sic! 06/2017

Biens virtuels et droit des marques

de celle-ci (risque de dilution) 152 . En effet, la marque a pour but de distinguer les produits et les services d’une entre- prise. À trop être utilisée – sous une forme identique ou similaire 153 – par des tiers, les consommateurs pourraient ne plus discerner l’entreprise d’origine du produit ou du service. À l’heure actuelle, il faut cependant noter que le risque de dilution par l’utilisation d’une marque en lien avec des biens virtuels est théo- rique. L’art. 15 LPM offre ainsi une pro- tection accrue à la catégorie des marques de haute renommée. Dans les cas où l’usage litigieux consiste en l’ex- ploitation d’une marque de haute re- nommée, l’art. 15 LPMpermet d’étendre la protection de l’art. 13 LPM en n’exi- geant pas de risque de confusion 154 , le critère déterminant étant qu’ «un trans- fert d’image dans l’esprit du public » ait lieu 155 . Les biens virtuels doivent à notre avis être considérés comme des produits au sens de la LPM. Ainsi, les signes servant à distinguer ces biens virtuels devraient être admis à l’enregistrement en tant que marque, spécifiquement en classe 9 tel que proposé ci-dessus 156 . La protection des marques tradi- tionnelles contre une utilisation indue en lien avec des biens virtuels est peu étendue en raison du fait qu’une mise en œuvre efficace des articles 13 et 3 LPM est improbable. En effet, il y a tout lieu de penser que les biens virtuels de « contrefaçon» et les produits réels ne sont pas similaires (ou, tout au plus, seraient considérés comme étant peu similaires), ce qui conduirait dans la V. Conclusion

plupart des cas à exclure un risque de confusion, condition centrale à la recon- naissance d’une violation en droit des marques. Le meilleur moyen de protection à disposition des titulaires de marques consiste alors à étendre la protection de leur marque traditionnelle aux biens virtuels pertinents. Pour qu’une telle extension soit efficace, le titulaire de- vra notamment respecter l’obligation d’usage qui doit s’effectuer en lien avec les biens virtuels, l’usage du signe en relation avec un produit réel ne suffi- sant pas à maintenir le droit sur la « par- tie virtuelle » de lamarque. En revanche, un usage publicitaire de la marque en lien avec des biens virtuels pourra être suffisant dans certains cas. La première partie de cette contribution (qualification des biens virtuels au regard du droit des marques) est consacrée l’analyse de la notion de produits, au sens de la LPM, afin de déterminer si les biens virtuels peuvent être considérés comme tels. Il ressort de cette analyse qu’en prin­ cipe la notion de produits doit être com­ prise comme étant limitée aux biens matériels. En revanche, l’analyse empi­ rique – soit l’analyse de diverses listes de produits et services tenues par des re­ gistres nationaux ou régionaux – a dé­ montré que certains biens immatériels sont déj admis la protection dans une classe de produits. En effet, les listes étu­ diées prévoient que les logiciels et les livres électroniques peuvent être enregistrés en tant que marque désignant un produit (en classe 9 de la Classification de Nice) même s’ils ne sont pas fixés sur un support physique. La notion de produit, au sens de la LPM, devrait ainsi être étendue de manière englober tant les biens maté­ riels que les biens virtuels. La deuxième partie (enregistrement et protection d’un « signe virtuel ») porte en premier lieu sur lamanière de protéger Résumé

titre de marque un signe distinctif utilisé en lien avec des biens virtuels ainsi que sur les conditions y relatives. En particu­ lier, il a été proposé que les marques des­ tinées être utilisées en lien avec des biens virtuels désignent la classe 9, en exigeant une description précise des biens virtuels en question selon le modèle suivant : « les biens virtuels (type spécifier [e.g. des stickers ou des vêtements virtuels]) qui sont destinés être utilisés dans (type de service [e.g. réseau social, monde virtuel, service de messagerie]) ». Les conditions de l’obligation d’usage ont également été rappelées, soit l’usage (i) en relation avec les produits ou les services enregistrés, (ii) sous une forme ne divergeant pas essen­ tiellement de la marque enregistrée, (iii) sérieux et (iv) en Suisse. Concernant ces deux dernières conditions, il faut men­ tionner que, d’une part, l’usage sérieux nécessitera en principe un large volume de « ventes » dans la mesure où les biens virtuels sont généralement « vendus » de faibles montants et, d’autre part, l’usage en Suisse devrait être déterminé selon les critères de la Recommandation commune de l’OMPI du 3 octobre 2001 concernant la protection des marques, et autres droits de propriété industrielle relatifs à des signes, sur l’Internet. En deuxième lieu, cette partie traite de l’étendue de la pro­ tection des « signes virtuels ». En particu­ lier, il est important de noter que – dans lamesure où, eu égard au seuil exigé pour reconnaître la haute renommée d’une marque, il paraît ce jour improbable qu’un signe virtuel puisse constituer une marque de haute renommée – l’étendue de la protection est circonscrite par les art. 13 et 3 LPM (qui sont discutés plus en détail dans la troisième partie). La troisième partie (violation d’une «marque traditionnelle ») se concentre sur les conditions de la violation d’une marque et les applique l’hypothèse où un signe utilisé en lien avec des biens vir­ tuels contrevient une marque enregis­ trée qui désigne des produits matériels. Dans un cas où la marque en question ne jouit pas d’une haute renommée, l’ana

152 ATF 130 III 748 ss. 153 Gilliéron (n. 84), LPM 15 N 18. 154 Gilliéron (n. 84), LPM 15 N 19. 155 Gilliéron (n. 84), LPM 15 N 19. 156 Supra, III.1.b.aa.

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