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la perception de cet être complexe, qui lui aussi a besoin d’une issue, d’un progrès,
d’une réalisation, et le sens qu’il m’est peut-être possible de l’aider un peu…
Après quoi je m’en fus marcher, plusieurs heures !
… Il y a comme une incompréhension, une sorte d’étonnement : je ne suis rien, ne
puis rien ; je n’ai aucune capacité qui corresponde à ce monde, et ne suis aps
encore né à un autre monde, à ce qui doit venir.
En même temps, ce privilège d’être devenu conscient de Toi et de T’appartenir et
d’avoir reçu de Toi des repères si tangibles, et une expérience si centrale – ce
privilège est si formidable : comment justifier que cette Grâce m’ait été donnée !
Et même, quel est ce don, si ce n’est pas un don pour tous ?!
A Auroville, nous baignons dans ce privilège.
Comment pouvons-nous en être dignes ?
Cela touche à l’absurdité !
Le fait, le simple fait est, que nous ne sommes pas dignes, et que nous ne pouvons
pas l’être, tant que nous ne sommes pas changés !
Et alors il ne s’agira plus de le mériter, il ne s’agira plus d’être dignes : nous serons
des corps et des outils de Ta Grâce, pour un travail que nous ne pouvons même pas
concevoir.
Croire que Tu es « notre » Mère et pas Celle de tous relève d’une telle imbécillité,
c’est embarrassant !
*5-12-2000, Saint Maur :
La fenêtre devant ma table donne, au-delà des maisons voisines, sur une colline
boisée et un grand pan de ciel, plein Est, et les rayons d’un soleil pâle viennent
jusqu’à la page où j’écris.
Hier soir j’ai reçu des messages d’Auroville, de Barbara et de Selvam : il y a eu un
cyclone la semaine dernière et beaucoup de nos arbres ont été abattus…
Hier, R et moi avons ramené C chez eux.
Elle a encore un peu mal quand elle doit faire certains mouvements, mais son
organisme s’est rallié à son élan intérieur, et c’est beau à voir !
… Je me trouve dans un désert.
… Quelques jours avant de quitter Auroville, j’ai découvert, à l’arrière du genou
gauche, une enflure, un gonflement inexplicable ; et je ne suis pas parvenu depuis
à percevoir la cause ou l’origine de ce phénomène, et cela s’est élargi ; j’i
seulement la sensation que c’est en rapport avec le plasma, comme l’était cette
spectaculaire et douloureuse éruption qui m’a immobilisé le mois dernier ; mais il y
a un détail étrange : un de nos ouvriers venait juste de se faire traiter à l’hôpital -
par ponction ou par incision, je ne suis pas sûr – pour une grosseur à l’arrière du
genou qu’il avait depuis longtemps et dont il se plaignait souvent : comme si cela
m’avait été transmis, à un niveau matériel et d’une « manière » dont je suis
péniblement inconscient…
Et puis, il y a ce processus répugnant de détérioration générale : les dents sont une
zone sinistrée ; ma jambe droite est déformée depuis cet accident il y a plusieurs
années ; les tissus s’affaiblissent, le visage se marque et se burine, et les yeux,
brûlés par tant de soleil, ont désormais besoin de lumière vive pour voir
précisément les détails, ou lire de petits caractères.
Tout cela est vu et perçu et ressenti depuis une position qui n’est plus tout à fait
« normale » : il y a à la fois une distance et une identification, et un grand besoin
d’harmonie et de beauté, comme une nécessité absolue pour le progrès de la
manifestation. Je me sens tout à fait incapable d’adhérer à ce type de progrès qui
peut s’accomplir – psychologiquement ? spirituellement ? – depuis une situation de