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- 2001 -
*1-1-2001, La Ville aux Prévôts :
Hier il a fait si froid que nous n’avons pu marcher que quelques moments, pour
aller déjeuner… Et l’après-midi nous avons regardé un film reconstituant la période
historique de l’occupation des Allemands lors de la Seconde Guerre mondiale : il
s’agissait de la résistance et de la solidarité des habitants d’un groupe de villages
dans les Cévennes, menés par un pasteur protestant à héberger et cacher, dans
leurs maisons et leur école, un nombre important d’enfants juifs.
Cela me prend souvent par surprise : l’émotion si intense qui monte et affleure,
devant toute représentation d’acte héroïque, de solidarité courageuse même devant
la mort, de don de soi ; ce sont des sanglots qui montent instantanément, et à
chaque fois c’est « ma » peine et « mon » élan – cela arrive à tout le monde,
évidemment ! Mais c’est la proportion qui me surprend ; c’est comme une évidence
d’unité qui ne peut se révéler que lorsque les circonstances exigent de soi que l’on
puise à une profondeur de choix autrement dormante ou occultée et, lorsqu’elle se
manifeste, c’est comme une porte qui s’ouvre soudain toute grande sur une qualité
et une intensité de sens et de vie, sans lesquelles nous ne sommes que des morts-
vivants, des marionnettes ou des images de nous-mêmes…
Et dans cette émotion, quelle que soit sa modulation particulière, il y a justement
toute cette peine de ne pas être capable de vivre là, d’exister là à chaque instant,
sans qu’il soit nécessaire d’y être propulsé par quelque extrémité de circonstance.
C’est la peine d’être gris, mangé, volé, gaspillé, usé par ce rien multiforme qui
occupe nos vies.
*3-1-2001, La Ville aux Prévôts :
Les activités de la nuit sont étonnantes : la nuit dernière ce furent des heures
passées sur le thème de l’irréalisation, ou déréalisation physique de la mort – ni du
romantisme, ni de la théorie, mais des détails et des circonstances tout à fait
« réalistes » !
Hier nous avons passé un long moment de grâce sur la pointe rocheuse du Cap
Fréhel, C bien accrochée à moi contre un vent formidable, devant l’étendue des
champs de la mer ; rien que la mer, le ciel, le vent et les mouettes et, nous
portant, la falaise de granite rose, et le courant s’en allait comme une onde de
prairie vers le large…
… J’ai rapporté de Saint Malo un livre magnifique, « 365 jours de la Terre », et
autant de vues prodigieuses, prises d’avion, comme des hommages emplis de
tendre révérence à l’âme vivante de la Terre.