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Donc, on a besoin de travailler et de travailler, et cela prend du temps. C’est

comme cela. Alors que tu peux avoir le temps de réalisations – tout d’un coup, en

une seconde -, et tu peux y rester aussi, et tu peux t’en aller avec. Mais changer

ici, se transformer ici, c’est tout à fait autre chose… ! »

. MHB : « Est-ce que quelque chose a changé dans son ensemble à Auroville depuis

30 ans ? Est-ce que vous êtes toujours à vous battre, enfin, à chercher ? Y a-t-il

une notion de temps à tout cela ? »

. D : « Ce n’est pas cela… en même temps tu te dis – tu aimerais, ce serait

vraiment bien -, tu te dis, ‘si on pouvait maintenant être au premier jour

d’Auroville, avec le petit peu qu’on a compris’… ! Comme on éviterait du gaspillage,

avec le petit peu que l’on a maintenant, qui s’est intégré, qui s’est réalisé si tu

veux, et qui est là, sûr, à présent… et que ce soit le premier jour… Voilà, on efface,

puis on commence… il y aurait moins de conneries – ‘conneries’, il faut le dire bien

vite !

Et d’un autre côté, je pourrais te dire quelque chose – comme tout a été tellement,

comme on le disait avant, tellement colporté, frelaté… Il y a une innocence, une

candeur, une flamme qui est un peu corrompue… Je peux dire l’un et l’autre…

L’un et l’autre sot ensemble, peut-être un peu de l’un et de l’autre, et c’est une

expérience en soi… Mais cela, c’est individuel, c’est à chacun de… »

. MHB : « Est-ce que l’individu n’a pas finalement… l’étape où tu en es, est-ce que

ce n’est pas cela ? Est-ce que tu penses qu’il peut y avoir évolution ? »

. D : « Oui, cela est sûr. Mais il y des passages qui sont tellement étroits… ‘Etroit’

n’est pas le mot… des culbutes, des renversements, des… ou bien parfois, c’est la

masse des contradictions…

Il n’y a pas de doute, l’évolution est une chose certaine : c’est la seule chose

certaine, il ‘y en a pas d’autre qui soit aussi sûre… ! Mais je te dis, 30 ans, ce n’est

rien… !

Alors… encore la destruction, et on recommence, la destruction et recommencer… Il

faut trouver une solution plus pratique ! »

. MHB : « Plus pratique, avec toute la contingence historique… »

. D : « Il y a un tout qui doit évoluer en même temps… Tu sais, il y a des signes, il

y a toutes sortes de signes, des choses… qui sont comme juste au bord d’une

simplicité, comme dans la science… De temps en temps, il y a des percées, comme

cela, et tu te dis : ‘ah !’ Comme si tout d’un coup tu as respiré un air, presque

d’une simplicité radicale… qui va tout… on est là à porter le poids de nos soucis, la

contrainte et le gaspillage et l’horreur qu’on crée autour de nous constamment, et

puis il y a des moments… Il y a comme une maturité qui manque encore : une

maturité, pas dans le sens de vieillir, mais dans le sens d’être prêt à éclore, tout

entier dans cette… pas en tension, non plus… comme dans une gestation : tu ne

peux pas le presser… »

. MHB : « Il faut un lieu pour cela. Ce n’est pas possible autrement. »

. D : « Oui. Il faut un lieu protégé. »