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C’est comme d’avoir longé un précipice, dans la tempête et la nuit, et d’arriver

enfin sur le plateau un peu ensoleillé, dans une sécurité physique retrouvée…

… Je reçois toutes sortes de fax et de coups de téléphone de l’équipe au

Matrimandir ; cette équipe de fous qui T’aiment, sur le navire de Ta Grâce, est une

joie… !

*9-3-2001, Mumbai :

C a bien dormi. Elle a pu parler au téléphone, à R, et à F.J et Ch.J ; maintenant,

elle mesure le temps qui nous reste ensemble avec une sorte d’effroi… Mais elle

saura marcher… Et il est entendu que je viendrais la voir en France, dans quelques

mois peut-être…

*10-3-2001, Mumbai :

Comment dire l’innommable ?

Je suis un témoin impuissant : voilà un être, une personne, une manifestation, une

femme, une sœur, une amie, une mère physique, dont le corps a porté mon corps,

une compagne dont la vie et le chemin sont liés aux miens par l’amour humain le

plus inconditionnel qui soit, voilà cet être, cette femme si belle, en travail et en

marche et en progrès, qui parvient à ce seuil redoutable, par la loi aveugle qui nous

gouverne encore : non pas celui de la mort, de la cessation matérielle ou

corporelle, mais celui de l’usure et de la désintégration.

Et à ce seuil attend, telle une entité toute prête, une vieille femme, une vieillarde

qui veut dominer, prendre le dessus, absorber, effacer, dévorer.

C’est comme un monstre, une caricature, qui guette au bout, ou le long de chaque

geste, de la plus anodine des opérations physiques, du moindre déplacement, de

chaque expression.

Et il faut trouver la flamme de l’être vrai, central, et l’attiser, l’aimer, l’honorer ; il

faut poursuivre le chemin, il faut continuer sans tomber sous cette emprise, sans

céder à cette défaite qui se présente comme une atténuation confortable, un refuge

temporaire, un répit apparent…

Et je me rends compte que ce qui m’empêche le plus de porter des forces utiles

dans cette lutte, c’est que je suis moi-même incapable de résister au dégoût et à la

dépression et à la tristesse devant le fait du vieillissement et de la détérioration

dans mon propre corps ; cela m’a encore rattrapé tout à l’heure : je vais encore

perdre une autre dent, et les autres sont si abîmées que leur tour ne saurait

tarder ; et une semaine de mauvaise nourriture, de manque de sommeil et

d’exercice, et tout cela tend à devenir une épave…

En fait je supporte mal, très mal, cette période…

*11-3-2001, Mumbai :

Tout semble effectivement s’organiser pour le départ de C demain soir ; le docteur

français (le fils de JJ.F, en fait) doit arriver ce soir et examiner C demain matin.

Il n’y a rien que j’aie à faire, ou puisse faire ; c’est comme une halte, presque une

léthargie…

Je voudrais donner plus à C, et la pourvoir des ressources dont elle aura besoin

dans les semaines et les mois à venir, mais je ne sais pas le mouvement

nécessaire ; et son état aussi est contagieux : je l’absorbe en étant ainsi

constamment près d’elle et il me faut du temps pour le résoudre et émerger de

l’autre côté… Ce séjour forcé à Mumbai a ses effets, surtout depuis que j’ai de