Journal C'est à Dire 110 - Avril 2006

D O S S I E R

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Les frontaliers ne sont pas toujours en C.D.I. L’image du salarié frontalier qui passe toute sa vie dans la même entreprise a vécu. La mobi- lité est devenue une réalité. Et l’intérim un moyen d’entrer sur le marché suisse, parfois. Intérim

Expérience

Il n’y a pas d’âge pour travailler en Suisse La grande majorité des frontaliers - 80 % d’entre eux - ont démarré leur carrière en France. Certains ont même attendu l’âge de 50 ans pour franchir la frontière à la recherche d’un emploi. L’exemple de Véronique.

D ans cette agence suisse d’intérim implantée à Yverdon, le constat est net : “Nous avons une large pro- portion de nos intérimaires qui sont des frontaliers. Presque 50 %” assure le responsable. La pro- portion de personnes françaises

né les petites missions intéri- maires pendant trois ans. Elle raconte : “Même si le travail n’est pas intéressant, on a intérêt de dire oui quand on nous propo- se un poste. Sinon, on ne vous rappelle pas. J’ai fait plein de petites missions, dans le can-

du biomédical ou dans l’horlo- gerie, je suis quelqu’un de plutôt minutieux.” Elle ajoute : “Le tra- vail frontalier, c’est pas toujours ce qu’on croit. Et quand on est timide et stressée, c’est encore plus dur…” Marie a aujourd’hui 25 ans. Voilà 7 ans qu’elle a com- mencé à travailler de l’autre côté de la frontière. Avec ses hauts et ses bas. La situation de l’intérim a enco- re évolué depuis juin 2004, date d’entrée en vigueur des accords bilatéraux. Les agences d’inté- rim suisses voient affluer des réponses à leurs annonces “depuis toute la France” confirme un res- ponsable d’agence à Yverdon. “Il y en a beaucoup plus qu’on le croit. Récemment encore, quel- qu’un est venu de Bretagne. Il a commencé sa mission la semai- ne qui a suivi la parution de l’an- nonce. Il a tout plaqué chez lui, a trouvé un logement provisoi- re dans le Haut-Doubs et est venu travailler en Suisse.” Malgré les aléas de l’intérim, le rêve suisse motive toujours les salariés à la recherche d’un emploi. J.-F.H.

L es études sont formelles : les travailleurs frontaliers sont de plus en plus jeunes. Mais beaucoup de salariés passent plusieurs années en France

lier finition-emboîtage du célèbre horloger suisse qui emploie désor- mais plus de cent personnes dans le Val de Travers, dont “une bon- ne moitié de Français.” Dernier inconvénient, et non des moindres, les impôts. “Je n’en payais pas quand je travaillais en France. Maintenant, c’est vrai- ment le coup de masse !” Der- nier revers : l’âge de la retrai- te fixé à 64 ans pour les femmes. En Suisse, il n’y a pas d’âge pour démarrer. Selon Véronique, une salariée de 50 ans sera peut-être encore mieux accueillie qu’une jeune de 35 ans. Elle a l’expé- rience… et ne risque pas d’être en congé maternité. Autre pays, autres mœurs. J.-F.H.

la manufacture est basée à Fleu- rier. En distance, ça ne faisait pas plus long que d’aller à Mor- teau. Et très honnêtement, en comparant les salaires, il n’y

avant de tenter leur chance de l’autre côté de la frontière. C’est le cas de Véronique. Elle réside à quelques kilomètres de Pon-

avait pas trop à hési- ter.” Tout juste le S.M.I.C. en France, “plus du double à Fleurier.” Les avantages s’ac-

Le S.M.I.C. en France, “plus du double à Fleurier.”

inscrites, à la recherche d’un emploi, est tout aussi signifi- cative. “La plupart de ces personnes n’ont pas réussi à trouver

ton de Vaud surtout, parfois jusqu’à 70 km de la frontière. Par- fois, c’était très dur. Et en Suisse, vis-à-vis des autres collègues, les

“Le travail frontalier, c’est pas toujours ce qu’on croit.”

tarlier. Pendant une dizaine d’an- nées, elle effectuait les 45 km qui séparaient son domicile de Morteau où elle occupait un emploi dans une entreprise hor- logère locale. L’opportunité de travailler en Suisse s’est pré- sentée il y a un an et demi. “J’ai eu l’occasion de me présenter dans l’entreprise Chopard, dont

compagnent bien sûr d’autres inconvénients. “C’est sûr que je ne suis plus aux 35 heures com- mente Véronique. Ici, c’est plus stressant, plus fatigant, on n’a pas les mêmes horaires. Et quand il faut faire des heures en cas de coup de bourre, on n’a pas le choix, on n’ose pas refuser.” La salariée frontalière est à l’ate-

un contrat à durée indéterminée en Suisse” poursuit le respon- sable. L’eldorado suisse fait par- fois déchanter. Dans cette agen- ce intérimaire, les Français qui choisissent de plein gré l’intérim sont rares. La plupart du temps, c’est faute d’avoir trouvé mieux. Les périodes d’intérim varient également d’un secteur d’activi- té à l’autre dans le canton de Vaud. “Dans la construction, les gens peuvent rester longtemps en intérim. Dans le domaine admi- nistratif et l’industrie, les périodes d’intérim sont beaucoup plus courtes, les demandeurs trouvent plus facilement un emploi stable en ce moment.” Mais la condition sine qua non pour intégrer une agence d’in- térim suisse est d’être déjà en possession d’un permis de tra- vail. Alors tout le monde n’y a pas droit. Une ancienne fron- talière intérimaire explique : “Certaines personnes se sont faites embaucher comme serveur ou serveuse dans un restaurant suis- se, histoire d’obtenir un permis. Ensuite seulement, on a le droit de s’inscrire dans une agence d’in- térim suisse” explique Marie. Cette salariée française a enchaî-

intérimaires n’ont aucune consi- dération, c’est difficile à vivre. Ceci dit, l’agence d’intérim par qui je suis passée à Yverdon m’a toujours trouvé du travail. Au total, j’ai fait huit ou neuf entre- prises avant de trouver un emploi stable.” Marie travaillera ensuite pen- dant trois ans dans une entre- prise de Ballaigues, à quelques kilomètres de la frontière de Val- lorbe. Elle vient de quitter son employeur. Et a repris le par- cours fastidieux du frontalier à la recherche d’un emploi. “Mon objectif est de trouver quelque chose de stable dans le domaine

Parité

Année Nombre de frontaliers Hommes Femmes 1996 3 568 2 477 1 091 1997 3 541 2 460 1 081 1998 3 558 2 463 1 095 1999 3 538 2 476 1 062 2000 4 005 2 827 1 177 2001 4 534 3 180 1 353 2002 4 773 3 310 1 463 2003 4 961 3 370 1 591 2004 5 412 3 618 1 793 2005 5 805 3 869 1 936 Source : office fédéral de la statistique Zoom sur le canton de Neuchâtel Deux hommes pour une femme

Destination

Où travaillent les frontaliers ?

Entre 1998 et 2004, le canton de Vaud a pris un plus grand essor que les cantons suisses voisins, notamment Neuchâtel.

2004

1998

44 % Canton deVaud 30,5 % Canton de Neuchâtel 19,5 % Canton du Jura 6 % Canton de Berne

39,5 % 33,5 % 22 %

5 %

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