Lettres à Divakar jusqu'à 2005

incrusté de petites pierres contenant assez de comprimés pour qu’elle puisse s’en aller sans douleur si la situation lui devenait par trop insupportable, car elle ne voulait à aucun prix retourner dans un hôpital quelconque. L’équipe d’aides-soignants se mit au travail, et il lui fut administré un peu de morphine, ce qui la soulagea et lui permit de retrouver de l’espace pour réfléchir, regarder, recouvrer son sens du progrès, de la découverte. Je crois que ce fut au cours de cette semaine que Colette finalement, et avec soulagement, prit la décision de changer certaines dispositions : lorsque René était parti, son corps avait été enterré selon ses souhaits dans un cimetière de la région parisienne, et il était entendu que le corps de Colette serait enterré près du sien, le moment venu. Pourtant cette solution ne correspondait ni à la nature ni aux souhaits profonds de Colette ; mais elle était tourmentée car de changer cet ordre des choses lui semblait constituer une sorte de trahison d’un pacte tacite avec René. Puis elle se libéra de ce lien et de cette dette et obéit à l’inclinaison de son coeur : son corps serait incinéré, et ses cendres seraient semées dans le jardin de Sincérité à Auroville. Je fis donc les démarches nécessaires, à sa demande, pour que tout soit prêt. Je laissai Colette plutôt rassérénée, et rassurée quant à ma disponibilité, puisque j’avais fait cet aller-retour imprévu pour la soutenir – elle savait bien comme il m’était difficile et pénible de quitter Auroville et donc il était clair que je considérais ce mouvement comme une priorité ; il était entendu que je reviendrais, comme prévu auparavant, en février pour une dizaine de jours. Ainsi je la retrouvai à nouveau en février ; une sorte de routine s’était établie : tant d’heures d’oxygénation, pendant lesquelles elle pouvait simplement lire, écrire, suivre une émission qui l’intéressait ou un bon film ; puis elle allait et venait dans l’appartement, recevait ses amis... Auragni avait emménagé auprès d’elle et toutes deux étaient devenues très proches et librement affectueuses

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