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l’ordinateur des comptes du Fonds Central, il fut découvert soudainement que ce
garçon était juste sur le point de réussir une petite escroquerie assez astucieuse et
de se faire verser le montant de chèques importants ; après bien des délibérations,
une équipe s’est formée pour tenter de l’encadrer pendant un an ou deux, en
mettant en place un programme d’activité quotidienne aussi équilibré que possible,
espérant qu’ainsi il pourra se ressaisir et mieux s’orienter – 4 heures de travail
physique le matin dans une ferme, 2 heures d’études, 1 heure de service, 2 heures
de sport et le soir 1 ou 2 heures d’études comme il l’entend.
Pour cette heure de service, ce garçon, A, avait souhaité participer à la réception
des visiteurs au Matrimandir. Mais il nous a semblé que ce contexte particulier ne
nous permettrait pas de traiter avec lui de manière assez responsable. Je devais
donc le rencontrer pour lui expliquer notre décision, mais je souhaitais lui proposer
une écoute et un partage, et peut-être un travail de compréhension pour qu’il
acquiert la capacité de surmonter sa difficulté. C’est un gosse intéressant ; il a
maintenant 21 ans, et il a dû commencer à voler dans l’enfance, et dons, en même
temps, à pratiquer l’art de la dissimulation.
Une de ses réflexions, dans notre conversation, a trait à ce sens qui l’oppresse
d’une sorte de malédiction qui ne le quittera plue : que toujours, quoi qu’il fasse et
où qu’il se trouve ici, quelqu’un ne manquera pas de rappeler au présent le poids de
cette erreur passée, et que jamais il n’en sera libre, que ce ne sera jamais nettoyé…
Et effectivement, dans cette atmosphère souvent paroissiale, la mesquinerie, la
facilité et la paresse rendent souvent les uns ou les autres destructeurs de tout
renouvellement et de toute évolution. Je ne peux guère le nier, ni même souhaiter
escamoter la question ; je n’ai pu qu’essayer de lui faire sentir que, malgré la
petitesse de notre nature humaine, sa situation particulière, dans la mesure où il
continuera de marcher, de grandir, de comprendre et d’évoluer, lui ouvrira une
qualité de relation et d’amitié qui sera nécessairement plus précieuse et plus
valable. Et là, j’ai parlé en « connaissance de cause » !
Ironiquement, Selvam me raconte aujourd’hui que, dans un groupe de travail il a
été question une fois de plus de l’interdiction que Tu es supposée avoir édite en ce
qui me concerne : Hervé aurait affirmé que c’était écrit de Ta main, il y a 30 ans,
« Divakar ne doit pas être à Auroville ! »… Trente ans !
*7-7-2000, Auroville :
Trente ns d’une vie humaine adulte, c’est tout de même considérable : si les choses
ne se sont pas éclaircies, si un début de réalisation et d’équilibre dans l’avance ne
s’est pas manifesté vers l’âge de 50 ans, cela ne présage rien de très lumineux
pour la suite ; si de telles formations ont su persister si longtemps, à travers tant
d’expériences et dans un contexte exceptionnel où se produisent tant de brassages
et de soulèvements, on ne voit guère pourquoi les mêmes mécanismes ne
continueraient pas d’opérer indéfiniment…
Alors cela en soi procure un argument de poids en faveur de ce procédé, qui fait
figure de loi absolue, de la mort du corps, de l’éparpillement des énergies, de la
perte de la mémoire consciente, et de la période de temps physique qui peut
s’écouler entre deux vies, et de la rupture de tous les processus linéaires
d’identité…
En ce qui me concerne, j’ai peut-être poussé trop loin cette exigence de n’entrer en
relation durable qu’avec ceux qui étaient capables d’une ouverture inconditionnelle,
et d’une confiance et d’une amitié libres des influences.