. 23), 257 ss; G. Joller, SHK, Markenschutzgesetz, MSchG 3 N 269 ss. 125 Infra, IV.4. Au-delà d’une action fondée sur le droit des marques, il est important de noter que les titulaires de marques pourraient éga- lement se prévaloir d’arguments basés sur le droit de la concurrence déloyale (domaine qui dépasse le cadre de cet article). 126 Cf. notamment CREPI, sic ! 2005, 807, et CREPI, sic ! 2003, 709.

de la similarité entre produits et ser- vices 127 . Comme il a été discuté précédem- ment 128 , la similarité entre des biens virtuels, d’une part, et des produits réels, d’autre part, est peu probable (ou du moins ne sera que faible dans cer- tains cas). Partant, on peut considérer que le service de conception de biens virtuels ne pourrait pas être qualifié de similaire à des produits réels. À titre d’exemple, le service de conception de montres virtuelles ne serait pas consi- déré comme similaire à une montre réelle. Par ailleurs, dans la mesure où la conception de biens virtuels pourrait potentiellement être liée à tous types de produits, leur similarité ne devrait pas être admise. Ceci ressort du raisonne- ment par analogie avec la décision de la CREPI selon laquelle la similarité entre des logiciels (produits enregistrés en classe 9) et des services bancaires n’a pas été admise parce que les logiciels sont utilisés dans tous les types de ser- vice et n’ont donc pas de lien particulier avec les services bancaires 129 . 4. Risque de confusion Le risque de confusion est la condition décisive de l’analyse de l’art. 3 al. 1 let. b et c LPM. Il est établi lorsque, en raison de l’identité ou de la similarité des signes et de l’identité ou de la similarité des produits ou services, il est pro- bable 130 que les consommateurs pensent à tort qu’un produit ou un service pro- vient d’une entreprise déterminée (risque de confusion direct 131 ) ou qu’un

lien existe avec cette entreprise (risque de confusion indirect 132 ). En outre, les conditions de simila- rité entre les produits ou services et de similarité entre les signes sont interdé- pendantes : plus les produits ou les ser- vices sont similaires, plus les signes doivent être différents pour éviter un risque de confusion 133 . A contrario, lorsque la similarité entre les produits ou les services est faible, le risque de confusion est moindre. Il convient éga- lement de rappeler que le risque de confusion constitue une question de droit librement appréciée par le juge 134 . Lors de cet examen, celui-ci devra no- tamment tenir compte des circonstances dans lesquelles se déroule le commerce des biens pertinents et, en particulier, l’attention des consommateurs lorsqu’ils achètent ces biens 135 . De manière générale, il est admis que l’attention des consommateurs est faible lorsqu’ils naviguent sur Inter- net 136 . On peut ainsi considérer, par extension, qu’elle l’est également dans le cadre du commerce de biens virtuels. En effet, prise séparément, la valeur des biens virtuels est souvent faible. Les biens virtuels sont ainsi acquis sans que les consommateurs ne prêtent une grande attention 137 . Cet état de fait est propre à accroître le risque de confu- sion 138 . Il faut cependant garder à l’es- 132 Cherpillod (n. 21), 108 ; David (n. 50), MSchG 3 N 6 ; Marbach (n. 23), 294. 133 ATF 122 III 382 ss ; cf. également Schlos- ser/Maradan (n. 94), LPM 3 N 23 ss. 134 ATF 128 III 96 ss. 135 ATF 121 III 377 ss; 93 II 424 ss; 98 II 138 ss. 136 Alberini /Guillet (n. 105), 310; Schlos- ser/Maradan (n. 94), LPM3 N 36 (pour une liste d’exemples de cas où l’attention a été considérée faible ou élevée par la jurispru- dence, cf. N 38 ss et les références citées); contra (mais en considérant les cas où l’utili- sateur entre manuellement l’URL dans le navigateur et prête ainsi une plus grande attention), TF, sic ! 2005, 123. 137 Il convient toutefois d’analyser cette question au cas par cas en tenant compte du type de bien virtuel en question. 138 ATF 122 III 382 ss.

127 CREPI, sic ! 2003, 709. 128 Supra, IV.3.a. 129 CREPI, sic ! 2004, 101; cf. également Mar- bach (n. 23), 263. 130 ATF 121 III 377 ss. 131 Cherpillod (n. 21), 108 ; David (n. 50), MSchG 3 N 6 ; Marbach (n. 23), 293.

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