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contacte les 2 Inspecteurs, que je connais un peu ; assez gentiment, ils me

reçoivent dans une pièce séparée, et m’offrent du thé ; après une conversation

plutôt fraternelle, ils font chercher L et me l’amènent ; il a avoué, ainsi que Manipal

et un autre gars de leur village ; et devant les Inspecteurs il me raconte toute la

scène : il est comme un enfant, pas vicieux, ni honteux, ni dramatique ; il est

simple et direct, un tout petit enfant qui s’est trompé, gravement trompé, mais ne

ment pas… J’ai bien du mal à ne pas le prendre dans mes bras… Peut-être toute sa

vie est à présent en échec, une impasse, et il n’y a rien que je puisse faire,

vraiment…

Jaïvel, dont c’est le cousin qui a été tué, se tient à l’entrée du poste quand j’en

ressors, et je passe un moment avec lui aussi…

*31-3-1993, Auroville :

L’action de L et de Manipal, ainsi probablement que ma visite hier au poste de

police, ont provoqué bien des remous… Un certain nombre de villageois qui ne me

connaissent pas se sont saisis de la formation selon laquelle je soutiendrais de mon

amitié et de mes « ressources » les pires éléments – ainsi N dans le passé, et

Rajaram et L maintenant – et toutes sortes de mensonges dans ce sens se sont mis

à circuler ; tout cela soucie beaucoup mon Selvam, qui m’a interdit de faire quoique

ce soit pour venir en aide à L, et je dois lui parler longtemps pour le rassurer et le

convaincre que je n’ai pas la moindre intention d’intervenir à ce niveau et que je ne

l’ai jamais fait pour personne… Le problème est que ces remous sont

particulièrement dirigés vers la police locale (que j’ai pourtant rencontrée hier, sans

ambiguïté), et cela se complique de toutes sortes de motivations intéressées parmi

les ouvriers…

Toute cette histoire fait de la peine ; il y aussi ma tristesse égoïste d’être séparé de

L pour longtemps peut-être, comme une fin obscure qui nie et défigure toute la

tendresse et la gentillesse partagée…

Cette sauvagerie qui prend le dessus, sans que rien dans l’être ne vienne

l’équilibrer ou la neutraliser, quand l’effet de l’alcool a dissous les inhibitions de

l’état ordinaire, cette sauvagerie est comme une ignorance foncière, une simple

absence de la conscience. Ce n’est pas la cruauté, ni même la violence au sens que

le développement mental a donné à ces termes ; c’est plutôt une virginité, une

béance, une « informité », l’illustration d’une absence de développement due à une

sorte de très longue stagnation de la réalité individuelle dans cette société et cette

culture…

*1-4-1993, Auroville :

Réunion à propos du soutien économique qu’Auroville pourrait tenter d’instaurer

pour le travail du Matrimandir (la « communauté » n’a en fait jamais participe

activement au financement de Matrimandir) ; nous rassemblons nos suggestions…

… La femme de L est venue me trouver ici à l’heure du repas, désespérée, espérant

que je choisirais d’aider légalement ou financièrement, comme c’est la coutume de

le faire dans ce pays, pour que L soit libéré ; il n’en est pas question, mais je lui

donne le nécessaire pour la nourriture de leurs enfants, car elle semble n’avoir

aucun autre soutien…