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Au cours de son histoire récente, le continent africain a été en
proie à l’instabilité politique et aux conflits. Cette instabilité en-
courage les activités criminelles dont le trafic de la faune et de
la flore sauvages, le braconnage et d’autres crimes contre l’envi-
ronnement (Bouché
et al.
2012 ; Chase et Beyers
et al.
2011 ;
Griffin 2011). Alors qu’aujourd’hui l’Afrique australe fait face à
quelques grands conflits, les troubles civils et les combats spo-
radiques se poursuivent dans le bassin du Congo, notamment
en République démocratique du Congo (RDC), en République
centrafricaine (RCA), ainsi qu’au Soudan, en Somalie, en Éthio-
pie et dans de nombreux pays d’Afrique centrale et occidentale.
Ces conflits ont des répercussions sur les populations d’élé-
phants en raison du profit pouvant être tiré des ventes d’ivoire
à des acheteurs nationaux et étrangers.
Ces dix dernières années, INTERPOL, l’Office des Nations
Unies contre la drogue et le crime et le Programme des Nations
Unies pour l’environnement ont mis en garde contre la montée
de la criminalité environnementale transnationale organisée.
Force est de constater qu’il existe des moyens plus sophistiqués
d’extraire illégalement des ressources ainsi que des méthodes
plus perfectionnées pour blanchir ces ressources et les produits
issus du commerce illégal. En outre, la violence, le meurtre et
la corruption associés aux cartels criminels nuisent à la fois à la
sécurité des personnes et à celle de l’État. La criminalité envi-
ronnementale intéresse particulièrement ces groupes, plus que
d’autres formes d’activités criminelles, en raison de sa marge
bénéficiaire élevée couplée à une faible probabilité d’être arrêté
et condamné. En effet, il n’existe quasiment aucune mesure
transnationale de lutte contre la fraude dans ce secteur (ONU-
DC 2011 ; PNUE-INTERPOL 2012).
La criminalité environnementale transnationale organisée
concerne principalement cinq grands domaines :
1. l’exploitation forestière illégale et la déforestation ;
2. la pêche illégale ;
3. l’exploitation minière illégale et le commerce des minéraux,
y compris les diamants de conflits ;
4. le déversement illégal et le commerce de déchets toxiques
et dangereux ;
5. le braconnage et le commerce illégal de la faune et la flore
sauvages.
Selon les estimations, le braconnage et le commerce illégal de la
faune et la flore sauvages rapportent à eux seuls entre 5 et 20 mil-
liards de dollars US par an et cet argent sert généralement à finan-
cer des conflits (Wyler et Sheik 2008 ; GFI 2011 ; OCDE 2012).
Pendant la guerre civile au Népal (1996–2006), les maoïstes ont
tué plus de la moitié de la population de rhinocéros vivant dans le
parc national de Bardia pour financer le conflit (Martin
et al.
2009).
Pendant la guerre d’indépendance qui s’est déroulée entre 1960 et
1990 dans l’ancienne Rhodésie (aujourd’hui le Zimbabwe), des
éléphants et des rhinocéros ont été tués au Mozambique, en Na-
mibie, en Afrique du Sud et en Angola . Dans les années 1970, et
surtout dans les années 1980, les groupes militaires de l’UNITA
en Angola et de la RENAMO au Mozambique ont également été
accusés d’avoir massacré des éléphants pour leur ivoire.
Aujourd’hui, des éléphants sont abattus dans des zones de
conflit à travers l’Afrique centrale et occidentale. De nombreux
États de l’aire de répartition d’Afrique occidentale signalent des
LE RÔLE DE L’IVOIRE DANS LES CONFLITS
ET LE CRIME ORGANISÉ
Figure 15 :
conflits politiques, troubles civils et aire de réparti-
tion de l’éléphant d’Afrique.