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Une autre méthode d’exploitation illégale très courante consiste à
construire des routes dans des zones protégées, des zones destinées
à l’exploitation minière ou à d’autres fins. Les forêts sont abattues
par pans entiers le long des routes, dont le tracé passe souvent là où
se trouvent les essences précieuses. De tels faits ont été observés en
2008 à Sumatra (Indonésie), où les critiques formulées par un maire
local, préoccupé par les conséquences de cette exploitation illégale
sur le tourisme et les risques d’inondation, ont entraîné une mise à
prix de sa tête par la mafia locale du bois (PNUE 2011).
ÉLARGISSEMENT DES AXES ROUTIERS, EXPLOITA-
TIONMINIÈRE OU AUTRES FORMES D’ABATTAGE
#10
Les réseaux politico-économiques fournissent souvent des
raisons convaincantes de pratiquer l’exploitation et le com-
merce de bois illégal à petite échelle. Nombre de ces réseaux
regroupent non seulement de puissants acteurs du secteur
privé mais aussi des responsables gouvernementaux, notam-
ment ceux-là même qui sont chargés de faire appliquer les
interdictions d’exploiter, les réglementations relatives aux ré-
coltes et les restrictions en matière de commerce du bois. Les
opérations de ces réseaux ont été décrites dans des travaux ré-
cemment réalisés sur l’exploitation illégale à petite échelle en
Albanie, en Roumanie et au Vietnam. Ces recherches montrent
comment les exploitants artisanaux, les petits négociants, les
transformateurs de bois et les fonctionnaires du gouverne-
ment trouvent des moyens de contourner les lois nationales et
les réglementations forestières. Elles révèlent également que
les villageois vivant près des forêts affectées, les médias et
la société dans son ensemble réagissent souvent en exigeant
l’application du droit national et une répression sévère.
Ces études montrent toutefois qu’une application stricte des
lois peut facilement donner des résultats contre-productifs
dans le cas de l’exploitation à petite échelle. Les acteurs enga-
gés dans l’exploitation illégale pourraient en effet être favorisés
par les interdictions d’exploiter et une application plus stricte
de la loi, puisque ces mesures renforceraient la position des
responsables locaux corrompus en étendant leurs pouvoirs au
lieu de restreindre leurs pratiques. En Roumanie, un maire a
par exemple exercé ses pouvoirs juridiques et extrajuridiques
pour contourner une interdiction d’exploitation dans un parc
national adjacent en faveur de la société de sa femme (Doron-
del 2009). En Albanie, les services forestiers d’un district ont
fermé les yeux sur l’exploitation illégale en échange de pots-de-
vin, alors qu’ils avaient complètement cessé d’émettre des quo-
tas d’exploitation (Stahl 2010). Au Vietnam, enfin, des gardes
forestiers ont abusé de leur pouvoir de contrôle pour faciliter
le commerce de bois illégal et en tirer des profits personnels
(Sikor et To 2011). Aucun de ces acteurs locaux ne mettra fin à
ses pratiques illégales tant que les décideurs nationaux ne trou-
veront pas le moyen d’accroître leur obligation de rendre des
comptes aux citoyens et aux autorités nationales.
Exploitation illégale et réseaux politico-
économiques
Une autre méthode d’exploitation
illégale courante consiste à
construire des routes qui passent
souvent par des zones abritant
des essences précieuses.