Table of Contents Table of Contents
Previous Page  1254 / 1424 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 1254 / 1424 Next Page
Page Background

1254

*14-12-2000, Saint Maur :

Le ciel est tout chargé d’une masse grise et ouatée, comme s’il allait neiger…

… C’est une étrange sensation interne : il me faut me rappeler positivement, avec

la pensée, et fréquemment, volontairement, que… j’ai ma place à Auroville –

comme le lit d’une rivière, ou la forme d’une âme - ; et cette pensée est nécessaire

et réconfortante, mais étonnante aussi…

*15-12-2000, Saint Maur :

Chacun une impasse.

L’âge.

Des sanglots intérieurs ; une peine qui monte, qui monte…

Comment recevoir ici Ton atmosphère ?

*16-12-2000, Saint Maur :

Il est 9 h du matin et le soleil vient juste de monter devant ma fenêtre, dans un

bleu pâle comme celui de Sri Aurobindo – et il fait fondre le givre sur les vitres.

Sur ma table il y a : « Savitri » et un livre d’asanas ; quelques messages

imprimés ; un vase d’épis séchés et de tulipes en bois, et un petit pot de bégonias,

un gros coquillage et une rose des sables, un cheval e bronze en marche, deux

lampes et un paquet d’encens et un miroir pliant, des fioles d’essences de fleurs,

des clés, les billets de retour, la montre de Kusum, des cigarettes et des beedies, la

pochette qui contient tous mes papiers, une bourse, un peigne et un cendrier, le

journal des films de cette semaine, une tasse de café noir, la carte de Ton Symbole,

un gobelet de bambou où je brûle l’encens, trois pommes et un couteau et trois

citrons de « Sincérité »…

Chaque jour C et moi sortons et marchons un peu plus loin…

R s’est mis à sourire et rire et jouer un peu…

Je bute sur des ensembles de données.

L’un de ces ensembles est centré autour du processus de vieillissement du corps, et

c’est presque de l’horreur que j’éprouve à rencontrer les effets de son empire dans

la substance corporelle, mêlée d’incompréhension douloureuse, comme celle d’u

enfant. Pourquoi, pourquoi ce viol, cette violence implacable, cet influx irrésistible

qui abîme et détruit et trahit ? Où est le ressort ? Où est la racine de cet

avilissement ? Toutes les attitudes morales d’acceptation me semblent aussi

révoltantes ! Je suis dans l’incapacité de croire et de sentir que ces conditions

puissent être données par le Seigneur, qu’elles puissent porter ou exprimer Sa

vérité… Et je ne veux pas continuer ainsi !

Et pourtant, s’il s’agit de C, parce qu’elle est si belle et si donnée, dans son élan de

progrès, à ce souffle de devenir qui l’habite, de tout mon cœur et de toute ma

conscience je l’encourage et la soutient et lui montre les voies de l’harmonie ;

même si je souffre aussi du vieillissement en elle, je sais et je sens que de

continuer vaut la peine, de continuer comme elle peut le faire, avec cette exigence

vivante et si essentielle en elle.

Et puis, cet autre ensemble, celui-là centré autour du fait de la bisexualité, et de ce

besoin terrible que je porte depuis l’enfance d’une libération effective des

« mœurs » ; et là aussi, il y a presque une horreur de ces ghettos de la vie, de

cette ligne de division qui dénature et empêche et empoisonne. Le film que j’ai vu il

y a deux jours, « Les yeux fermés », m’a bouleversé, par ce qu’à la fois il montre

cette possibilité adorable de tendresse et d’amitié physique entre les hommes,

comme la victoire d’une compréhension si profondément douce et fraternelle,