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Dans ce rapport remis au Conseil de sécurité en avril 2001
(S/2001/357), une étude de cas est présentée pour illustrer com-
ment une filiale de société a utilisé des moyens illicites, avec la
complicité des forces armées et du gouvernement, ainsi que son
réseau international pour exploiter les ressources naturelles de
la République démocratique du Congo. Ce faisant, elle a non
seulement favorisé la corruption mais aussi financé la poursuite
de la guerre. Les sociétés se livrant à ses activités utilisent entre
autres des fonds destinés aux investissements et agissent pour
le compte de clients situés aux USA, en Europe et dans les cen-
tres industrialisés d’Asie. On connaît des exemples similaires dans
les domaines minier, forestier et pétrolier en Afrique centrale, en
Asie centrale et dans le bassin de la Caspienne, en Amérique
latine et en Asie du sud-est. Voici un extrait du rapport :
« 47. Étude du cas DARA-Forest. Une société forestière ougando-
thaïlandaise appelée DARA-Forest s’est installée dans la région
d’Ituri à la fin de l’année 1998. Enmars 1998, cette société avait sol-
licité l’octroi d’une concession forestière en République démocra-
tique du Congo, concession qui lui avait été refusée par les auto-
rités de Kinshasa. En 1999, la société a commencé à acheter des
produits forestiers et, pour ce faire, a loué les services de particu-
liers chargés de récolter le bois pour le lui revendre ensuite. Ces
particuliers étaient initialement des bûcherons congolais opérant
en partenariat avec des Ougandais. La société DARA s’est engagée
la même année dans la production industrielle en construisant
une scierie à Mangina. En 2000, elle avait obtenu du RCD-ML sa
propre concession. L’analyse de séries d’images recueillies par sat-
ellite sur une certaine période révèle l’étendue de la déforestation
qu’a subie la Province orientale entre 1998 et 2000. Les forêts les plus
exploitées se situent autour de Djugu, Mambassa, Beni, Komanda,
Luna, Mont Moyo et Aboro. L’abattage des arbres s’y est effectué sans
considération d’aucune règle minimale acceptable d’exploitation as-
surant une gestion durable de la forêt ou ne serait-ce que des pos-
sibilités d’abattage durables.
48. Le bois d’œuvre exploité dans cette région occupée par l’armée
ougandaise et le RCD-ML transitait exclusivement par l’Ouganda
ou était utilisé dans ce pays. Il ressort de l’enquête que le Groupe a
menée à Kampala que l’on peut se procurer facilement dans cette
ville de l’acajou provenant de la République démocratique du Congo
que l’on paie moins cher que l’acajou ougandais. Cette différence de
prix s’explique simplement par le fait que le bois est acquis à moin-
dre coût en République démocratique du Congo. Le bois d’œuvre
que l’Ouganda se procure dans ce pays n’est pratiquement soumis
à aucune taxe. En outre, les droits de douane ne sont généralement
pas acquittés lorsque les camions passent la frontière sous escorte
militaire ou simplement sur instructions du commandement local
sous les ordres du général Kazini. Le bois d’œuvre provenant de la Ré-
publique démocratique du Congo est alors exporté vers l’Ouganda,
le Kenya et sur d’autres continents. Selon les autorités portuaires du
Kenya, d’importantes quantités de bois d’œuvre étaient exportées
vers l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord.
50. L’abattage d’arbres destinés à la production et l’exportation de
bois d’œuvre en République démocratique du Congo n’a cessé de se
faire en toute illégalité. Outre qu’elle exploite du bois d’œuvre sans
autorisation dans un pays souverain et en violation de sa législation,
beaucoup de sociétés qui ont pignon sur rue à Kampala et Nairobi,
entre autres (CSNU, 2008). Il est ainsi clair que les milices et les
filiales impliquées se procurent des ressources naturelles dont la
valeur se compte en centaines de millions de dollars chaque année,
ce qui perpétue le conflit.
Le lieu de provenance des minerais et la milice qui les a produits
sont généralement de notoriété publique dans le secteur minier.
Les fonds de grandes sociétés et de grandes caisses de pension du
monde industrialisé sont parfois affectés au financement de la cor-
ruption et des achats d’armement par le truchement de filiales, des
processus qui tournent souvent autour de « ressources naturelles
de conflit ».
Les sociétés contribuent à la pérennisation de la corruption, les
pots-de-vin étant souvent payés sous forme de nouvelles conces-
sions ou camouflés sous la forme de prêts à faible intérêt, le desti-
nataire gagnant simplement de l’argent par les différences de taux
d’intérêt avec des fonds placés en banque, investis ou prêtés à des
tiers. La plupart des pays qui ont connu un boom du bois d’œuvre
ont fait l’expérience des effets corrosifs du clientélisme lorsque les
concessions sont échangées au sein de l’élite de la nation contre
des privilèges, des avantages politiques ou des facilités commer-
ciales.
Dans les situations de conflit, les sociétés privées peuvent encore
alimenter le conflit en faisant le commerce des armes en échange
de ressources naturelles ou en facilitant l’accès à des fonds pour
l’achat d’armement, souvent par le truchement de filiales (CSNU,
2001; 2008; PNUE, 2007). L’utilisation de filiales dans le domaine
de la sécurité ou des sociétés qui embauchent d’anciens officiers
de renseignement ou d’anciens membres des forces spéciales sont
très nombreuses dans la région. Selon le Conseil de sécurité (2001)
L’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses en RDC (CSNU, 2001)