Erreur que de croire qu’on navigue sur la Loire
toujours en père peinard. Aussi, c’est à un ca-
botage sur le Grand Fleuve, à la « remonte de
l’Atlantique », vous préciseront les mariniers,
entre Montsoreau et Amboise, qu’il vous faut
embarquer.
À bord de
La Petite Françoise,
gaillarde
toue cabanée et gréée, nous glissons sur la peau ar-
gentée du fleuve, poussée par un amical vent de ga-
larne (de nord-ouest).
La Petite Françoise
est l’un des
bateaux ambassadeurs de la « renaissance » du pa-
trimoine fluvial ligérien. Le paysage se déploie avec
majesté. Rive gauche, Candes-Saint-Martin et sa
blanche collégiale ; la confluence avec la Vienne ; le
château d’Ussé devant lequel nous naviguons sans
faire de bruit, on ne réveille pas la Belle au bois dor-
mant… Rive droite, les coteaux viticoles de Bour-
gueil, dont les nectars ravissaient les palais de
Louis XI ou de Balzac (relisez
Maître Cornélius
), puis
Langeais faisant quasiment face au château de Vil-
landry et ses enchanteurs jardins…
Mais la Loire n’est pas toujours ce long fleuve
tranquille. En aval de Tours, une sournoise ri-
sée fripe la surface de l’eau qui subitement s’as-
sombrit.
La Petite Françoise
gîte. Vite le capitaine
choque la voile, lâche l’écoute, empoigne le gouver-
nail. La manœuvre face au mini « coup de tabac »
passée, l’équipage est effondré : les fillettes de blancs
de Vouvray et de rouges de Chinon planquées sur le
plat-bord ont été englouties par le flot furibard… lais-
sant nos gosiers en cale sèche ! La Loire vient tout
bonnement de nous rappeler qu’elle n’oublie pas
qu’à son nom reste associé le label : dernier fleuve
sauvage d’Europe inscrit sur la liste du patrimoine
mondial de l’Unesco.
Sauvage certes, mais surtout royal. Au « jardin de la
France », cette nouvelle Arcadie qui enflammait
l’esprit et le cœur de Ronsard et Du Bellay, la Renais-
sance a ensemencé des chefs-d’œuvre d’architec-
ture – Chenonceau, Azay-le-Rideau, Amboise… – et
fait éclore une civilisation française. Aujourd’hui, les
propriétaires de ces joyaux de la Vallée des Rois s’in-
génient à mettre en scène ce patrimoine, à ouvrir
leurs portes secrètes, à inventer des thèmes de vi-
sites insolites.
Mesure, équilibre, harmonie. Simples mais
justes qualificatifs pour décrire le caractère de
cette Touraine. Ici, tout est doux et tendre.
La
pierre, tuffeau dont la blancheur offre relief et sen-
sualité aux monuments et aux maisons tradition-
nelles. Lespaysages, aux lignes et contours exacerbés
par une lumière unique qui a toujours fait tourner la
tête des peintres, de William Turner à Olivier Debré.
Les vins, à l’image du noble chenin blanc des blancs
de Vouvray, nectar moelleux à la robe soyeuse.
Ne cherchez plus le « Pays de Tendre », il est devant
vous, en Touraine.
L A T OUR A I NE S UR
L A C A RT E DU T E NDR E …
De
Chenonceaux
à la vallée
de la Vienne,
le « Jardin
de France »
offre au
travers de ses
promenades
et itinéraires
châteaux,
curiosités et
dégustations
qui feront
ressortir
votre part
de tendresse.
D OM I N I Q U E R O G E R , R É D A C T E U R E N C H E F
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ÉDTIO
Détours en France
/ Supplément spécial Indre-et-Loire