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Ainsi, ne me montrant nullement sociable, je n’ai pas permis qu’une compréhension
plus réelle se répande de ce qui s’est vraiment passé, de ce que Tu m’as vraiment
dit, écrit ou montré, et des forces qui ont joué.
Il est aussi vrai pourtant que, jusqu’à ce jour, je n’ai pas entièrement compris de
quoi il s’est agi, de quoi il s’agit peut-être encore ; même si, jugé, défendu,
condamné, honni, banni ou embrassé et protégé, j’ai eu bien des occasions uniques
d’accéder à une compréhension des êtres qui n’est sûrement pas à la porté e de
tous.
De quoi s’agissait-il ? De quoi s’agit-il ?
Car il ne s’est jamais agi d’un acte que j’aurais commis, ni même d’une position que
j’aurais prise à un moment ou un autre ; il ne pouvait s’agir que d’un jeu de forces
directement lié à mon existence. Mais même cette hypothèse, largement générique,
me semble encore fumeuse, approximative, et finalement peu utile…
Peu de gens se soucient d’être les maîtres de leur demeure, ni même d’être
clairement conscients de ce qu’ils y hébergent ; peu de gens prennent la peine
d’examiner le contenu et l’origine de leurs opinions, leurs jugements, leurs
préjudices, leurs sentiments mêmes.
Et c’est précisément cette inertie, cette sorte de veulerie si répandue et si
« normale », cette adhésion égoïste et aveugle, qui est l’un des plus grands
obstacles à une évolution positivement harmonieuse et créatrice de constants
renouvellements.
Dans cette dimension du problème, nous sommes tous à la fois victimes et
responsables, car qui d’entre nous a l’exigence et la décence de vérifier la validité
ou la nature de chaque pensée, de chaque sentiment, de chaque principe d’action
ou habitude d’agir, de chaque préférence ou chaque affinité qui nous occupent, et
constituent l’apparente richesse de notre bagage ?
Dans le cas de figure qui est le mien, une autre dimension, redoutable, s’ajoute en
surplus à la déformation ordinaire et semble la légitimer et la nourrir en
profondeur : c’est la dimension soi-disant spirituelle. Car, ici, la condamnation, ou
la définition négative, serait issue de la plus indiscutable des autorités spirituelles !
Qu’importe que Tu m’aies accueilli, appelé, nommé et accepté pour Ton travail, du
moment que Tu es censée m’avoir renvoyé ou écarté de Ta base d’opérations ou
Ton terrain privilégié d’expérience ; il ne peut y avoir que deux conclusions
pratiques à mon égard : ou bien, tôt sur le chemin ; je T’ai trahie et me suis ouvert
consciemment à l’adversité, prenant son parti contre Ton œuvre ; ou bien Tu as vu
en moi, dans ma nature ou dans la part qui m’échoit, une configuration qui ne
pourrait qu’être néfaste à la tentative collective d’Auroville.
Dans un cas comme dans l’autre, ce deviendrait ainsi le devoir de tout membre
sincère de cette communauté d’aspirants de persister fidèlement dans le rejet de
ma présence et de ma participation…
C’est donc sous cette sorte de malédiction plus ou moins subtile que j’ai vécu ces
trente années…
Une malédiction si effective que le meilleur de moi-même en est autant l’agent que
tous ces autres chercheurs plus ou moins clairement intentionnés se doivent de
l’être ou le sont malgré eux.
En effet, combien de fois ne me suis-je pas retiré, soit d’une proximité humaine,
soit d’un champ de travail, pour que cette personne-là ou ce travail-là ne soient pas
affectés, compromis ou exposée à la mauvaise volonté par le simple fait de leur
association avec moi ?
Et combien de fois, réciproquement, le souci de ne pas m’exposer aux attaques n’a-
t-il pas justifié, en ceux qui ont su être mes amis, un mouvement à peine déguisé