AVANT-PROPOS
tueuses et des 1ssences raffinées. Mais quand elle a voulu s'attaquer
à
toi, leur
science sacrilège est demeurée inipuissante. Rebelle au miracle, tu as dit
à
leu1·
audace impie : «tu n'iras pas plus loin.
»
Et le simple alambic de nos pères
se rit des appareils compliqués des laboratoires, co1n1ne toutes les essences
savantes se révèlent par/unis grossiers
à
c6té de ce pa1fu111 ine.ffable que garde
le verre attiédi qui a contenu quelques gouttes de la précieuse liqueur.
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Cognac, qui déjùu·ra cet arôme, qui dù·a les gestes pieux de
les dév6ts? la coupe 1ninuscule lentement et longue1nent éclzauffée dans la
pa1une de la main gauche, l'aut1·e main couvrant le verre qu'elle frotte douce·
nient conune on frotte l'anibre, pour en dégager· l'odeur; puis, les quelques
gouttes bues, le long silence, le verre près des narines, dans l'extase de ce
parfum
à
la fois doux et fort!
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Cognac, il faut bienquetusoisunepureessence,puisque,mtme
distillée, lafor1ne liquide est encore pour· toi ti·op matérielle et trop grossière,
et que les joies les plus exquises peut-être que Lu révèles
à
les fidèles leur
viennent d'un verre vide, 1nais que ton âme habite encore. 1\ re serais-tu pas le
nectar divin, l'anibroisie,
à
la fois liqueur et parfum, dont les poètes ab1·euvaient
les dieux el parfumaient la chevelure des déesses? Et quelle ainbroisie vaudr·ait
la liqueur,
û
Cognac; ne nous donnes-tu pas l'insouciance sereine, cette joie
pleine quis'épanouit en gaieté légère, dont était fait le plaisir des dieux ? C'esl
du vrai soleil, du gai soleil de France que tu as enzprisonné et que tu nous
nzets dans fànie; esprit toi-111ê111e, tu 11ivifies noire esprit, et ce que tu portes c11
ioi c'est encore l'esprit de France, clair, léger, délicat. Auprès de toi les plus
fa1neuses liqueu1·s appa1·aissent co1111ne des fantaisies de ba1·bares, bonnes au
plus
à
char111er des palais de Scythes,
à
procurer
à
des ce1·veaux enibrzonés
{ivresse pesante . Ce sont les liqueurs poiv1·ées qui conviennent
à
des bu11eurs
de bière ou d'lzydro1nel, pour ternziner dignenient de g1·ossiers festins . 111ais
du sol de France ne peuvent sortir que des c!zoses exquises, et ce n'est pas par
une coïncidence fortuite que le pays où jaillit le Chanzpagne soit aussi celui
qui distille le Cognac.
Gloire donc
à
toi, province bénie qu'arr ose la sinueuse
Charente!
Nous allons dire l'histoi1·e des jou1·s sombres où un fléau terrible accouru
d'au-delà des mers, 1nenaça de te1·nir votre gloire et de détruire votre prospé–
r ité. Mais nous dirons surtout comment, accuniulé pendant de /01.gues années
en des réserves inépuisables, le Cognac a sauvéle «Pays du Cognac», co1n11zent
la patience et l'énergie de tes habitants ont lassé d'abord puis vaincu le fléau
et 1·éparé le don1111age. Ainsi que su1· un terrain dévasté par l'incendie la
végétation reprend plus.flor issante, plus vigoureuses aujourd'lzui que ja111ais